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Katrin’ Waldteufel, PIC (Ivry-sur-Seine), 20 juin 2025 – 2/2

Katrin’ Waldteufel au PIC (Ivry-sur-Seine), le 20 juin 2025. Photo : Rozenn Douerin.


Visiblement pas du genre à se laisser mener par le bout de l’âme, Katrin’ Waldteufel n’en est pas moins ouverte aux amours de hasard et, en particulier, aux transports en commun. Aussi évoque-t-elle en chantant l’histoire de « 2 passagers voiture 12 » qui se frôlent, sortent de leurs bulles et s’en forgent une nouvelle, une qui donne le smile, « un 28 avril vers Mulhouse », avant d’entamer « un nouveau voyage ». Ainsi le spectateur est-il invité à voguer sur les flots intranquilles du répertoire de la chanteuse. Tantôt, l’eau est étale et clapotante ; tantôt, elle se cabre et tempête ; tantôt, elle scintille et se laisse éclabousser par le soleil… puis retourne dans une horizontalité attentive au prochain frémissement.
Le sursaut suivant est né d’une conversation avec Anne Sylvestre où celle-ci avouait « ne plus pouvoir pleurer » (ce qu’elle avait déjà chanté de longue date dans « Un mur pour pleurer »). La chanson sortie de cette faille se love dans une ambiance méditative, intérieure, interrogeant les « silences assourdissants » dans le mystère des harmoniques du violoncelle, avant de prendre le taureau par les cornes en se promettant de mettre « tout sur la table, et c’qui s’pass’ra, on verra bien ». La chanson terminée, Katrin’ Waldteufel s’étonne doublement : « J’en reviens pas ! Y a plein de gens comme Anne Sylvestre ! Y a plein de gens pas comme moi ! » De cette révélation jaillit son tout premier tube qui « n’a pas pris une ride, comme moi ». S’agaçant façon reine du bistro comme sa consœur s’agaçait façon reine du créneau, la chanteuse rappe avec son public cette vérité en béton verdoyant : « Y a pas qu’les tilleuls qui mentent ! »
À l’occasion d’une hydratation express, l’artiste transforme le vert en verre, et même en bouteille en reprenant « Le temps de finir la bouteille », un hymne imparable et poignant du duo Leprest + Didier, ce qui lui vaut de se faire admonester par une voix émergeant des haut-parleurs : pourquoi reprendre ce classique ? Comme stimulée par cette interrogation, Katrin’ Waldteufel décide d’enfoncer le coin, en hommage à son grand-père. La voici, armée de son violoncelle, affrontant les « Strophes pour se souvenir » de Louis Aragon que Léo Ferré a transformé en « Affiche rouge ». L’effet est saisissant, l’interprète réussissant à éviter le surinvestissement de la scie pour l’investir à sa façon, entre

  • vibrato et droiture,
  • gravité et émotion,
  • profondeur et sensibilité.

 

Martial Bort au PIC (Ivry-sur-Seine), le 20 juin 2025. Photo : Rozenn Douerin.


Ce lamento sur la perte est judicieusement tuilé avec « Je ne veux pas te perdre », comme s’il s’agissait de la réponse de l’épouse au futur mort du poème. On apprécie l’habileté dans le maniement du spectre des émotions, faisant résonner l’Histoire collective à travers l’histoire individuelle. Le retour de Martial Bort décrispe la tension à travers une fredonnerie insouciante sur les vacances, rappelant que, « partir loin, c’est pas obligé » car les vacances restent « ce qu’on en fait ». Cette idée du choix et de la relative liberté qu’il incarne ruisselle sur la chanson suivante où un violoncelle percussif fraye entre

  • reggae,
  • slam et
  • rap

pour clamer :

Quoi que tu dis’, quoi que tu fasses,
personn’ ne vivra ta vie à ta place.

Évidemment, pas question de laisser filer les deux compères de scène après la dernière chanson. La salle surchauffée exige ses bis, et pas par simple politesse de cabaret. Sans doute le relâchement d’après le tour de chant principal conduit-il Katrin’ Waldteufel à arrêter le premier rappel quand elle constate qu’elle patauge. Dommage, car le texte expliquant que tout le monde est « la vague », éventuellement d’amour, n’est pas la chips la plus croustillante du paquet. Cependant, pour aider ses fervents spectateurs à revenir au calme de leur autre vraie vie, celle où ils ne sont pas à ce genre de spectacle, Cello Woman propose une berceuse affirmant qu’

il est temps d’aller se coucher.
Dehors, la Lune est sortie.
Les étoil’ se sont amourachées.
La Lune joue pizzicati.

