Florian Krumpöck joue Liszt et Chopin, salle Cortot, 24 mai 2024 – 1/3

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Florian Krumpöck le 24 mai 2024 à la salle Cortot. Photo : Rozenn Douerin.

 

Quel programme en miroir (Liszt + Chopin | Chopin + Liszt) ! Florian Krumpöck a décidé de frapper fort, ce vendredi soir, dans une salle Cortot presque pleine à craquer, corbeille comprise. La première partie ne proposait rien moins que les Tre Sonetti di Petrarca de Franz Liszt, suivis par la Deuxième sonate en si bémol mineur opus 35 de Frédéric Chopin, dont l’artiste vient de publier un enregistrement.
Les trois sonnets, extraits du deuxième recueil – l’italien, forcément – des années de pèlerinage, sont une transcription d’un duo piano-voix faisant écho à l’amour pas super simple que vivait le compositeur avec Marie d’Agoult. Le premier explique à l’aimée que l’aimer, c’est chaud et glaçant à la fois (accrochez-vous si vous aimez les résumés très résumés, il en reste deux d’ici la fin de la notule). Le concertiste, qui revendique son attachement au chant, s’attache à saisir la partition avec un sens patent

  • de l’allant,
  • de la suspension et
  • de la continuité mélodique.

Ses stratégies pour rendre la flamme et les retours de flamme du lover sont claires :

  • il veille à équilibrer les différents registres par un toucher attentif ;
  • il profite des couleurs spécifiques à chacun ; et
  • il donne une vivacité singulière au registre a priori le moins affriolant – le médium, loin des grondements graves et du cristal liquide des aigus aux effets plus immédiats.

Surtout, il séduit autant par son aisance évidente que par sa capacité à laisser la place

  • au son,
  • à la résonance et
  • au silence.

Dans le deuxième sonnet, l’amoureux bénit tout ce qu’il peut connecter à sa chérie, devenue

  • son honneur,
  • sa gloire et
  • son adoration.

D’un geste sûr, Florian Krümpock traite avec la même attention les notes principales et leurs consœurs intermédiaires intermédiaires, id sunt celles qui

  • suivent les notes pointées,
  • se situent au milieu d’un arpège ou
  • servent d’appogiatures pour orner le discours.

Reste à l’interprète à construire l’harmonie arpégée sans laisser s’évanouir

  • la ligne mélodique,
  • le plaisir des accords qui ponctuent le discours, ni
  • la jubilation de la virtuosité.

Le troisième sonnet évoque le concert des larmes de l’aimée, récital capable d’arrêter le cours du monde. Florian Krumpöck s’attache ici à

  • conduire la méditation,
  • mener à bon port de larges crescendi en dépit des indications de Waze fusant des étages supérieurs,
  • colorier les différents registres qui s’accaparent tour à tour le motif matriciel, et
  • poser délicatement les dernières notes comme si, sur le moment, c’était la chose la plus importante du monde

(“on ne joue pas du piano comme ça, fulmine néanmoins la vieille connasse derrière nous qui n’arrête pas de bailler, c’est très négligent, je suis bien placée pour le savoir, j’ai fait du piano plusieurs années, moi aussi”). Une entrée en matière saisissante et puissante que l’artiste propose de prolonger avec la Deuxième sonate de Frédéric Chopin. Ce sera l’objet de notre prochaine chronique !

 

À suivre…