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C’est la folia dans la chapelle !

Pierre-Marie Bonafos le 22 mars 2022. Photo : Rozenn Douerin.

 

Comme l’aurait spécifié Blaze Bayley, this was our bastardization d’un tube du quinzième siècle, dans un cycle d’appropriation de golden hits de la musique classique proposé lors du récital Une histoire du cool, propulsé le 3 novembre en la chapelle du Val-de-Grâce. Pour être très précis ou presque, ça donnait ça.

 

 

Irakly Avaliani joue « Un autre Mozart » (2006) – 3/5

Quatrième de couverture du disque

 

Irakly Avaliani a conçu un programme en arche avec coda :

  • un rondeau, une sonate,
  • une sonate, un rondeau et
  • un bis.

Nous voici arrivé au seuil de la seconde partie de l’arche, donc à la seconde sonate (la KV 310 en la mineur), un gros machin de plus de vingt minutes qui se décapsule sur un Allegro maestoso où la tentation de fuser infuse, si si.

 

 

À main droite,

  • anacrouse,
  • staccato et
  • rythme pointé.

À main gauche,

  • urgence des accords répétés,
  • des contretemps et
  • d’un bariolage roboratif.

Le pianiste privilégie

  • légèreté digitale,
  • contrastes et
  • soin du phrasé

à une emphase de l’urgence.

  • Modulations,
  • chromatismes,
  • dialogues entre les mimines et
  • itérations

énergisent la partition sans convaincre de la nécessité – autre qu’utilitaire pour le compositeur – des reprises.

 

 

L’andante cantabile con espressione en Fa se déploie en ternaire et avec cette même envie d’avancer.

  • Vibration des trilles,
  • rebond des deux en deux,
  • sursaut des mordants et
  • autres recettes goûtées précédemment
    • (anacrouse,
    • contretemps,
    • staccati…)

animent ce mouvement lent, oui, mais pas si mou qu’on le pourrait craindre. L’art qu’a forgé Irakly Avaliani

  • de poser la note,
  • de respirer,
  • d’étirer le spectre des nuances piano (le Fazioli est joliment réglé par Jean-Michel Daudon et capté sans fanfreluche par Sébastien Noly) et
  • d’étager le son

permet au sceptique de suivre ces plus de dix minutes sinon avec émotion, ce serait mentir, du moins avec intérêt, même si, décidément, dans notre tour d’ivoire, les reprises ne nous paraissent pas toujours indispensables. On en profite néanmoins pour goûter ce qui se dévoile, parmi quoi

  • une science confondante de la pédalisation
    • (résonance,
    • clarté,
    • clôture de l’effet),
  • la maîtrise du legato et
  • le travail du son dans les passages toniques aux notes ou intervalles répétés, mais aussi dans la caractérisation des différents registres convoqués.

 

 

Le presto à deux temps, entre bref et concentré, revient en la mineur et poursuit dans la veine délicate qu’aime à creuser l’interprète. Impossible de ne pas se délecter

  • de la variété des attaques,
  • de la profondeur sonore qui éclaire le propos en étalonnant les voix,
  • du sens du swing dont le charme opère puissamment et
  • de la force de l’agogique dont la légèreté renforce l’efficacité

jusqu’à presque faire oublier le grondement sourd qui marque l’arrivée du passage en majeur. Le retour du mode et du motif liminaires permet à l’auditeur de profiter d’une coda associant

  • sautillements,
  • vrombissements du grave et
  • efficience décidée des octaves répétées.

De quoi nous donner – et c’est heureux – envie de consulter tout bientôt la piste suivante : le rondeau en Ré KV 485. À suivre, donc !


Pour écouter gracieusement le disque en intégrale, c’est, par ex., ici.
Pour réserver en vue du concert Beethoven avec lequel Irakly Avaliani fêtera ses 75 ans dont 65 de carrière, c’est, par ex., .

 

Grandeurs et limites du tango

Avec Jann Halexander au théâtre Michel, le 5 octobre 2020. Photo : capture d’écran d’après une vidéo de Josée Novicz.

 

Tantôt, Jann Halexander chantait des histoires de vertigo, de mendigot, de saligaud, d’ergots et d’ostrogoths, tous plus ou moins égaux. Si cela vous tente et que vous n’êtes pas un gogo, voici la vidéo : go !

 

 

Elvin Hoxha Ganiyev joue les sonates pour violon d’Eugène Ysaÿe (Solo musica) – 2/6

Première du disque

 

Une histoire d’obsession : c’est ainsi que se présente le prélude de la deuxième sonate pour violon d’Eugène Ysaÿe, proposant en la mineur des éclairs constitués par des réminiscences de Johann Sebastian Bach et, surtout, du Dies irae. Elvin Hoxha Ganiyev en rend la fougue

  • ici rhapsodique,
  • çà virtuose,
  • là comme amusée par la réécriture de golden hits.

