Etsuko Hirose, « Schéhérazade » (Danacord) – 2/3

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Première de couverture

 

La première partie de cet « arrangement de Schéhérazade » était de toute beauté (suivez-moi pour plus de concision). La seconde commence avec « Le jeune prince et la jeune princesse », manière de barcarolle floquée « andantino quasi allegretto », dont la pianiste rend l’ambiguïté très borodinienne. En effet,

  • l’agogique contenue,
  • la fantaisie créative et
  • la liberté précieuse, notamment des respirations,

dialoguent fructueusement avec la rigueur métrique.

 

 

  • L’astuce des modulations,
  • le plaisir des récurrences et
  • la capacité à faire fructifier le sarment a priori sec d’un motif finalement digne d’un figuier biblique à l’approche de l’été

alimentent l’intérêt jusqu’au surgissement du « piochissimo più mosso » en Si bémol. C’est alors que, en dépit de la matité de la prise de son signée Bertrand Cazé, précise mais trop rigoureuse à notre goût car moins spectaculaire (bah, sur une symphonie à programme, un peu de spectacle, ça nous irait bien !) que dignement scrupuleuse, ébaubissent

  • tonicité des notes répétées,
  • virtuosité paisible des triolets de doubles,
  • netteté de la narration,
  • richesse de l’arrangement,
  • variété des touchers et précision des phrasés

On se laisse volontiers séduire, au sens serpentin du terme, par

  • les ruptures de caractère, à la fois significatives et non disruptives,
  • l’art d’associer discontinuité et persistance du même projet narratif
    • (récurrences de motifs,
    • itérations de structures,
    • réinvestissement de thèmes structurant l’ensemble de l’œuvre) et
  • la volonté diégétique d’Etsuko Hirose (elle raconte une histoire à la fois cohérente et multiple puisque c’est une série !).

Et cependant, ces charmes ne sont qu’une partie de l’arsenal déployé pour nous embobiner comme le tueur par son ex-vierge Schéhérazade. De fait, l’artiste ne convainc pas moins par

  • la souplesse de son geste dans le 6/8,
  • son envie de bariolage qui tranche avec la traditionnelle transcription de Paul Gilson ou
  • sa capacité à associer
    • rigueur,
    • ductilité et
    • équilibre orchestral des voix.

Bref, ce troisième épisode de l’arrangement hirosique  est une proposition captivante.

 

 

Reste la triple péroraison du quatrième mouvement :

  • la fête à Bagdad,
  • la mer et
  • le naufrage du vaisseau sur un guerrier d’airain.

On reste en 6/8 pour cet ultime épisode qui sombre rapidement dans la frénésie avant de mixer les mesures et de revenir au 6/8… version vivo. L’interprète-arrangeuse veille à profiter

  • de l’éruptivité d’un piano DeLuxe préparé par Philippe Destouesse,
  • de sa capacité à faire rebondir les nuances les unes contre les autres, et
  • de son art de transcriptrice visant à imaginer des variations de registres parlantes.

Elle

  • marque les breaks,
  • s’embarque avec grâce dans les foucades modulantes,
  • dégaine une habileté délicieuse à mêler binaire et ternaire, et
  • se goberge de la fougue orientalisante qui mène la danse.

Sans se laisser embarquer par les ruptures rythmiques associant 2/8 et 6/16, elle trace une route qui préfère

  • le précis à l’éruptif,
  • le dynamique au volcanique, et
  • le multiple à l’univoque.

À la virtuosité digitale répondent

  • l’énergie des poignets,
  • le tempérament musical qui rechigne à l’extraversion, et
  • le sens de la ligne musicale qui, en dépit d’une acoustique décidément trop sèche à notre goût, ne renie pas la jouissance d’un clavier puissant et multiple.

Jointoyant son programme et la logique de la progression dramatique, Nikolaï Rimsky-Korsakov prépare son finale en glissant, après ce passage brillantissime, d’intenses moments « più tranquillo » puis des réminiscences énoncées lento. Ce choix de terminer par un moment à la fois « molto dolce » et tremblant parachève

  • la grandeur de la pièce,
  • la réussite de la transcription et
  • la beauté de la pianisation de la suite.

Le résultat, très impressionnant dans les passages brillants comme dans les moments plus intériorisés, inspire respect et brava… et prélude joliment avant l’excellente idée qui, avec originalité, conclut le disque et fera l’objet d’une prochaine notule !

 

À suivre…


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Pour voir l’artiste jouer Schéhérazade (et pas que) à Paris, c’est le 25 janvier 2025 à l’Espace Bernanos (réservations ici).