Fruits de la vigne – Beaumes de Venise 2021

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Photo : Bertrand Ferrier

 

Afin de poursuivre notre enquête sur les vins autour de dix euros à Paris, et de préférence en dessous du millier de centimes, impossible d’esquiver (et pourquoi l’esquiverait-on ?) un vin agrégeant moult récoltants. Le produit vient de la vallée du Rhône et fait, entre autres,  les beaux jours de distributeurs comme Monoprix qui, en quelques années, en ont considérablement augmenté le prix – sans doute l’effet de la guerre en Ukraine et des incendies en Amérique du Nord, admettons-le ou presque. Actuellement, on le trouve au cœur des Batignolles parisiennes pour le prix de 9,9 €.
L’entreprise productrice a pour nom Rhonéa et représente l’espace considérable de 3000 hectares d’exploitation. Certes, le nom du machin ressemble à celui d’une appellation de labo pharmaceutique et ses engagements paraissent quelque peu confus, faute d’une nomenclature nationale ferme, contrôlée et crédible. Reste que le combo s’intéresse au Vacqueyras, au Rasteau, au Visan et, donc, au Beaumes de Venise, syntagme ronflant quoique pas forcément désagréable.
Le Beaumes est un assemblage de grenache noir (au moins 50 %), de syrah et de mourvèdre, avec l’autorisation, « comme la prestigieuse appellation septentrionale Cotes Rôtie » d’utiliser « jusqu’à 10 % de cépages blancs » pour apporter « de la légèreté ». Le résultat ne donne pas un vin de garde, ce qui n’est pas une insulte.
2023 est plutôt considérée comme une date limite pour consommer une quille de 2021, annoncée au paroxysme de ses charmes. Les passionnés de notation cotent le millésime moins haut que ses frangins. Les connaisseurs promettent même un millésime 2022 plus séduisant. N’en doutons pas, ce sera l’occasion d’une énième et derechef sérieuse augmentation de prix qui nous permettra de tester d’autres petits nouveaux.
La robe nous apparaît étonnamment claire avec des accents sombres laissant froufouter l’éventualité d’une certaine solidité derrière la politesse douce, nécessaire au public de la grande distribution.
Le nez est clair, lui aussi. Il évite les lourdeurs et les promesses inconsidérées que murmurent parfois les breuvages abritant de la syrah en espérant que l’approche flatteuse suffira à susciter une dégustation dithyrambique. Au passage, remarquons que « dithyrambique » est sans doute l’un des mots les plus tordus orthographiquement de la langue française. Ben, non, je dis pas que c’est un défaut. En revanche, j’aimerais bien l’interviouver sur le sujet, d’autant que, ce post en atteste, je le crains, je maîtrise un peu mieux la sémiostylistique que l’œnologie. Bon, si la parenthèse est fermée, elle l’est, youpi, signalons que, dans la discrétion de la fragrance gagnant nos narines, on croit surprendre un rien d’épice qui surnage. Ce n’est pas pour nous déplaire, oh non.

La bouche est équilibrée. Sa rectitude décevra les amateurs d’inattendu, mais elle est solide et s’accompagne d’une finale relativement longue qui ne la dessert pas. On saisit ici le mélange de modestie et d’ambition du jus. Admettons que le souille, hélas, un verbiage de communicants promettant que ce nectar est de ces « vins qui se conjuguent à toutes les tables ». Des vins de merde, donc.
Le Beaumes de Venise de Rhonea est loin d’être un vin de merde mais, même si Rhonéa est une grosse machine,  il est à espérer que son business souffre de troquer le verbiage niaiseux des conneries préfabriquées que la grosse machine étale sur ses étiquettes pour une sobriété moins concon qui habillerait mieux ce type de production.

 

Un lecteur nous a réclamé une capsule CRD pour une précédente chronique. On le fera pas à chaque fois, parce que c’est moche et hyper technique, mais, aujourd’hui, c’est cadeau, Charles. Photo du plancher : Bertrand Ferrier.