Elvin Hoxha Ganiyev joue les sonates pour violon d’Eugène Ysaÿe (Solo musica) – 6/6

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Quatrième du disque

 

C’est sur l’allegro giusto non troppo vivo de la sixième sonate en Mi que le violoniste azerbaïdjanais Elvin Hoxha Ganiyev conclut son cycle Eugène Ysaÿe ; et le moins que l’on puisse dire est que ça déménage !

  • Anacrouse,
  • trilles,
  • appogiatures,
  • accords explosifs,
  • intervalles mutants,
  • traits virtuoses avec leurs gruppetti inégaux,
  • sforzendi et
  • silences brutaux ajoutant de la secousse aux cahots en suspendant le récit

saisissent l’auditeur en dépit d’une curiosité de montage à la neuvième seconde (parfois, il convient de laisser croire que l’on a vraiment écouté le disque, c’est le jeu…). Les difficultés techniques n’empêchent point le jeune interprète de laisser poindre un lyrisme étonnant, enflammé par l’utilisation de l’ensemble des registres, du fa double dièse grave aux suraigus qui, s’ils n’étaient pas écrits une octave en dessous, nécessiteraient l’ajout d’une dizaine de traits par-delà la portée ! Eugène Ysaÿe sait aussi recourir à des changements de tempo nets ou larvés, permettant à l’instrumentiste d’exprimer d’autres émotions,

  • çà contemplatives,
  • là presque lascives,
  • ailleurs comme surprises par l’attente ainsi créée.

Pour autant, à l’instar de ce que l’on avait noté dans les sonates précédentes, les accalmies sont relatives. En effet, la langue principale parlée dans ces mesures à deux temps reste la triple croche, pimentée fréquemment par des triolets et par le dialecte de la quadruple croche. Cette énergie qui ne demande qu’à jaillir est un rien gâchée – comme nous l’avons regretté dans de précédentes notules – par la prise de son d’Ole Bunke. Celle-ci ne cache rien des respirations de l’artiste, ce qui, par moments, est gênant pas seulement parce que c’est un bruit parasite mais aussi parce que c’est un spoiler de ce qui va se passer (une grande inspiration indiquant un changement de caractère imminent, de l’intime à l’exubérant ou vice-versa). À l’auditeur de se laisser néanmoins emporter par ces mouvements qu’animent

  • intranquillité sourde,
  • à-coups bouillonnants,
  • manière de cyclothymie et
  • incapacité de la verve ysaÿque à trouver l’apaisement.

 

Détail significatif de la partition de la sixième sonate d’Eugène Ysaÿe

 

En s’abandonnant à ce grand huit trépidant, il profitera de l’écriture

  • inventive et tournoyante,
  • foisonnante et remuante,
  • rugueuse et fulgurante

d’Eugène Ysaÿe qu’Elvin Hoxha Ganiyev rend avec

  • verve,
  • attention à l’intention autant qu’à la lettre, et
  • musicalité.

Vers le mitan de la sonate, une partie allegretto poco scherzando prend des allures de deuxième mouvement – d’autant qu’elle est précédée par une bonne mesure de silence. Un rythme de habanera tente de se mettre en place, transpercé par

  • des traits,
  • des silences,
  • des contretemps,
  • des suspensions,

et finalement vaincu par une cadence aussi brève que brillante, laquelle débaroule sur l’allegro reprenant le tempo primo. Nous revoici sur les montagnes russes (que nous n’avions pas vraiment quittées) d’une sonate qui finit en boulet de canon ce qu’elle a traversé dans une traînée de poudre. C’est

  • spectaculaire,
  • haletant et
  • joyeusement épuisant,

même pour l’auditeur ! Par bonheur, Elvin Hoxha Ganiyev rend raison de cette sonate et du cycle dans son ensemble avec

  • une technique formidable,
  • une sensibilité évidente et
  • une envie d’explorer les limites de son violon

qui combleront les amateurs de sensation forte et feront bien fermer leur clapet à ceux qui marmonnent encore qu’ils détestent la musique classique parce que c’est du mou – les mêmes, sans doute, chougnent que cette musique est

  • trop pour les Blancs (fi),
  • trop pour les riches (beurk), bref,
  • trop exclusive et dépassée (voilà) :

tous les clichés sont bons quand on est con. Oh, certes, cette tartine dans leur mouille est un effet collatéral du travail ébouriffant de presque 80′ qu’un virtuose survolté a enregistré en à peine trois jours, il y a moins d’un an, mais elle nous réjouit aussi !


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