Faada Freddy, Salle Pleyel, 4 avril 2024 – 1/2

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Faada Freddy à la salle Pleyel, le 4 avril 2024. Photo : Bertrand Ferrier.

 

Après une première partie mitigée et un entracte à succès pour la buvette, la star de la night entre seule en scène. Comme à son habitude, c’est « Let it go » qui l’accompagne. Il y a du groove, mais l’importance de la percussion sature l’oreille et réduit le moment à un marteau électro qui sonnait

  • moins lourdaud,
  • plus subtil et
  • mieux amené

dans la version Olympia de 2015. Après cette entrée en matière boostée aux hormones du décibel mais qui évite avec finesse le recours à un tube (y a du métier, dans l’équipe…), Faada Freddy envoie du pâté avec « Letter to the Lord », single efficace du précédent disque.

 

 

Sapeur partagé entre The Mask et Michael Jackson, l’ultrachanteur fait tomber la veste. Ces dames chavirent comme il se doit (sans « g », en tout cas à ma connaissance). Ses choristes font mouvement pour l’entourer. Le lead singer démontre l’ambitus de sa voix qui ne se réduit certes pas au falsetto qui fait son succès. L’homme a

  • de l’amplitude,
  • de la technique et
  • du talent.

En dépit de percussions trop fortes par rapport aux voix, on goûte

  • le pont réussi,
  • les arrangements malins et
  • le postlude très plaisant.

Sans grande surprise, Faada Freddy enchaîne avec « Lost », une chanson où il dédouane l’obscurité : s’il ne voyait pas, s’il était perdu, c’est que ses yeux étaient fermés. Selon lui, en évitant d’être focus sur le stress et l’inquiétude, on irait mieux, ce qui, à défaut d’être une trouvaille psychologique de première nouveauté, n’est sans doute pas entièrement inexact. C’est l’occasion de faire refluer la saturation du boum boum et de profiter davantage du potentiel vocal du combo, solo – plus modeste que créatif ou pyrotechnique – de basse vocale compris.

 

 

« Day to Day Struggle » (« Si tu crois être arrivé, tu as déjà perdu / L’amour est un combat quotidien ») creuse le sillon de la love song avec un début de refrain qui évoque à découvert celui de « Wild World » de Cat Stevens (marche descendante classique aussi utilisée, entre mille autres, par Sinclair quand il chante « sur les chemins de la gloire » dans « Un jour »). L’affaire est prolongée par un long postlude intéressant. S’ensuit un monologue parlé où en prennent pour leur grade

  • le confinement,
  • l’intelligence et
  • la machine (« l’homme crée la machine, mais la machine ne crée pas l’homme »).

Selon l’artiste, il faut car « la liberté, c’est dans la tête », affirmation pour le coup quelque peu présomptueuse. Lui-même, ajoute Faada Freddy, s’est libéré de la machine en ne recourant pas à des instruments, ce qui rendrait son groupe et sa musique uniques. Une telle digression nécessite une petite mise au point, par exemple pour

  • pour pointer qu’un instrument n’est pas une machine – au mieux, un outil ;
  • pour rappeler que le « percussionniste corporel » produit ses sons grâce à des capteurs qu’une machine traduit en différentes sonorités ;
  • pour souligner que, sans machine, point de lumières, point d’amplification, bref, point de concert ; et
  • pour interroger l’unicité de la performance.

En effet, les ensembles vocaux – souvent en quintette – s’aventurant dans la musique populaire et la chanson sont choses courantes et en général savoureuses. Qu’ils mâtinent l’a capella d’une touche instrumentale (le piano d’Hubert Degex chez les quatre Frères Jacques, cinq avec leur pianiste, ou la guitare circulante des Wriggles) ou qu’ils s’en tiennent à une approche strictement non-instrumentale, qu’ils s’adonnent à la comédie chorégraphiée (Cinq de cœur) ou fassent frémir la musique classique en l’acoquinant légèrement avec des musiques plus troubles (Ensemble Perspectives), le résultat des meilleurs est souvent à la hauteur de l’exigence consubstantielle au genre. Cela n’enlève rien à la performance du gang sur scène ce soir-là, hormis le caractère unique de leur combo.

 

Faada Freddy dans la fosse de Pleyel, le 4 avril 2024. Photo : Bertrand Ferrier.

 

De même, cette « musique bio » qui « libère l’homme de la machine » l’y soumet en réalité totalement puisque l’essentiel des effets produits est réalisé grâce à

  • une captation,
  • une amplification,
  • une distorsion,
  • une égalisation et
  • un plan de feux

tous électronico-électriques. La vérité, c’est qu’il n’y a rien de bio, là-dedans, mais un excellent travail conjoint entre des vocalistes et des techniciens sons et lumières. Tous ont besoin de sacrées machines pour permettre à la musique de faire son petit effet ! Cette artificialité humaine profite d’alleurs grandement à « Golden Cages », titre ouvrant l’album éponyme, qui dissout presque les réserves précédentes sous l’effet de l’enthousiasme du chanteur. Le voici dansant avec ses choristes et abandonnant le côté léché de la version studio pour s’offrir une farandole dans le public,

  • précédé d’un néon,
  • suivi par ses musiciens et
  • porté par un sens du postlude qui séduit… et lui permet d’insérer du « Billy Jean » dans sa chanson.

Malin et réussi !

 

À suivre.