 

Katrin’ Waldteufel et Martial Bort au PIC (Ivry-sur-Seine), le 20 juin 2025. Photo : Rozenn Douerin.


Avant de renvoyer tout le monde au dodo, Katrin’ Waldteufel offrira une resucée électrique de « Personn’ ne vivra ta vie à ta place », ce qui lui vaut le triomphe escompté après un spectacle

  • singulier,
  • finaud,
  • roboratif et
  • troussé avec grâce.

Jonathan Benichou-Rabinovitch, Mairie de Paris 8, 19 juin 2025 – 2/4

Lustre de la salle des mariages de la mairie du huitième arrondissement parisien, le 19 juin 2025. Photo : Rozenn Douerin.

 

« Après une lecture de Dante » alors que l’on vient d’entendre du Rameau, est-ce bien raisonnable ? Dans la touffeur de juin, nul doute que Jonathan Benichou-Rabinovitch n’a cure des bienséances compassées. Il vient, il crée, il pose, grand bien fasse à ceux qui ne le suivent pas. Il a, plus que son intégrité, sa vision artistique. En dépit de sa présentation très intériorisée, il ne veut pas de spectateurs timorés. Son discours incite à jouir

  • des abymes,
  • des contrastes d’éclairage,
  • du goût lisztien pour la narrativité,
  • de l’inclination du compositeur pour les foucades de la fantaisie plutôt qu’aux contraintes contrites de la quasi sonate.

La proposition saisit. On goûte la gestion

  • du temps
    • (régulier,
    • suspendu,
    • bousculé),
  • des décibels
    • (ampleur spectrale des nuances,
    • confrontations brutales,
    • progressions maîtrisées), et
  • des couleurs
    • (dramatiques,
    • lyriques,
    • stroboscopiques).

Après Rameau, c’est ultra-efficace, d’autant que Jonathan Benichou-Rabinovitch ne joue pas un Liszt de concours. En effet,

  • pas d’effets wow, malgré la virtuosité patente,
  • pas de « t’as vu c’que je sais faire » en dépit du défi technique,
  • pas de côté joueur de bonneteau, à base de  : « Regarde mes mains, tu les vois, tu les vois plus, tu les revois, hop, elles ne sont plus ici, tiens, elles sont là ».

Son Franz L. est

  • moins écorché vif ou démonstratif qu’ultra expressif,
  • moins à fleur de peau qu’enserré puissamment dans une intimité tourmentée,
  • moins pyrotechnique qu’électrique au sens où il est secoué d’éruptions énergisantes et que l’on pressent néanmoins dangereuses.

On fantasme ou devine un long compagnonnage de l’interprète avec la partition tant l’exécution se plaît à révéler certains plis secrets de l’œuvre

  • (valorisation d’une note en particulier,
  • choix d’un tempo,
  • caractérisation de l’atmosphère par l’usage généreux ou resserré de la pédalisation…).

Cette approche conduit le pianiste à presque gommer l’aspect acrobatique et show-off consubstantiel des grandes pièces lisztiennes. Le résultat est une fantaisie qui se défend de toute tentation rhapsodique :

  • les contrastes n’estompent pas la ligne directrice,
  • la variété des motifs tourbillonne autour d’une unité narrative,
  • les mutations thymiques laissent apparaître une unité d’intention.

L’œuvre y gagne en intériorité ce qu’elle perd en explosivité, trouvant un juste équilibre entre les similitudes avec la forme sonate et le tumulte bouillonnant de la fantaisie profondément impétueuse. Aussi y puise-t-on

  • de la musique plus que des sons,
  • de l’intensité plus que du spectaculaire,
  • des respirations plus que du silence, et
  • de remarquables entre-deux
    • (tuilage,
    • coupure,
    • étincelles du changement),

dont la maîtrise est essentielle pour faire sonner cette partition. En somme, Jonathan Benichou-Rabinovitch claque une proposition

  • remarquable,
  • intelligente et (néanmoins)
  • fort sapide,

qui renvoie aux oubliettes certaines versions plus ancrées dans les stéréotypes censés « faire Liszt ». Comment le sixième nocturne de Gabriel Fauré va-t-il résonner après la fougue lisztienne ? Voyons cela dans une prochaine notule, voulez-vous ? À suivre, donc !

