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Première du CD Hortus

 

On avait quitté les Études pour piano de Fabien Touchard sur la quatrième, interprétée avec brio par Philippe Hattat. C’est ce même pianiste qui se voit confier la cinquième, « En suspens », composée en 2012 et dédiée à György Ligeti.

 

 

Entamée sur un motif minimaliste, l’étude s’ouvre bientôt

  • à la résonance,
  • à la complémentarité des registres,
  • à la complexité du son
    • (net,
    • irisé,
    • étouffé,
    • silencieux,
    • in fine transformé pour imiter un clavecin)

 en creusant la veine

  • de l’itération,
  • du statisme, donc
  • de l’attente (suspension et suspense se rejoignent) et
  • du contraste.

Les touchers

  • délicat,
  • brutal,
  • profond,
  • percussif et
  • ciselé

 de Philippe Hattat font merveille dans cette atmosphère planante qui se prolonge au disque par onze secondes de silence… et plaira sûrement à un Nicolas Horvath !

 

 

Avec la sixième étude, « Ébauche de vertige », composée en 2022 et dédiée à Johannes Brahms, Orlando Bass entre dans la danse. Un début délicat, presque debussyste, cherche une voie dans l’aigu et le médium. Les interrogations persistantes de la main droite ruissellent sur l’ensemble du clavier. Le motif principal, nettement découpé, persiste au-dessus des commentaires

  • liquides,
  • massifs ou
  • répétés

jusqu’à ce qu’une main gauche motorique modifie l’atmosphère et submerge le propos jusqu’à des accords messiaeniques. Le musicien rend avec art le travail du compositeur sur

  • les accents donc le rythme,
  • les différenciations de registres, et sur
  • les infinies possibilités sonores qu’offre le piano (attaques, intensités, résonances, etc.).

À celui qui s’attend à une partition lisse, Fabien Touchard oppose une série d’esquisses rendant peut-être raison du titre générique (« étude ») et du titre spécifique (« ébauche »). Ce sixième épisode apparaît couturé plus que rhapsodique. En témoigne le dernier fragment, qui ajoute du mystère à la pièce sans lui ôter une once du mystère qui l’enveloppe.

 

 

Orlando Bass reste au clavier pour la septième étude, « Licht », composée en 2022 et dédiée à Alexandre Scriabine. Une guirlande de notes tombant des aigus

  • s’entortille en caressant le clavier,
  • s’acoquine avec
    • des échos,
    • des déformations,
    • des redites modifiées ou augmentées,
  • s’affriole au contact de fusées aiguës qui jouent à fragmenter l’hypnotisante berceuse (on reconnaît par moments « l’enfant dormira bien vite »de « Dodo, l’enfant do »).

Leçon

  • d’harmonisation,
  • de développement et
  • de science du clavier,

cette partition prend le parti de fouiller le potentiel d’un motif étique d’abord dans l’aigu puis dans le médium. Orlando Bass apporte à l’exécution son sens

  • des couleurs,
  • des mutations et, presque en compositeur qu’il est,
  • de la construction d’ensemble

qui donne son éclat à l’œuvre oxymorique, à la fois

  • obstinée et labile,
  • redondante et changeante,
  • centrée sur un motif et prête à s’en détacher soudain,

ce dont témoignent les trois dernières notes, à la fois bondissantes et longuement tenues…

 

 

… alors que rrrevoilà Orlando Bass pour jouer la huitième étude, « Battaglia », composée en 2022 et dédiée à Sergueï (le prénom n’est pas traduit, contrairement à celui de Scriabine) Rachmaninov. Cette fois, l’affaire débute dans les tréfonds des graves où bouillonne une lave subitement projetée vers la droite du clavier. On reconnaît ce plaisir touchardien – et hop – de la friction entre atonalité et musique consonante (ici enlevée à la hussarde avec une énergie inépuisable et une aisance insolente qui alimentent la colère des graves et mutent petit à petit), friction que le compositeur aime à unifier progressivement et souvent provisoirement, en subsumant l’apparente dichotomie ou en démontrant l’artificialité consubstantielles aux oppositions binaires, du moins dans le domaine artistique. La virtuosité de l’interprète, à la fois

  • échevelée,
  • tranquille et
  • fagotée dans une musicalité toujours patente (les nuances n’ont jamais été les ennemies de la tonicité, au contraire !)

font rutiler

  • la répétitivité roborative,
  • la rythmicité euphorisante,
  • la digitalité éblouissante et
  • le recours malin au swing et à des harmonies jazzy qui évoquent les diableries de Nikolaï Kaspoutine.

Commencée dans les abysses, l’étude se conclut sur des cimes énigmatiques qui se fondent dans le noir pendant une quinzaine de secondes.

 

 

« Premières limbes », que l’on suppose être une improvisation de Fabien Touchard, explore en partant bien sûr de l’aigu, idiomatisme oblige,

  • les charmes,
  • l’influence et
  • les apports

de la réverbération sur l’harmonie ici figurée par une série d’accords répétés, dans un minimalisme épuré qui ne laisserait sans doute pas indifférent un compositeur-pianiste comme Melaine Dalibert, donc re-Nicolas Horvath… De quoi attendre dans les limbes (c’est mieux qu’à un arrêt de bus sans auvent un soir

  • de pluie,
  • de brouillard et
  • de cafard),

l’hora mortis qui nous est promise autant ici-bas que dans la neuvième étude dont nous rendrons compte, si Dieu ou un collègue humain compatissant nous prête vie, dans une prochaine notule.


À suivre !
En attendant, pour acheter le disque, c’est par ex. ici.
Pour l’écouter, c’est par ex. .