Fruits de la vigne – Bordeaux Alexandre Sirech 2018

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Photo : Bertrand Ferrier

 

Dans la série « quel vin boire pour environ dix euros à Paris ? », Alexandre Sirech réapparaît dans nos radars. Il est de ces entrepreneurs dont les atomes crochent en priorité avec les émissions verbeuses de médias pour bourgeois satisfaits et ronronnants, type Radio Classique ou BFM Business, où – contre rétribution dans le second cas – passent crème des phrases aussi stupides que : « Il faut savoir que, sans la Sécurité Sociale, que je ne critique pas, vos salaires seraient deux fois plus élevés, eh oui ». Le businessman est assez malin pour savoir que ces affirmations sont de nature à faire frissonner d’aise les gros cons bedonnants du cerveau et les mémés de tout sexe biberonnées au Figaro, pour qui Dieu se sous-titre Emmanuel Macron et son prophète s’appelle Jean-Marc Daniel. Spécialisé dans le spiritueux premium, entendez : super cher (à cause des maudites charges sociales françaises, pensez), segment où l’ex de Havana Club glisse Les Bienheureux, il travaille tant les vins à deux beaux chiffres que l’entrée de gamme du Bordeaux dans les distributeurs spécialisés de Paris. Aux Galeries Lafayette, outre le Marquis de Bordeaux présenté undercover, il commercialise sous son nom un jus proposé à 9 € et disponible sur Internet à environ un euro de moins, hors frais de port.
La robe frisotte les différentes déclinaisons des teintes grenat. Ça froufoutte velouté jusqu’au fond du verre sans se départir d’une légèreté associant l’absence de prétention à l’aguichage tranquille.
Le nez assume la spécificité de cépages peu réputés pour leur rondeur profonde. Le merlot, annoncé à 85 %, assure le soubassement, presque la courte-échelle, à un cabernet-franc dont les tortillements revendiquent fraîcheur et spontanéité. Voilà pour la théorie. La pratique semble suggérer de frôler le cassis sans l’atteindre, comme pour s’aventurer dans un érotisme du presque où flotte la frustration d’un dévoilement jamais obtenu.
La bouche aussi se dérobe au confort du charnu. Davantage que le fruit, c’est l’astringence qui saisit la bouche et se transmute lentement en manière d’amertume florale. On croit discerner une petite tentation boisée qui refuse la séduction et opte pour une certaine franchise sans salamalec. Même pour le prix, relativement peu élevé à l’aune parisienne, hélas, difficile d’être séduit par un breuvage dont l’équilibre, la subtilité pas plus que l’accorte convivialité n’illuminent la dégustation ; et nous suivons l’écoulement du verre comme, eût écrit Inger Christensen in : La Vallée des papillons, Alphabet et autres poèmes (trad. Janine et Karl Poulsen [2014-2018], Gallimard, « Poésie », 2022, p. 85),

 

sous une ville
le grand parcours
qui n’est pas le nôtre.