« Face à l’obscurantisme woke », Emmanuelle Hénin et alii (PUF) – 14

Première de couverture (détail)

 

Le wokisme ne se contente pas de dénoncer la domination du mâle cisgenre blanc pour la « déconstruire » et obtenir des sous pour sa paroisse. Il construit aussi un pôle du Bien, qui s’attache à valoriser ce qui se distingue ou subvertit

  • des valeurs,
  • des codes ou
  • des références

de l’Ennemi. Dans son compte-rendu – publié dans Le Monde, 22-23 juin 2025, p. 25 – du concert donné (contre 60 à 277 €) par Beyoncé au Stade de France, le 19 juin 2025, Stéphane Davet développait clairement une hiérarchisation culturelle de la construction associée à la déconstruction suivant trois axes.

  • Tout ce qui est lié à la culture occidentale blanche doit être honni ;
  • tout ce qui est lié aux cultures africaines et, si possible (mais l’union des deux n’est pas si facile) homosexuelles est bel et bon ;
  • si ce qu’il reste de la culture occidentale peut être subverti par ces nouvelles valeurs, le résultat n’en est que meilleur.

Ainsi, le public francilien, profitant de ce que le dernier disque en date de la vedette est countrysant, s’est rendu au concert avec « Stetson et santiags » mais « avec ce qu’il faut de paillettes, de détournements afro et queer pour coller au message porté par Cowboy Carter ». Ce disque a permis à Beyoncé de devenir « la première artiste afro-américaine [surtout ne pas écrire « Noire »] » à prendre la tête des ventes de disques country. Son spectacle inclut « Blackbird », titre composé par Paul McCartney pour les Beatles, pour lequel « Beyoncé (…) rappelle que cette mélodie folk fut inspirée par la militante radicale Angela Davis ». Sur les écrans défilent « des images de pionniers noirs du rock’n’roll ». La noirification de la musique est d’autant plus importante que, « si l’histoire du rock est souvent phagocytée par les artistes blancs [rappel : c’est mal, d’être Blanc], que dire de la country ? »
Pour rendre cette musique acceptable, « Beyoncé Knowles-Carter veut en revendiquer les racines noires » afin de « célébrer sa puissance charnelle, communautaire, matriarcale et spirituelle ». On note ainsi comment sont opposés deux pôles :

  • celui des Blancs cisgenres,
    • voleurs,
    • profiteurs et
    • exploiteurs ; et
  • celui
    • des Noirs,
    • des homosexuels et
    • des femmes,

dans un gloubi-boulga communautaire et intersectionnel dont les codes doivent désormais subjuguer non parce qu’ils sont intéressants, novateurs ou séduisants, mais parce que, wokocompatibles, ils sont envisagés comme des outils pour déconstruire et éradiquer le Mal, c’est-à-dire le Blanc et sa culture.
Dans Face à l’obscurantisme woke (PUF), ouvrage collectif publié sous la direction d’Emmanuelle Hénin et alii, Guylain Chevrier, docteur en Histoire, dénonce « l’enterrement de l’égalité » lié au passage « de l’intersectionnalité au multiculturalisme ». Il rappelle la définition du wokisme par l’Oxford English Dictionary (« le fait d’être conscient des problèmes sociaux et politiques, notamment du racisme ») pour pointer la généralisation d’un « schéma idéologique qui voit tout par

  • le prisme identitaire,
  • un rapport dominants/dominés, et
  • des communautés opprimées telles que LGBTQIA+, femmes, Noirs, musulmans, etc. »

Le triptyque vertébral du wokisme associerait des envies de

  • « régler les comptes » avec le passé, c’est-à-dire réécrire l’Histoire et en tirer des indemnités
    • sonnantes,
    • trébuchantes et, accessoirement,
    • symboliques ;
  • remettre en cause (voire modifier) la réalité biologique des individus, et
  • renverser ce qui est perçu comme un « système de domination généralisé ».

