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Très fier d’avoir collaboré à ces cris écrits par Krystèle, parus chez Max Milo et tout juste disponibles en librairie, réelle ou virtuelle.
De l’extérieur, on pourrait croire à un témoignage plus aguicheur que sociologique. Krystèle a 47 ans, elle est mère de cinq enfants et escort à domicile depuis dix ans. Est-ce aguicheur ? Mon Dieu, si on veut un texte pas aguicheur, on n’a qu’à lire une thèse sur la dissection des lombrics ou sur l’évolution du bobinage industriel après 1893. M’enfin, depuis quand capter l’attention en soulevant un voile social serait une honte, pour un livre ? D’autant que Krystèle n’est pas une Nabila. Ce n’est pas un produit glamourisé ; comme nous, c’est un produit car elle se vend, mais ce qu’elle vend ici, c’est son histoire, livrée avec verve, tonicité et force.
Directe, Krystèle brosse son parcours haut en couleurs, ses coups au cœur et au corps, son amour pour ses enfants, ses doutes et ses joies. Elle n’élude aucune question des gens parfaits et rangés que nous sommes, pensez, parmi lesquelles : comment peut-on être et maman, et prostituée ? comment peut-on accueillir des clients chez soi sans que personne ne s’en doute… ou presque ? comment vit-on au quotidien ce grand écart entre la femme réprouvée (la putain) et la femme parfaite (la maman aimante et ultra investie dans l’éducation de ses enfants) ?

 

 

Cependant, le livre saisit car il vient de l’intérieur. Il submerge l’aspect exotique ou coquin susceptible d’affrioler, à juste titre, les lecteurs. Réellement écrit par l’auteur (je n’ai que corrigé et mis en forme, sous son contrôle, ce qui pouvait gagner à l’être), il est bouleversant à double titre.

  • D’une part, entre anecdotes burlesques, petits drames du quotidien et angoisse existentielle, l’auteur nous précipite dans son existence avec une sincérité poignante habilement teintée d’humour.
  • D’autre part, ce texte est un authentique projet littéraire. C’est un cri. Un cri de désarroi et de plaisirs mélangés. Un cri strident. Un acte fort qui confie aux mots écrits ce que rien d’autre ne peut dire. En cela, Krystèle nous rejoint. Nous happe. Nous ébranle. Nous rend moins insensibles. Plus vivants.

 

 

À la fois appel au secours déchirant et miroir redoutable tendu, à travers l’écrivain, à notre société, Une maman presque parfaite est un ouvrage puissant. La meilleure preuve en est le silence médiatique motivé « parce que c’est trop glauque, aujourd’hui, les gens ont besoin d’espoir ».
Connerie, connerie méprisante, connerie de merde, connerie de débile, connerie de vendeur de temps où le cerveau est indisponible.
Il n’y a pas d’espoir durable sans lucidité. Il n’y a pas de littérature quand on se contente de petites fleurs qui se balancent dans la douceur d’un printemps matutinal. Il n’y a pas de témoignage sincère qui se termine par une happy end plaquée, ce que j’appelle une happy end en BA13, histoire de passer à la télé en proposant une « belle leçon de vie » disneyique et vomitive à souhait. La finalité de Krystèle est beaucoup plus tellurique, heureusement : c’est le livre lui-même qui devient la finalité. Pas la gloire éphémère, pas le pognon, quelque agréables que puissent être ces prespectives, ici hors jeu. Juste l’urgence d’écrire et de partager.
Oui, ce livre, à la fois drôle et poignant et je suis très fier d’y avoir prêté la main.

 

 

 

Krystèle A., Une maman presque parfaite, Max Milo, 252 p., 19,90 €