En mélangeant

  • samples textuellement retranscrits,
  • patterns facilement reconnaissables et
  • écriture personnelle,

le compositeur déploie une écriture exigeante qui semble se nourrir de son ronronnement motorique.

  • L’arrivée de sextolets de doubles croches,
  • le surgissement d’octolets de triples croches et
  • le bref jaillissement d’une mesure à quatre temps ritendo trahissant manière de surabondance sonore qu’une mesure à trois temps ne pouvait plus contenir

préparent la coda où pétaradent

  • les attaques,
  • les phrasés et
  • le sens du swing associant
    • notes éphémères,
    • point d’orgues et
    • brio.

« Malinconia » (en français : mélancolie), le deuxième segment en mi mineur, est affiché

  • ternaire,
  • « poco lento » et
  • « con sordino ».

Eugène Ysaÿe change de langage pour brosser un tableau plus sombre mêlant

  • tempo apaisé,
  • glissendi sombres,
  • ressassement mélodique et
  • manière de duo grâce aux doubles cordes.

Le contraste avec le premier mouvement renforce la dimension intériorisée et sensible de la toute autre facette violonistique présentée ici par Elvin Hoxha Ganiyev, notamment quand il laisse résonner, dans des pianissimi à la fois délicats et fragiles, les échos du Dies irae concluant l’affaire.
Une sarabande intitulée « danse des ombres » s’articule autour d’un thème inspiré par le sempiternel Dies irae et de variations alternant les mesures à trois et quatre temps, avec quelques mesures à deux temps pour pimenter la fin de l’histoire. Le thème, pizzicato et arpégé, prend des allures de fragment pour mini harpe. Les six variations oscillent entre

  • développement en duo,
  • musette (ligne mélodique oscillante intégrant le Dies irae sur un bourdon de sol),
  • duo en mineur,
  • exposition du Dies irae en duo inversant les rôles au mitan, et
  • retour à la monodie virtuose accélérant a tempo (trois sextolets de doubles croches par mesure pour la cinquième variation, vingt-quatre triples croches par mesure pour la sixième).

L’affaire se conclut par la réexposition du thème coll’arco ouvrant la voie à l’allegro furioso intitulé « les furies » qui conclut la sonate. Le mouvement, officiellement à deux temps par mesure, s’emporte irrégulièrement avec des mesures à trois voire cinq temps. La prise de son très rapprochée de Gregor Zielinsky nous fait participer de l’effort consenti par l’artiste – trop, à notre goût : une fois repérés les reniflements de l’artiste, on les entend très fort et, pire, on les attend. Peut-être une distance plus grande aurait-elle ôté en granularité sonore ce qu’elle aurait gagné

  • en résonance,
  • en confort et
  • en plaisir d’écoute ?

Restent

  • la tonicité des doubles cordes,
  • la fulgurance des ruptures rythmiques et
  • la maîtrise technique qui permet de faire miroiter les différentes expositions du Dies irae
    • (en intervalles,
    • sul ponticello,
    • en bariolage,
    • en série de notes graves…).

Ce n’est pas rien et laisse penser que cette sonate, plus exubérante et unitaire que la première, convient mieux à l’artiste ou, l’un n’empêchant pas l’autre, est plus inspirée. Qu’en sera-t-il de la troisième ? Rendez-vous ce tout tantôt pour une notule qui, à notre aune, en décidera !

 

À suivre…


Pour découvrir le disque, c’est ici.

 

L’autre toccata

Au grand orgue de la collégiale Saint-Martin de Montmorency (Val-d’Oise). Photo : Bertrand Ferrier.

 

Cosy, à l’ombre de la célèbre BWV 565 de Johann Sebastian Bach, au côté de nombreuses pairesses toutes plus vibrionnantes les unes que les autres, la « Pastorius toccata » est l’une des rares œuvres écrites par Yannick Daguerre à avoir survécu à la mort prématurée du maître – à ma connaissance, si l’on excepte la messe utilitaire écrite en tant qu’organiste liturgique, c’est même la seule avec l’« Ave Maria » conservée par Auriane Sacoman. Éditée par le festival Komm, Bach! grâce aux bons soins d’Esther Assuied, elle

  • pulse,
  • swingue et
  • secoue,

emportée par la fougue stylistiquement œcuménique, et hop, du compositeur. Pour rendre raison de sa puissance, il faut

  • un orgue ad hoc (sur la vidéo infra, rien moins que le trois-claviers dont Yannick était titulaire),
  • une acoustique enveloppante mais précise (ici, la collégiale de Montmorency où Yannick a enregistré cette pièce) et
  • un interprète en titane (ici, Vincent Rigot, six premiers prix du CNSM, un DE, un CA, un post jadis à Saint-Louis-en-l’Île, un passage à Saint-Roch et désormais le titre de titulaire de Saint-Eugène-Sainte-Cécile).