Insidieusement, la posture woke se révèle être un chiasme qui transforme « la revendication d’un droit à la différence à la différence des droits », quitte à confondre choux et carottes dans un même pot-au-feu explosif (« on peut douter, note l’auteur avec pertinence, que, à l’issue de ce combat intersectionnel en faveur des minorités, les néo-féministes LGBTQIA+ fassent demain bon ménage avec des religieux radicaux pétris de patriarcat »).

  • La sacralisation du ressenti victimaire,
  • l’écrasement de la réalité – historique et actuelle – au nom de l’obsession coloniale,
  • la conviction que le système politico-culturel est entièrement, globalement et exclusivement raciste

font fi des chiffres constatables en ressassant la rengaine qui identifie l’homme blanc au mal.
Dès lors, Guylain Chevrier voit le courant woke comme « un contre-projet de société qui ne dit pas son nom ». Selon lui, le multicommunautarisme, souvent intéressé par l’obtention de « réparations » d’autant plus substantielles qu’elles ne seront jamais jugées suffisantes, tend à morceler la République en fédérant des victimes contre un supposé ennemi commun.
En conclusion, on regrette que, à plusieurs reprises, l’article ressemble à un commentaire critique d’un dossier de Philosophie magazine (citer cet organe de presse n’est point infamant ; expliquer Frantz Fanon en se fondant sur la seule citation dudit magazine est un peu léger) associé à une litanie d’éléments de langage antiwokes dont

  • l’articulation,
  • la progression logique, donc
  • la singularité

ne nous sont pas apparues avec netteté. Ce n’est pas inintéressant, mais pas non plus assez

  • exigeant,
  • précis et
  • original

pour nous emballer – il n’est certes pas sûr que ce but-ci en vaille la chandelle, admettons-le. Le prochain chapitre, constitué par un papier de Tarik Yildiz interrogeant le rapport entre délinquance et islamisme, nous ébaubira-t-il davantage ? Réponse dans une prochaine notule. À suivre !

Nous irons partout ensemble

Bertrand Ferrier et un extrait de Claudio Zaretti à la librairie Publico (Paris 11). Photographe inconnu.

 

C’est un cri déchirant, sans doute le plus beau nocturne de Béatrice Tekielski, dite Mama Béa. Une histoire

  • de frontière,
  • de limes,
  • de rupture,

mais aussi d’embrasement comme la mort façon « Oncle Archibald » de tonton Georges B., où le mort part « bras d’sus bras d’sous » avec « la belle qui ne semblait pas si féro-o-ceuh, si féro-o-ceuh ». L’accompagnement délicat et ductile de Claudio Zaretti est une merveille. Le reste est proposition, sachant que Mme Tekielski m’a dit qu’elle adooooorait ce que je pouvais fomenter au clavier – dont je ne joue pas ici – mais qu’elle trouvait que ma façon de chanter était « de la merde ». Donc ne la jugez pas sur ce machin, même si je crois que, à sa façon, ça se tient, sinon ce ne serait pas là, mais à l’aune de sa version créatrice !

 

Katrin’ Waldteufel, PIC (Ivry-sur-Seine), 20 juin 2025 – 1/2

Katrin’ Waldteufel au PIC (Ivry-sur-Seine), le 20 juin 2025. Photo : Rozenn Douerin.

 

On l’avait quittée jadis, du temps de son double album 2 en 1 puis de sa présentation à l’espace Jemmapes, alors qu’elle oscillait entre son image de marque première (une femme seule chantant avec son violoncelle) et ses envies d’autre chose – s’associer à un guitariste, notamment. Depuis, Katrin’ Waldteufel a audiblement cheminé, réfléchi, avancé et grandi. C’était déjà singulier, c’est devenu ontologique, au sens où on sent que l’artiste a trouvé sa place, sa voix, son identité chansonnique – sera-ce provisoirement, qu’importe !
Mise en scène par Camille Feist, la violoncelliste entre sur scène avec manière de xylophone portatif, suivie par Martial Bort, redoutable guitariste auquel le jazz ne fait certes pas peur.  Elle claque sa première nouvelle chanson, fondée sur une parophonie planplan, « Samsung, ça m’saoule », visant à, banalement, vilipender l’usage abusif des portables. Craint-on une conversion au consensualisme smooth ? la deuxième chanson met les choses au clair en dénonçant les « CONNASSEUHS », id sunt

  • les téléphoneuses de transport en commun,
  • les jouisseuses aux fenêtres ouvertes,
  • les préposées et
  • les « pauvres châtons », ces enfants qui cassecouillent le monde entier sauf leurs choupinets de parents.

