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Sancta SusannaDuo improbable à l’opéra Bastille : un hit de la Scala, Cavalleria rusticana (1890) de Pietro Mascagni, et la vraie nouvelle production de l’Opéra de Paris, 25′ de Paul Hindemith via Sancta Susanna (1922), un opéra « de jeunesse » du zozo.
En première partie (1 h 20), Cavalleria rusticana expose les joyeuses turpitudes de Turiddu, amant de Lola (mariée à Alfio) et de Santuzza, sa promise et fille de Mamma Lucia. Le jour de Pâques, excédée, Santuzza dénonce Turiddu à Alfio, qui défie Turiddu en duel et lui défonce sa race, ce qui rend triste tous les hypocrites, donc tout le monde.
Distribution françaiseDifficile de passer outre les exaspérations coutumières : pas d’artissse français à l’Opéra national de Paris (si, Antoinette Dennefeld risque une appétissante Lola, mais on voit son rang dans la distribution photographiée ci-dessus), bonheur fiscal de payer des Slaves oblige ; une absence de décor honteuse (hormis un autel, des chaises et un banc, seul un bordel non prévu par le scénario traverse la scène) ; des lumières qui éclairent de façon à laisser dans l’ombre ce qu’elles éclairent… En dehors, donc, du spectacle pitoyable et des synchros pas parfaites entre l’orchestre dirigé par Carlo Rizzi et les solistes – en dépit de la harpiste fiable, du tubiste virevoltant et d’un clarinettiste sensuel à souhait, what ? Peu de tension, peu d’émotion, comme si le cliché structurant le mélodrame devait éteindre toute velléité de le prendre au sérieux. On savoure la virtuosité d’Elīna Garanča, dans les aigus comme dans les graves, et la fierté mâle de Vitaliy Bilyy ; en revanche, on ouh-ouhte Yonghoon Lee, voix d’airain mais jeu résolument de type acteur asiatique en roue libre (excès, abus, too muchisme, bref), ce qui impacte sa musicalité à travers les accents stupides que son jeu ridicule (à-coups liés à ses mouvements de main, en deux mots) impulse à sa ligne.
En complément de programme, Sancta Susanna pointe le génie musical de Paul Hindemith. Sur un livret abscons d’August Stramm, on ne comprend rien si on n’a pas révisé avant, mais on savoure la maîtrise orchestrale du mec qui dit aux vrais musiciens ce qu’est-ce qu’ils doivent faire. Dans la théorie, la religieuse Susanna est confondue avec Sainte Suzanne par Klementia. Mais la vraie Susanna entend des voix, qui finissent par se réduire à celle d’une religieuse coupable de s’être masturbée nue sur un crucifix. Susanna fait pareil ; comme la précédente, elle est emmurée vivante.
Entretemps, on a été bien embêté avec nos jumelles de théâtre. Les utiliser, c’était mater les nichons d’une jolie jouvencelle, puis celle d’une fille à poils, puis celle d’une autre nana toute nue transbahutée par une araignée (donc à poils), puis ceux d’Anna Caterina Antonacci, censée être dévêtue mais sans doute assez connue pour dire « mes nichons, ça suffit ». Bien sûr, incrédule, on a maté, faut pas déconner, même si, sans forfanterie (pouët-pouët), on connaît quelques choses du réel et des possibles du Net, reste que, quand même : pourquoi la métaphore vaut-elle pour le non-à-poilisme, pas pour le reste ? La stérilité stupide de Sergio Tramonti, le décorateur, et la pauvreté créative de Mario Martone, le metteur en scène, sidèrent. Une fois de plus, aucun Français en rôle principal (Anna Caterina Antonacci et l’Allemande Renée Morloc se partagent les deux grands rôles), mais, chose rare, on note un vague décor de mini-cellule de religieuse installée sur pilotis, le tout se refermant pour emmurer la salope de Susanna se branlant sur le crucifix de biais (le méga crucifix occupant le fond étant inaccessible).
Moralité, si l’on peut dire : plus la saison 2016-2017 avance, plus on se dit que, même si l’occasion est unique d’entendre « en vrai » des compositions exceptionnelles, le piètre spectacle donné, la sous-utilisation des vedettes convoquées, et le manque de recours aux artistes français en dépit des sommes monstrueuses payées par l’État français (et par quelques spectateurs français, en l’espèce), amènent à douter du bien-fondé de l’excitation qui m’habite, sans jeu de mot ou presque, à chaque fois que je gagne Bastille…