Elvin Hoxha Ganiyev joue les sonates pour violon d’Eugène Ysaÿe (Solo musica) – 2/6
Une histoire d’obsession : c’est ainsi que se présente le prélude de la deuxième sonate pour violon d’Eugène Ysaÿe, proposant en la mineur des éclairs constitués par des réminiscences de Johann Sebastian Bach et, surtout, du Dies irae. Elvin Hoxha Ganiyev en rend la fougue
- ici rhapsodique,
- çà virtuose,
- là comme amusée par la réécriture de golden hits.
En mélangeant
- samples textuellement retranscrits,
- patterns facilement reconnaissables et
- écriture personnelle,
le compositeur déploie une écriture exigeante qui semble se nourrir de son ronronnement motorique.
- L’arrivée de sextolets de doubles croches,
- le surgissement d’octolets de triples croches et
- le bref jaillissement d’une mesure à quatre temps ritendo trahissant manière de surabondance sonore qu’une mesure à trois temps ne pouvait plus contenir
préparent la coda où pétaradent
- les attaques,
- les phrasés et
- le sens du swing associant
- notes éphémères,
- point d’orgues et
- brio.
« Malinconia » (en français : mélancolie), le deuxième segment en mi mineur, est affiché
- ternaire,
- « poco lento » et
- « con sordino ».
Eugène Ysaÿe change de langage pour brosser un tableau plus sombre mêlant
- tempo apaisé,
- glissendi sombres,
- ressassement mélodique et
- manière de duo grâce aux doubles cordes.
Le contraste avec le premier mouvement renforce la dimension intériorisée et sensible de la toute autre facette violonistique présentée ici par Elvin Hoxha Ganiyev, notamment quand il laisse résonner, dans des pianissimi à la fois délicats et fragiles, les échos du Dies irae concluant l’affaire.
Une sarabande intitulée « danse des ombres » s’articule autour d’un thème inspiré par le sempiternel Dies irae et de variations alternant les mesures à trois et quatre temps, avec quelques mesures à deux temps pour pimenter la fin de l’histoire. Le thème, pizzicato et arpégé, prend des allures de fragment pour mini harpe. Les six variations oscillent entre
- développement en duo,
- musette (ligne mélodique oscillante intégrant le Dies irae sur un bourdon de sol),
- duo en mineur,
- exposition du Dies irae en duo inversant les rôles au mitan, et
- retour à la monodie virtuose accélérant a tempo (trois sextolets de doubles croches par mesure pour la cinquième variation, vingt-quatre triples croches par mesure pour la sixième).
L’affaire se conclut par la réexposition du thème coll’arco ouvrant la voie à l’allegro furioso intitulé « les furies » qui conclut la sonate. Le mouvement, officiellement à deux temps par mesure, s’emporte irrégulièrement avec des mesures à trois voire cinq temps. La prise de son très rapprochée de Gregor Zielinsky nous fait participer de l’effort consenti par l’artiste – trop, à notre goût : une fois repérés les reniflements de l’artiste, on les entend très fort et, pire, on les attend. Peut-être une distance plus grande aurait-elle ôté en granularité sonore ce qu’elle aurait gagné
- en résonance,
- en confort et
- en plaisir d’écoute ?
Restent
- la tonicité des doubles cordes,
- la fulgurance des ruptures rythmiques et
- la maîtrise technique qui permet de faire miroiter les différentes expositions du Dies irae
- (en intervalles,
- sul ponticello,
- en bariolage,
- en série de notes graves…).
Ce n’est pas rien et laisse penser que cette sonate, plus exubérante et unitaire que la première, convient mieux à l’artiste ou, l’un n’empêchant pas l’autre, est plus inspirée. Qu’en sera-t-il de la troisième ? Rendez-vous ce tout tantôt pour une notule qui, à notre aune, en décidera !
À suivre…
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