De quoi se préparer à l’amour, fût-il fiscal, pour son Trésor (public) qui, « plein de reproches, pique dans [s]es poches ». En dépit de la situation agaçante, le violoncelle s’épanouit alors, tandis que la guitare sèche se révèle habilement créative. Après une chanson fiscale se faufile une chanson calme, hommage à un chat, accessoire indispensable qui « sert à rien » et « n’est pas nécessaire à [notre] survie », sauf si c’est de ce rien que l’on a besoin. Variant les plaisirs, Katrin’ Waldteufel pose son violoncelle et s’abandonne aux bons soins de Martial Bort pour chanter un « trou de verdure (…) qui garde ta présence » et « où les oiseaux voltigent et dansent comme toi ». L’émotion n’est pas palpable, elle est physique car l’artiste travaille sur la fragilité de la voix dans l’ensemble de son large spectre.
Alors que, à 400 km du PIC, le Hellfest bat son plein, la chanteuse trouve que le moment est judicieux pour envoyer le tube hard rock ou quasi. Avec son violoncelle alla Apocalypitica, Katrin’ Waldteufel se souvient : « Avec ma grand-mère, j’avais le droit de tout faire », notamment mettre du rouge à lèvres au chat ou mettre sa robe sans culotte… du moment qu’elle ne touchait pas la photo de papy. La salle s’enflamme et chorusse comme il sied, appréciant la diversité du répertoire mais aussi la variété de son interprétation. En effet,

  • l’artiste chante tantôt assise, tantôt debout ;
  • elle use ou non de son violoncelle ;
  • quand elle le sollicite, elle s’en sert pizzicato ou coll’arco voire les deux.

Bref, elle déploie une jolie palette scénique qui enrubanne gracieusement un tour de chant riche et piquant, dont nous conterons les suite et fin dans une prochaine notule. À suivre !

Jonathan Benichou-Rabinovitch, Mairie de Paris 8, 19 juin 2025 – 1/4

Jonathan Benichou-Rabinovitch dans les ors de la salle des mariages de la mairie du huitième arrondissement de Paris. Photo : Rozenn Douerin.

 

C’était un jour où la France chic du huitième arrondissement découvrait, horrifiée, que, en dépit de Sa Sainteté Emmanuel Ier de la Pensée complexe, à l’approche de l’été, il fait chaud, eh oui. Par prudence et enthousiasme anticipé à l’idée d’ouïr en un plein concert Jonathan Benichou-Rabinovich, entendu sur disque jadis et en concert partagé tantôt, nous avions quasiment planté notre tente mille ans voire demi-heure avant le concert pour être sûr d’avoir une place. En réalité, la concurrence était finalement assez maigre : dans le huitième et pas que, probablement, on adooore moins la musique que son confort.
Néanmoins, quiconque escompte accéder au moment tant attendu doit franchir un dernier obstacle id est le discours de l’édile, prologue impatientant des concerts de mairie. En l’espèce, Jeanne de Hauteserre semble découvrir le texte qu’elle a imprimé. L’élue

  • a été fort aimable quand j’ai fêté mes vingt ans de titulariat à un orgue sis non loin de là ;
  • a insisté pour que le mensuel municipal rédigeât une double page – catastrophiquement écrite, au point que je n’avais SURTOUT pas diffusé la nouvelle presque flatteuse sur le principe, mais, bon, ça partait d’un bon sentiment ;
  • a assisté à mon concert partagé – et à l’after – comme elle assistera à ce concert-ci aussi, ce qui n’est pas le cas de certains de ses confrères, disparaissant de la salle juste après leur dernier mot.