Ça tombe bien : on a réuni tout ça pour la grandiose péroraison d’Échos et murmures, le concert-hommage à YD fomenté fin septembre 2024 dans l’un des plus beaux lieux de culte catholiques du Val-d’Oise ; et le résultat est enfin disponible sur YouTube !

 

 

Irakly Avaliani joue « Un autre Mozart » (2006) – 2/5

Quatrième du disque

 

Nos aventures dans les eaux mozartiennes, à bord de la frégate Irakly Avaliani, se poursuivent avec la sonate en Ré KV 311, composée fin 1777. Trois mouvements au programme, dont un rondeau, ce qui fait écho au premier morceau chroniqué tantôt. L’allegro con spirito liminaire associe

  • allant du tempo,
  • tonicité des doubles et
  • énergie bondissante des staccati.

Avec vigueur, compositeur et interprète enquillent

  • trilles frétillantes,
  • fringantes appogiatures et
  • festonnants traits de doubles croches legato.

Le pianiste sait mêler avec finesse

  • suspension du discours,
  • fougue des octaves qui bariolent,
  • plaisir du babillage modulant,
  • art du phrasé,
  • pertinence de l’accent qui relance le propos, et
  • swing des deux-en-deux.

 

 

L’andante con espressione, à deux temps et en Sol, confronte

  • netteté des notes détachées et résonance de la pédalisation,
  • gourmandise des nuances douces et puissance des sforzendi,
  • charme de la mélodie et inclination pour un développement circulaire.

L’allure posée qu’a choisie l’interprète sied à la langueur du mouvement qu’électrisent quelques

  • contrastes,
  • surprises et
  • accélérations bienvenues
    • (triples croches,
    • trilles et
    • prompts ornements)

dont Irakly Avaliani fait son miel et le nôtre.

 

 

Le rondo allegro en 6/8 revient en Ré et assume sa volonté de mordre la célérité à pleines notes (je sais, c’est pas très clair, mais je tente quand même).

  • Volontarisme de l’anacrouse qui précipite l’action,
  • balancement du ternaire et
  • faux déséquilibres entretenus par de nombreuses appogiatures en forme de ressorts

dégoupillent le dernier mouvement. La joyeuse grenade est lancée.

  • Des segments nettement différenciés
    • (traits de doubles,
    • notes répétées,
    • cavalcades descendantes,
    • accords qui évoqueront aux mélomanes tel golden hit d’un opéra de WAM),
  • des silences tenant parfois lieu d’interludes,
  • des modulations proposant de nouvelles pistes de développement

caractérisent la première partie du mouvement, que suspend manière de microcadence allant de l’andante à l’adagio en passant par un trait chromatique ascendant balancé presto… avant que l’affaire ne redécolle sur les bases précédentes.

 

 

  • L’aisance digitale de l’interprète,
  • sa science de la caractérisation et
  • sa capacité à transformer
    • un bariolage en moteur,
    • un silence en question,
    • une démonstration de virtuosité en musicalité intrigante

nous obligent à admettre, dans notre grande bonté, que, malgré notre peu d’appétence spontanée envers la musique de Wolfgang Amadeus Mozart, soit, c’est un fait, nous avons hâte d’écouter la sonate en la pour la chroniquer prochainement. Mais attention, elle a intérêt à être bien !


Pour écouter gracieusement le disque en intégrale, c’est, par ex., ici.
Pour réserver en vue du concert Beethoven avec lequel Irakly Avaliani fêtera ses 75 ans dont 65 de carrière, c’est, par ex., .

 

Fruits de la vigne – Sauvignon gris 2023 par les frères Paquereau

Photo : Bertrand Ferrier

 

14 variétés de raisins, 26 cuvées différentes et des étiquettes parfois plus design que claires pouvant nous inviter à nous arracher un œil (quand on n’a pas la réf, il est heureux de trouver curieuse une telle invitation) : aux mains de Cyrille et Sylvain Paquereau, le domaine de l’Épinay – qui, ô surprise ! a perdu son accent (alors que le « à » de « À la nantaise » s’est bien accroché au sien), désormais une vilaine habitude sur les étiquettes de bouteille – revendique sa créativité. Ici à l’honneur, le fié gris est cultivé en « biologique » et délivre en 2023 un jus affichant 12,5° au compteur.
La robe arbore une teinte très légère,

  • plus claire que crème,
  • plus crème que jaune et, on y revient,
  • plus translucide que crème.

