Fruits de la vigne – Domaine Chiroulet – Terroir gascon 2020
Il ne fait pas toujours chaud, en Gascogne, d’où le nom de Chiroulet, tiré du « chiroula », désignant un vent glaçant en patois gascon. Sous la houlette de Philippe Fezas (le site du domaine évoque son « parcours souligné d’ambition » ce qui, on en conviendra, n’est pas super, super clair et, pourtant, l’expression n’est pas de moi, c’est dire), le domaine propose une gamme large, dont l’entrée en rouge est ce « Terroir gascon », affiché à 13°, idéal pour relancer notre série « que boire à Paris pour quelque dix euros ? » puisque la quille se peut trouver à ce tarif aux Galeries Lafayette.
On notera l’effort marketing frappant la sémantique qui enveloppe cette IGP. Ainsi
- de l’usage du mot « terroir » dont Jean Szlamowicz rappelait combien il « incarne la puissance d’évocation du rapport du vin au lieu » même si, ô euphémisme, il « ne va pas sans ambiguïtés » (Savoir parler du vin, Le Cerf, 2023, p. 203),
- de l’ouverture à l’international avec l’inscription de « France », et
- de la tentative de capitaliser sur une supposée proximité artisanale avec le recours au terme « famille ».
La robe de cet assemblage (50 % merlot, 30 % cabernet-franc, 20 % tanat) virevolte autour d’une teinte évoquant le coulis de framboise et hésite à fricoter avec une timide noirceur, peut-être héritée du grain quasi noir du tanat.
Le nez, très discret, évoque à notre naseau quelque chose de pas très éloigné d’une écorce d’agrume évoluant vers des notes musicales de café en grain.
La bouche attaque entre la framboise et le cassis. Rugueux comme un vent froid, le breuvage revendique une rigueur qui frise d’abord l’astringence avant d’évoluer vers une finale joliment compotée.
Ce nonobstant, nous mentirions en prétendant avoir été totalement ébaubi. Notre très grande faute, en sus d’une nouvelle illustration de notre inculture œnologique ? Peut-être. À l’évidence, le mariage que nous avons fomenté entre le « Terroir gascon » et un tartare de bœuf ne met pas en valeur cet aspect : une grillade ou un plat cuit, pourquoi pas quasi ragoûteux, éviterait cette sensation d’avoir en bouche deux saveurs qui s’évitent et refusent de fricoter de conserve. Bah, au grand jeu des alliances, quand on tâtonne pour ne pas se répéter avant d’être complètement gâteux, on ne peut pas gagner à tous les coups, ça s’saurait, et ce serait fâcheusement ennuyant. Continuons de tenter et, selon l’expression de Pierre Jean Jouve, que notre regard à la mer caresse les idées (Matière céleste [1964], in : Dans les années profondes…, Gallimard, « Poésie », 1995, p. 156), fût-ce pour constater la désunion entre le projet imaginé et la réalité vécue !