Elle mérite donc de ma part reconnaissance et, pour sa sensibilité aux affaires culturelles, respect. N’oublions pas que, dans l’arrondissement voisin, où l’on a pourtant créé des postes fantoches comme celui d’adjoint « à la mobilisation solidaire », nan mais sans déconner, la première adjointe est chargée de la culture et des finances, enough said. Ce nonobstant, on ne peut que constater avec étonnement que Mme de Hauteserre

  • bute sur les mots,
  • ne connaît pas le nom du concertiste,
  • hésite sur la manière de prononcer « Jonathan », et
  • délivre d’emblée une vérité d’une profondeur et d’une utilité saisissantes :

« Vous êtes là en tant que spectateur d’un concert », nous apprend-elle, comme si elle tentait de se hisser à la hauteur d’un Geoffroy Boulard présentant jadis de façon mémorable le concert de Vittorio Forte dans sa mairie du dix-septième arrondissement.

  • Erreur de délégation du discours à un stagiaire dont le niveau intellectuel avoisine l’électroencéphalogramme plat et la conscience professionnelle le zéro pointé,
  • fatigue liée à la chaleur, ou
  • manque effectif de préparation ?

Peu importe car, ce cap franchi, nous pouvons cingler vers le récital proprement dit, dont l’artiste tiendra à expliquer quelques éléments du programme pour chaque compositeur. Jean-Philippe Rameau, le premier sur la set-list, il l’a choisi pour

  • son expressivité,
  • la largeur de sa palette sonore et
  • les prémices que l’on peut entendre d’une « transformation vers la modernité harmonique ».

« Le rappel des oiseaux », extrait du deuxième livre de la Suite en mi pour clavecin, laisse deviner que se joue ce soir-là quelque chose de plus personnel, sinon de plus intime, que ce que l’exercice du concert exige le plus souvent. À sa manière très concentrée, qui associe un discours empreint d’une certaine modestie à un piano volontiers épanoui, Jonathan Benichou-Rabinovitch n’est pas là par

  • hasard,
  • erreur ou
  • obligation.

Son implication s’entend dans sa manière de pianiser, pour ainsi dire, une partition pour cordes pincées. Des « oiseaux », plus que les programmatiques pépiements et le story-telling nous invitant à imaginer un oiseleur rassemblant ses volatiles, il traduit

  • la fluidité,
  • la légèreté et
  • les modulations d’humeur

en profitant à plein de l’instrument pourtant moyen qu’il lui est donné de jouer :

  • accents,
  • pédalisation et
  • variété des phrasés

justifieraient, si l’on en doutait, ce déplacement du clavecin au piano. Issues du même recueil mais de la seconde suite (en Ré, elle), « Les tendres plaintes » confirment le goût de Rameau pour les pièces dites « de caractère ». Jonathan Benichou-Rabinovitch s’y plonge avec adresse. On savoure

  • la douceur du toucher,
  • l’élégance des contrastes entre lead et accompagnement, et
  • l’efficacité énergisante des ornements, singulièrement des trilles.

Dans « L’Égyptienne », tirée de la cinquième suite pour clavecin, l’interprète séduit par

  • l’allant,
  • la tonicité et
  • l’association saisissante qu’il cuisine entre régularité métronomique et fine agogique
    • (légers effets d’attente,
    • respirations,
    • jeu sur l’acoustique qui, en prolongeant un son, peut donner l’impression que la mesure continue après la mesure…).

Tube du compositeur, les trois danses composant « Les sauvages », prélevées dans Les Indes galantes, témoignent d’une patente volonté

  • d’avancer,
  • d’insuffler du dynamisme dans l’itération et
  • de caractériser les différents moments des motifs par, notamment, un travail précis sur
    • les nuances,
    • les touchers et
    • la façon de poser le premier temps.

Le contraste avec le langage de Franz Liszt, convoqué à présent, promet d’être saisissant. Nous nous en saisirons dès la prochaine notule sur le sujet ! À suivre…

« Face à l’obscurantisme woke », Emmanuelle Hénin et alii (PUF) – 13

Première de couverture (détail)

 

Bien qu’il dénonce les clivages passéistes réputés structurer

  • la pensée,
  • la culture et
  • la société

occidentales, le wokisme est un champion de la binarité. Il distingue sans nuance

  • le fréquentable et l’infréquentable,
  • l’acceptable et l’inacceptable,
  • le conforme et le fascisme.