Le nez, très doux, se révèle

  • équilibré,
  • constant et
  • légèrement agrumé, entre clémentine et pamplemousse.

La bouche est surprenante.

  • Son attaque est délicate mais présente ;
  • sa consistance frisotte un enrobé presque beurré ; et
  • sa persistance est notable avec une belle résonance dans les naseaux.

Le mariage avec un œuf mollet accompagné d’une purée de homard et de quelque crevette (trop rare, hélas, comme toujours) est particulièrement réussi.

  • La rectitude du vin se révèle plus nettement devant la rondeur du plat ;
  • la pointe acidulée du nectar dialogue joyeusement avec l’ambiance plutôt sucrée du mets ; et
  • le beurre de la cuvée propose un liant propice au mélange des saveurs.

Un chouette moment, comme eût dit le petit Nicolas en espérant, plus tard, devenir multicaviste.

 

Elvin Hoxha Ganiyev joue les sonates pour violon d’Eugène Ysaÿe (Solo musica) – 1/6

Première du disque

 

Un jour, il faudra bien que les héritiers de Johann Sebastian Bach, selon une procédure bien connue des États soumis qui piochent dans les poches de leurs citoyens pour assouvir

  • leur inclination lacrymale,
  • leur goût pour la guimauve et
  • leur plaisir de satisfaire les wokistes intéressés et les historiens grassement payés pour refaire l’Histoire
    • (la France, c’est structurellement caca,
    • De Gaulle, c’est génialement gentil,
    • les blancs, c’est ontologiquement esclavagisto-andropèto-masculiniste),

payent pour le trauma que leur aïeul a infligé aux musiciens en général et aux compositeurs en particulier. Ce jour-là, les héritiers d’Eugène Ysaÿe toucheront une part du pactole, puisque le violoniste belge a eu envie de fomenter une partition pour violon seul – son opus 27 publié en 1923 – en écoutant Joseph Szigeti, dédicataire du premier numéro, jouer les sonates et partitas dudit JSB. D’autant que, sur les six numéros, quatre sont en mineur et les deux derniers en majeur, selon la nomenclature Bach. M’est avis que le délit d’emprise est établi.
Elvin Xhoxha Ganiyev, né en 1997, doté d’un Guarnieri et d’un archet d’Eugène Sartory, quoique soucieux de « diffuser la musique composée par des artistes issus des minorités » (en Turquie, ça ne doit pas manquer, sauf si on est du bon côté de l’intolérance…), remet sur le devant de la scène cette problématique grâce à son intégrale des six sonates publiée chez Solo musica. La première, en sol mineur et quatre mouvements, s’ouvre sur un « grave » ternaire floqué « lento assai ». L’interprète en rend la tension insensée voire impossible, entre

  • graves, justement,
  • aigus et
  • dissonances.

La prise de son très proximale surroundolbyse, et hop, sans doute trop le projet – en soi spectaculaire – et la respiration du violoniste, mais ce choix technique ne rabat rien sur la virtuosité gourmande de l’interprète. Entre secondes et tierces, celui-ci travaille l’expressivité

  • des intervalles,
  • des changements de registres et
  • des techniques d’attaques sollicitées.

Le fugato binaire joue sur le chromatisme frictionnant les doubles cordes, les logiques rythmiques sollicitant parfois les grognements de l’artiste (1’08).

  • Travail sur les micro intervalles,
  • expressivité des mutations d’intensité,
  • malice de la polyphonie univoque et
  • agilité spectaculaire

subliment la technicité impressionnante et néanmoins musicale du jeune interprète relevant les défis semés par son lointain collègue. L’allegretto poco scherzoso se veut « amabile ». Il défie

  • l’unicité rythmique,
  • la rigueur monodique mais pas le
  • brio technique propre aux doubles cordes confrontées à la liberté discursive qui alimente le défi technique de la sonate.

Le finale con brio affiche

  • énergie du propos (« allegro fermo ») et tonicité du développement,
  • science de l’agogique et
  • incroyable liberté technique dans les sixtes.

C’est

  • très expressif,
  • très brillant,
  • très admirablement investi.

