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Photo : Josée Novicz

Photo : Josée Novicz

Valérian Renault : tel est l’heureux élu chargé de faire la première partie de Juliette. Loin de la virtuosité déjantée et tellement originale de Katrin Wald’teufel, le jeune beau gosse, aux allures de Choriste tardif jouant dans un film avec Louise Bourgoin, propose un solo guitare-voix sans grand intérêt. On aime son projet d’autobashing (« de toute façon, moi, je fais des chansons pas drôles, je préfère vous prévenir »), mais, du coup, on est déçu qu’il en fasse une, de chanson plutôt drôle, sur le thème du « J’ai rien fait aujourd’hui » cher à Yannick Le Nagard. L’ensemble n’est pas sans qualité, notamment dans le jeu sur les différents types de voix ; mais nous n’y trouvons pas l’originalité, les idées choc ou la mélodie imparable dont nous aurions besoin pour être séduits.
Après la pause où nous échangeons de profonds propos avec nos voisins de hall (« où avez-vous trouvé ces sandgviches Carrefour ? / – Ben… à Carrefour. / – Ah oui, pas con »), parmi lesquels on aperçoit Roselyne Bachelot, déjà présente à Pleyel le 8 février, Juliette prend la main.
Le concert s’ouvre sur le « Petit musée » qui inaugure aussi le nouvel album. Le spectacle s’articule ensuite, hélas, autour d’une thématique, comme les précédents. Cette fois, Juliette se transforme en commissaire, ce qui sera prétexte à des sketchs souvent longuets et à des intermèdes incluant des génériques de séries polardeuses, de l’Inspecteur Gadget à Maigret en passant par moult autres dont « Faites entrer l’accusé » (belle sortie finale).
Pour la set-list, outre l’intégrale du nouvel album, Nour (dont la reprise hard de « L’éternel féminin »), Juliette pioche un p’tit peu dans son si riche répertoire, d’où elle extrait notamment l’excellent « Un monsieur me suit dans la rue ». Elle s’essaye aussi à la grivoiserie avec « Bijoux de famille », « une commande de Thierry Mugler », stipule-t-elle, laissant aux fans le soin d’apprécier l’autopompage pornographique pratiqué sur la musique et le thème de « Bijoux et babioles ». Très enveloppée, et qui plus est enveloppée de six musiciens, feat. Franck Steckar à la batterie, Karim Medjebeur aux claviers et l’excellent Didier Bégon à la guitare, honteusement sous-utilisé, la chanteuse déroule son spectacle avec bagout et astuce. Pourtant, malgré l’aura de la chanteuse, il faut reconnaître que les défauts sont patents : les arrangements ne convainquent guère (une formation resserrée aurait sans doute mieux fonctionné, en témoigne le bis sur « Tu ronfles », plus émouvant malgré le sabordage du riff sifflé) ; les sketchs policiers des musiciens paraissent souvent inutiles ; les messages appuyés pour le consensus mou (les homos sont gentils, la Manif pour tous c’est des salauds, Sarkozy est un nain qui ressemble à Mimi Mathy – hé, rilakse, tu t’es vue, ma grosse ?) décontenancent par leur démagogie, alors que la chanteuse peut prendre position de façon bien plus séduisante, que l’on partage ou non ses opinions (« Nour » pro-euthanasie) ; physiquement, la chanteuse paraît à court de souffle et à court de voix (les auto-reprises sont souvent parlées, les parties chantées souvent modifiées) ; de nombreux « trous » ou signes de spectacle-en-rodage, y compris le fait que les musiciens soient fréquemment plongés dans leurs partitions, sont à déplorer – soyons mesquins : à cette dose d’errements, le côté sympathique et vivant du tour de chant, menacé par moments d’être un trou de chant, n’est pas tout à fait compatible avec le prix des places (jusqu’à 60 €, soit quatre cents boules, pour les vieux dans mon genre).
En conclusion, c’est toujours un plaisir de retrouver Juliette, dans sa fragilité sporadique comme dans sa gouaille inspirée parfois de François Morel aux paroles (« Jean-Marie de Kervadec ») ; mais l’évolution du personnage, plus orthoPS que jamais, et de la qualité des spectacles (moins de musique, moins de perfection, plus de parasite) peut décevoir les fans de chansons peu sensibles à la doxa obligatoire… et inquiets de voir cette artiste exceptionnelle s’obésifier.