Michel Guerrin illustrait fort bien ce systématisme décomplexé dans une chronique sur « le cas J. K. Rowling et sa croisade antitrans », parue dans Le Monde le 14 juin 2025, en page 34. La défense des transgenres est, en soi, un indispensable de toute attitude wokiste, mais elle n’est qu’un point d’accroche sur lequel peuvent se greffer tous les

  • mots-clefs,
  • éléments de langage et
  • froncements de sourcil désapprobateurs voire choqués

que se doit de maîtriser un wokiste acceptable. Dans ce billet, le journaliste distingue clairement le mal et le bien. Le bien, c’est ce que prêchait l’auteur de « Harry Potter » quand elle défendait « les migrants, le système de santé publique, l’avortement, le respect des homosexuels » ou quand, en 2015,  elle applaudissait le choix d’une comédienne noire pour « endosser au théâtre le rôle d’Hermione ». Le mal, c’est une vision du féminisme qui secoue le cocotier.
Bien sûr, normalement, le féminisme, c’est le bien. Hélas, celui de J. K. Rowling l’amène à « voir dans la transition une arme masculine pour dominer ou violenter les femmes en relativisant leurs douleurs (règles, endométriose…) ». De plus, il lui est reproché de « vouloir sortir de l’ombre » de sa série phare en cherchant à choquer pour relancer sa carrière littéraire. Résultat, la bonne question à se poser consistera à se demander si regarder la série HBO tirée de l’histoire du sorcier et prévue pour 2027 équivaudra à « financer la transphobie ». (Par chance, si on est woke, la réponse est dans la question et consistera à regarder le machin en cachette.)
Voilà une deuxième caractéristique du wokisme, signalée précédemment : la prééminence du prisme moral, qui n’est rien d’autre que l’évaluation de la concordance entre le discours d’un créateur et les critères sciemment étriqués de la bienséance woke. En témoignait tantôt l’éloge de Vanessa, étudiante en droit participant à l’émission anti-Blancs, menée par Poivre d’Arvor et Drucker, « Sommes-nous tous racistes ? ». Vanessa est présentée comme étant du bon côté de la farce qu’est la Force, puisque, face caméra, elle se dit « fière de contribuer à déconstruire les mécanismes inconscients qui font adopter des attitudes qui peuvent être jugées racistes » (in : Le Monde, 17 juin 2025, p. 26).
Ce qui nous permet de conclure ce prologue en reconnaissant un troisième trait consubstantiel au wokisme : le double soupçon d’un « systémisme »

  • raciste,
  • colonialiste et
  • misogyne,

tellement ancré dans nos mentalités qu’il ne nous est plus perceptible. Explicitons notre pensée, puisque nous avions parlé de deux soupçons.

  • Premier soupçon : nous sommes tous racistes, misogynes et homophobes.
  • Second soupçon : quand nous pensons que nous ne le sommes pas, nous le sommes quand même.

Voilà en quoi réside, pour partie, la pulsion obscurantiste du wokisme, examinée dans Face à l’obscurantisme woke, l’ouvrage collectif dirigé par Emmanuelle Hénin et alii et paru aux PUF. En effet, obscurantisme il y a quand la foi dans le dogme est plus forte que le souci d’objectivisation. En l’espèce, n’adopter qu’un prisme de victimisation et estimer que, quand il n’y a pas victimisation, c’est qu’il en existe une que notre système de pensée nous empêche de voir, c’est tenter de nier la réalité pour la remplacer par une construction idéologique qui serait cocasse si elle n’était aussi

  • stupide,
  • réductrice et
  • influente

dans de larges sphères médiatiques et culturelles. Pierre Vermeren s’en émeut dès l’incipit de son article sur l’art « d’intégrer les enfants d’immigrés par temps d’ignorantisme (sic) ». Ne le cachons pas, puisque ça peut paraître sexy : nous abordons ici les articles olé-olé du livre. Celui de Pierre Vermeren, « professeur d’histoire des sociétés arabes et berbères contemporaines à la Sorbonne », s’intéresse à un domaine a priori étranger à sa spécialité. L’enseignant dénonce un « abaissement culturel et linguistique » lié à trois facteurs :

  • le discrédit jeté sur les profs et la transmission,
  • la valorisation de « la pédagogie contre les savoirs », et
  • « la décomposition de la langue ».

