Fruits de la vigne – Château Reynon rouge 2020

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Photo : Bertrand Ferrier

 

Au début étaient les blancs secs, puis vinrent les rouges d’appellation Cadillac côtes de Bordeaux. Sous l’impulsion de Denis Dubourdieu, œnologue ayant épousé la fille de l’ancien propriétaire, le domaine s’est aussi ouvert à un produit qui défrise parfois les glottes des amateurs : le liquoreux. Aujourd’hui, c’est le millésime 2020 du rouge maison qui titille nos papilles. L’assemblage réunit aux trois-quarts du merlot, à 15 % du petit verdot et, pour le solde, du cabernet sauvignon. On le peut trouver autour de 13,5 € chez les cybercavistes, hors frais de livraison, quelque 2 € plus cher aux Galeries Lafayette du boulevard Haussmann.
La robe est solide et dénuée de minauderies froufroutantes. Elle offre aux yeux du dégustateur

  • la compacité d’un grenat profond,
  • l’intensité de la cerise griotte noire et
  • l’obscurité résolue qui se refuse à la lumière.

Le nez ne se dérobe pas non plus et ne joue pas davantage les as du small talk (certes, je ne suis pas sûr que beaucoup de nez « jouent les as du small talk », mais bon, c’est l’expression qui m’est venue en cours de reniflement, alors disons qu’il s’agit d’une licence poétique). À nos cavités de non-expert, il s’affirme

  • épicé,
  • boisé et
  • décidé.

La bouche évoque un mélange

  • compoté,
  • un rien tendu sinon serré et
  • à déguster sans attendre de véritable écho car la finale est courte,

diraient les œnophiles ayant pris des cours sur les courts. Soit, pas de quoi ébaubir notre palais qui eût aimé se complaire de rondeurs sensuelles et de mystères équivoques, et hop, mais de quoi faire cortège dignement pour le mariage entre le Bordelais et la Vendée, autrement dit entre le jus et un plat qui n’en demande guère plus, comme des chipolatas aux mogettes. Acceptons-le sans barguigner : toujours être plus-que-comblé par ce que l’on déguste serait un rêve triste. L’histoire est parfois plus intéressante quand

 

mon rêve part et s’enfuit
sans que je puisse le retenir vraiment
et c’est un jeu entre nous deux
un « je » que je ne connais pas
(Alicia Gallienne, L’Autre moitié du songe m’appartient, Gallimard, « Poésie » [2020], 2021, p. 111
).