Pourtant, à ce stade, il nous manque, as far as we’re concerned, le p’tit truc qui fait que l’on n’applaudirait pas le premier de la classe mais, aussi, le mec qui nous fait vibrer. Vivement la deuxième sonate, sans doute !

 

À suivre…


Pour découvrir le disque, c’est ici.

Irakly Avaliani joue « Un autre Mozart » (2006) – 1/5

Quatrième de couverture du disque

 

Un autre Mozart ? Tant mieux. Si, tant mieux car

  • le petit HPI qui écrivait ses concerti à trois ans pendant que ses compères de la crèche jouaient à se fracasser le crâne à coups de hochets en bois,
  • le joli cœur qui remplissait des pages de bariolage à cent sous la minute pour un résultat à peu près aussi passionnant que le monologue aux oiseaux du Saint François d’Assise d’Olivier Messiaen,
  • le génie malade qui meurt en écrivant son propre requiem commandé par la Faucheuse en personne,

tous ces clichés quasi sulpiciens et la cohorte de musique qui l’accompagne, censée être géniale alors qu’elle est souvent presque aussi

  • navrante,
  • banale et
  • ennuyeuse

qu’une sonate pour flûte alto de Georg Philip Telemann jouée sur instruments d’époque par un consort subventionné à grands frais, jouant dans de petites chapelles sous l’éclairage feutré, tamisé et vacillant de bougies électriques, on aura bien senti que ce n’est pas notre came. En revanche, quoi de plus stimulant que de mettre ses propres clichés à l’épreuve de la musique ?
Voilà long de temps que nous avons observé une bizarrerie à la limite de la diablerie. Des pianistes que nous estimons – tels Jean Muller, Christian Chamorel et, en l’espèce, Irakly Avaliani – s’astreignent à explorer l’immense catalogue mozartien pour clavier. Comment des musiciens doués et sensés peuvent-ils dépenser leur énergie et leur temps à jouer des fadaises ? La dissonance entre la gourmandise pour Mozart dont témoignent ces interprètes remarquables et notre peu d’appétence pour cette musique suscite notre curiosité, sur l’air du : et si c’était pas si nul que ça, en réalité ? Irakly Avaliani va très loin dans la provocation en écrivant qu’

 

un seul accent au milieu de la phrase de Mozart peut provoquer plus de désarroi que toute la grosse machinerie romantique du dix-neuvième siècle.

 

Pour l’instant, j’aurais tendance à pouffer ; alors au travail, mon colon ! Et le disque, présenté par Tzvetan Todorov, rien que ça, de commencer par le troisième rondo de WAM, un andante en la mineur écrit en 1787 et mesuré à six croches par mesure. Le pianiste en cisèle l’incipit volontiers chromatisant par l’association entre

  • une nuance piano,
  • un phrasé précis et
  • un sens délicat de l’attaque.

Sans alourdir par une agogique excessivement souple les respirations ménagées entre les différents segments qu’accole (avec un seul « l ») le compositeur, l’interprète fait cliqueter les éléments dynamisant la sage pulsation de la main gauche, notamment

  • les anacrouses,
  • les appogiatures,
  • les trilles et, plus généralement, les nombreux ornements.

 

 

On goûte

  • la légèreté de la pédalisation,
  • l’étagement des voix quand elles se retrouvent trois à discuter, et
  • les contrastes d’intensité.

Malgré une interférence grave qui surprend l’auditeur (3’11-3’17), l’oreille se concentre sur la veine

  • modulante,
  • chromatique et
  • alternante (tantôt le travail sur la mélodie est premier, tantôt le travail sur l’harmonie prend le lead)

de la partition. Un segment central,

  • en mode majeur,
  • largement staccato et
  • volontiers doublement ternaire

ravive l’intérêt de la proposition. Le compositeur et son porte-voix jouent à la fois sur

  • la fragmentation d’un discours changeant,
  • le plaisir du développement et
  • l’agencement entre ruptures et continuité dont témoignent les oscillations tonale et modale.

En effet, le moment solaire en majeur s’effrite soudain pour laisser place à la réexposition du premier sujet – mineur – du rondeau,

  • réinvesti,
  • enrichi et
  • devant presque obsessionnel.

Une dernière péroraison partagée par dextre et senestre permet d’apprécier l’art du toucher cher à Irakly Avaliani et achève de nous convaincre que, va, bien que ce soit du Mozart, il semblerait bien que nous eussions hâte d’ouïr la suite. À suivre, donc !


Pour écouter gracieusement le disque en intégrale, c’est, par ex., ici.
Pour réserver en vue du concert Beethoven avec lequel Irakly Avaliani fêtera ses 75 ans dont 65 de carrière, c’est, par ex., .