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Photo : Bertrand Ferrier

 

Les millésimes se suivent et ne se ressemblent pas, c’est leur façon de créer du suspense. Nous avions goûté un millésime du Château Tanesse – 2019, nous semble-t-il – mais nous avions omis de photographier la bouteille. Aussi nous sommes-nous retrouvés devant l’obligation de regoûter au breuvage, version 2017, cette fois. Le résultat est si différent que nous proposons une double chronique d’une presque-même produit, fors la présentation du producteur.
En l’espèce, les vignobles Gonfrier sont une grosse machine chapeautant une bonne vingtaine de châteaux et développant une dizaine de marques. Aux 850 hectares détenus en propre s’ajoutent les raisins achetés à d’autres exploitations représentant 550 hectares. Dans cet imposant empire, le château Tanesse est un cadillac-côtes de bordeaux réparti entre 55 % de merlot, 40 % de cabernet sauvignon et 5 % de cabernet franc. On en trouve des bouteilles sur Internet à 9,4 € ; les Galeries Lafayette parisiennes le commercialisent à 10,9 € ; le produit est donc sur le fil de notre enquête sur : « Que boire de correct à Paris autour de 10 € ? »

 

Version millésime mystère

La robe déploie un joli rouge cerise. La diaprure chromatique, et hop, évoque une certaine douceur sans sombrer dans la mièvrerie ou la mollesse.
Le nez est discret. On croit y entendre crépiter des senteurs grillées associées à des bouffées de mûre.
La bouche est serrée. Son duo avec une quiche et des endives l’aide à laisser froufrouter une note épicée. En solo, la finale est trop courte pour permettre de la savourer intrinsèquement. Un vin que ses limites rend plus convivial que pleinement savoureux.

 

Version millésime 2017

La robe est soutenue. Un joli moiré auréole la nuit des profondeurs avec une teinte framboise tout à fait accorte.
Le nez est flatteur. Le pain grillé y fricote avec une compotée de fruits rouges. C’est entre intrigant et appétissant.
La bouche est hélas le point faible de l’histoire. L’attaque est amère et courte ; et cette impression peine à se dissiper. La connexion entre l’odorat et le goût ne s’établit pas. Il faut déguster le jus avec un plat peu relevé pour adoucir la verdeur qui le caractérise à nos papilles. Dans ce rôle d’accompagnement sans prétention, la déception est moins grande que dans une dégustation simple.

 

En guise de codicille

Peut-être notre appréciation était-elle faussée par une attente inadéquate ? Pourquoi pas ! Comme l’écrit Roberto Juarroz,

 

Il n’y a ni victoires ni défaites.
Il y a une erreur au fond
et une autre en surface.
Entre ces deux erreurs,
une tristesse ambiguë
érafle l’écorce d’un arbre impossible.
(in : Poésies verticales, trad. Fernand Verhesen, Gallimard, « Poésie/Gallimard », 2021, p. 241.)