Fruits de la vigne – Château La Bridane 2017
Les appellations prestigieuses justifient-elles leur pricing power ? En parallèle de notre série sur « Que boire à Paris pour 10 € or something”, cette question traverse la présente rubrique et s’intéresse cette fois à un Saint-Julien vendu 22 € aux Galeries Lafayette et pas forcément moins cher sur Internet, au contraire.
La robe affiche un très joli rouge soutenu aux accents sombres. Il y a de la volonté, de la tonicité, de la friction, et c’est évidemment prometteur – sauf si on préfère le rosé sans alcool à goût de rose, évidemment.
Le nez hésite à s’affirmer. À force de le taquiner, il nous confie quelques sentiments tirant – ce n’était pas prévu – vers l’agrume, spécifiquement vers le pamplemousse.
La bouche est légère (cabernet sauvignon et merlot pour l’essentiel), et parée d’une savoureuse amertume qui retourne dans les naseaux après dégustation. Les cépages y préparent, mais mieux vaut prévenir : point de rondeur à attendre, ce qui n’ôte pas une possibilité de come-back pour ceux qui savent attendre.
Le mariage chic associant la quille aux pâtes fraîches aux girolles et au foie gras est pertinent. Le vin n’y gagne pas une aura du reste inattendue, mais sa discrète solidité remplit le job pour lequel il fut engagé. Si le résultat paraît un rien frustrant , comme l’eût écrit Armand Robin,
j’aurai pour m’apaiser toute la terre consolée
(Armand Robin, in : Le Monde d’une voix [1963], in : Mon beau navire ô ma mémoire. Un siècle de poésie française chez Gallimard, Gallimard, « Poésie », 2011, p. 164)