Elvin Hoxha Ganiyev joue les sonates pour violon d’Eugène Ysaÿe (Solo musica) – 4/6

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Première du disque

 

Trompeur, le terme de « sonate », dans ce cycle ? Si elle désigne le fait que sonne un instrument, non ; si elle fait référence à une forme figée en plusieurs mouvements, forme qu’il faudrait définir comme il faudrait définir le « plusieurs » des mouvements, il est certain qu’elle invite l’esprit sclérosé (nous, souvent)

  • à la multiplicité,
  • à l’exploration et
  • à la découverte.

Après deux sonates en quatre mouvements et une d’un bloc, voici une sonate en mi mineur et, surtout, en trois mouvements. Une autre de deux volets puis une d’un seul tenant concluront le cycle.

  • Diversité,
  • souplesse,
  • mutabilité :

voilà de quoi stimuler l’auditeur qui, grâce à Elvin Hoxha Ganiyev, par exemple, envisagerait de traverser les six épisodes du cycle d’Eugène Ysaÿe. Le quatrième numéro s’ouvre sur une allemande à quatre croches la mesure, floquée « lento maestoso ». En réalité, comme dans les épisodes passés, le compositeur distend les codes qu’il met en place.

  • Le tempo lent est grevé par des quadruples croches ;
  • le maestoso est interrogé par un geste qui bondit du registre medium au suraigu et retour ; et
  • la mesure est dopée par des sextolets et des septolets avant de céder et de passer en 3/8.

Le violoniste se sert de cette pulsion

  • extravertie,
  • incontrôlable,
  • inarrêtable

pour dessiner un geste

  • attentif aux inflexions du texte (« allargando », « ritendo »),
  • désireux de dessiner une narration qui intègre ces cahots, et
  • soucieux d’une expressivité qui rende raison de la partition.

Le compositeur travaille la dynamique

  • des rythmes pointés,
  • des appogiatures,
  • des mordants et
  • des suspensions

hélas perturbée dès que les nuances redeviennent piano par une prise de son qui ne nous cache rien, et il faut le regretter,

  • des efforts physiques du violoniste,
  • de ses inspirations et
  • de ses relâchements (le « wouah » à 1’31).

Dommage, car

  • la fragilité assumée des passages « sensible »,
  • la précision des suraigus,
  • la clarté de l’agogique,
  • le sens
    • du juste moment où sonner,
    • du contraste qui fait sens et récit, ainsi que
    • de l’attaque qui relance discours et attention,

témoignent d’une virtuosité intérieure à la hauteur de la technicité extérieure, et l’auditeur apprécierait sans doute mieux ces prouesses s’il ne bénéficiait des parasites incarnant, certes, mais perturbant la propulsion de la musique. Restent les évidentes qualités de l’interprète :

  • le glissando,
  • la maîtrise mais aussi l’apparent lâcher-prise donc la liberté faisant vibrer la proposition, bref,
  • le brio fors la pyrotechnie

sont notables et prenants dans ce mouvement intense, un lento finissant en ternaire auquel fait suite une sarabande, « quasi lento » ternaire itou. Eugène Ysaÿe a à dessein rapprocher les structures des deux mouvements pour valoriser le contraste technique avec le surgissement du pizzicato « avec vibrations ».

  • La tension entre majeur et mineur,
  • la transcription en duo de la pulsion descendante, et
  • l’incrustation dans le texte

    • d’appogiatures,
    • de mordants et
    • de distorsions du tempo
      • (ritendo,
      • animato,
      • « cédez »)

captent l’écoute avant

  • l’accélération arpégée
    • (sextolets de doubles croches,
    • ensemble de triples croches par quatre,
    • ensemble de triples croches par cinq),
  • l’essor de la tension en nuance piano et
  • la conclusion en pizzicati arpégés.

Le finale, un presto ma non troppo lancé sur une mesure chère à Eugène Ysaÿe, la 5/4 (cinq temps par mesure), subit les soubresauts auxquels, alléluia, on ne s’habitue pas, les cinq temps (vingt doubles croches)

  • s’habillent d’ornements qui débordent les notes écrites,
  • se hérissent de phrasés ou d’attaques tête bêche,
  • se frottent à des mesures à trois temps, et
  • se cognent à des gruppetti de sextolets ou septolets qui butent contre le rigide et précipitent l’allant,

créant une secousse joyeusement permanente, d’autant que l’interprétation participe d’une hystérie aux accents presque tziganes.

  • En monodie,
  • en double corde,
  • en mid tempo,

la phrase

  • s’ouvre,
  • se cabre,
  • s’ouvre

à une transition habile pour une fin en majeur qui préfigure les deux dernières sonates centrées sur ce mode.

Le jeu d’Elvin Hoxha Ganiyev mixe

  • une incroyable technique,
  • une haute vue musicale et
  • un souci de narration vibrante qui font mouche.

Sera-ce aussi le cas à l’écoute de la cinquième sonate ? On a connu suspense ô combien plus subtil, j’en conviens, mais pour l’auditeur que je suis, pas forcément beaucoup plus appétent.

 

À suivre…


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la sonate 2 et
la sonate 3
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