Fabien Touchard, « Études pour piano », Hortus – 1/3
Né en 1985, Fabien Touchard revendique neuf prix du CNSMDP – CNSMDP où, sur ces entrefaites, il a été nommé professeur de contrepoint en 2019. Dans le disque dont commence ici la chronique, il rassemble douze études composées entre 2010 et 2022, revendiquées comme « d’une grande virtuosité », accompagnées de deux « limbes » d’1’30, qui le voient s’emparer du piano. Le reste du temps, le Steinway D capté par Aurélien Marotte en avril 2023 est confié à de jeunes pianistes, notamment Orlando Bass, bien connu (entre autres) des lecteurs de ce site et interprète d’un tiers du programme, et Philippe Hattat qui en endosse un autre quart.
La Première étude, « Dans le vent venu », a été composée en 2010 et dédiée à Claude Debussy. Elle nous parvient sous les doigts de Flore Merlin. Une oscillation liminaire se trouble avec l’ajout d’une basse résonante. Les graves motoriques s’irisent et s’irritent d’accords aigus. Des arpèges suspendent l’histoire puis cèdent la place à une structure inspirée de ce qui vient d’être joué. Le compositeur joue
- de la complémentarité des registres,
- de l’opposition entre
- traits têtus,
- accords et
- résonances, et
- de la juxtaposition
- de séquences identifiables,
- d’arrêts et
- de silences
jusqu’à l’extinction dans l’extrême aigu où la note s’efface derrière la percussion.
La Deuxième étude, « Dancing Lilies », a été composée en 2018 et dédiée à George Crumb. À David Kadouch de faire danser les lys. L’Étude assume son programme exploratoire. Par séquences
- tuilées,
- enchaînées ou
- juxtaposées,
Fabien Touchard
- travaille donc truque donc élargit la sonorité du piano, associant des sons
- mécaniques autrement dit naturels,
- enveloppés par le sustain,
- fomentés sur la corde même,
- mêle
- lyrisme,
- fragmentation et
- suspension, et
- associe des contraires avec gourmandises, par exemple
- de grandes envolées du clavier et des motifs étouffés à même la corde,
- des exigences de résonance et la profération d’un texte inintelligible,
- des registres qui concentrent, dilatent ou embrasent le discours,
- des échos presque chopiniens et des grondements harmoniques,
- des attaques toniques et un long fade out, etc.
Le résultat est fort intéressant. la Troisième étude, « Vers l’abîme », a été composée en 2022 et dédiée à Vladimir Horowitz. Camille Belin creuse l’incipit dans l’extrême grave du clavier.
- Variétés des rythmes,
- allant du motorisme,
- sonorités quasi jazzy,
- vertige
- de l’ultra speed,
- du mouvement perpétuel et
- de ses suspensions
sont valorisés par le soin apporté aux différentes sonorités que la pianiste caractérise et ce,
- sur l’ensemble du clavier,
- en dépit de l’exigeante célérité de la chose et
- par-delà la dimension roborative d’une virtuosité non dissimulée
(en presque plus clair, très belle technique mais non moins charmeuse musicalité). Puis la machine semble s’arrêter. Le souffle s’apaise. La nuit retombe. La vitalité n’est qu’une illusion que, tôt ou tard, dissipera la seule grande réalité qu’est la mort.
La Quatrième étude a été composée en 2012 puis reprise en 2022 et dédiée à Art Tatum. Philippe Hattat, qui revendique une égale passion pour le piano, le clavecin, l’orgue et… le violoncelle, est envoyé affronter le fauve. On est saisi par
- l’exigence digitale,
- la science contrapuntique,
- l’attention portée aux accents,
- l’usage mêlé de
- traits,
- glissendi,
- récurrences, et
- la puissance motorique du piano faisant écho à l’étude troisième,
mais aussi par ce qui charme l’oreille :
- les rythmes,
- les répétitions,
- les trouvailles harmoniques,
- les équilibres provisoires faisant espérer la rechute dans l’ivresse de la virtuosité, et
- les nuances apportées par un interprète très impressionnant.
Le résultat ?
- Spectaculaire,
- joliment ficelé et
- séduisant, dernière longue résonance finale comme apprécie le compositeur incluse !
À suivre !
En attendant, pour acheter le disque, c’est par ex. ici.