À force de déborder sur des sujets qu’il méconnaît, l’auteur écrit du caca boudin, par exemple quand, en ignare, il parle de « la littérature enfantine » avec la fatuité de ceux qui réduisent les sociétés arabes actuelles » au restaurateur arabe qui sert un excellent couscous et un tajine pas dégueu au coin de la rue. Quand t’y connais rien, franchement, tiens tes lèvres serrées… même s’il est fascinant de voir que des gens à la culture sans doute très high peuvent tomber si bas en jouant les sachants dans des espaces où ils ne sachent guère, quitte à dévaloriser, chemin faisant, le reste de leur propos, bref. Pierre Vermeren dénonce une société plus soucieuse du poids du cartable des écoliers que de celui de leur cerveau.
Vient alors la charge antimusulmans. Pour lui (et pourquoi pas ?), le problème de la décadence est liée au multiculturalisme, c’est-à-dire à l’invasion musulmane : les prénoms musulmans ne sont-ils pas passés de 1% des nouveaux-nés à 22 % en 2022 (sources non citées) ? L’articuliste voit donc un continuum entre « le désarmement éducatif et intellectuel » et l’immigration, facteur de « l’effondrement du niveau scolaire en France » pointé par Joachim Le Floch-Imad dans Le Figaro, même si « Imad », bon, ça laisse craindre un effondrement du niveau du Figaro, pourtant déjà très bas.
À ce moment, on n’est plus du tout dans la réflexion sur le wokisme, sinon par ce biais qui consiste à dire que les wokistes ont ouvert les vannes de l’immigration. Pierre Vermeren ne voit pas moins un lien entre l’immigration et le « relâchement des exigences » ayant permis de passer en quarante ans de 0,1 % à 25 % de menions très bien au bac (sources non citées). L’intérêt de cette réflexion anti-immigrationniste réside dans une trialité syllogistique, et hop :

  • d’un côté, le niveau baisse ;
  • donc on baisse les exigences ;
  • donc le niveau ne baisse pas.

Certes, beaucoup d’enseignants pourraient témoigner de cette folie statistique, et ajouter pour certains – dont je fus – que leur propre notation dépend des notes qu’ils attribuent à leurs ouailles. Mais quel maudit rapport avec le maudit sujet, distinguant l’article d’un tract RN, quelque respectable soit-il puisque, bon  ? Peut-être le lecteur doit-il en inventer un parce que « la question des enfants d’immigrés est le miroir grossissant des dysfonctionnements » de l’Éducation nationale et de l’enseignement supérieur dans la mesure où, avec les ministres de l’Éducation nationale aux noms connotés (Najat Belkacem et Pap N’Diaye, condisciple de l’auteur à Normale Sup), les nuls étaient nuls parce que victimes de « discriminations liées

  • à leur genre,
  • au sexisme, [et/ou]
  • à leur différence culturelle voire raciale ».

Aujourd’hui, l’Occident serait aveugle face à l’entrisme pédagogique des Frères cherchant à « immuniser le jeune musulman d’Occident contre son environnement immédiat » en le coupant de toute acculturation qui risquerait de faire friture avec « la culture islamique », si bien que les profs de souche ne veulent plus aller enseigner dans les établissements dont les élèves sont abondamment musulmans – il est vrai qu’il manque rarement de profs à Henri-IV.
On sort sceptique de cet article en large partie hors-sujet si l’on estime que le wokisme et l’immigrationnisme – autant promu par les grands patrons ultramacronocompatibles que par les méchants gauchistes – sont deux sujets parfois connexes mais essentiellement divergents. C’est le risque des ouvrages collectifs qui se perdent parfois dans les lubies de tel ou tel auteur. Guylain Chevrier, prochain auteur, nous convaincra-t-il davantage ? Réponse dans une prochaine notule. (Ô suspense ! Quand tu nous tiens…) À suivre ! 

 

Monter au Ciel, rester sur Terre

Photo : Bertrand Ferrier

 

Dans la liturgie catholique, la singularité de l’Ascension est notable : c’est la seule fête triste du calendrier. Elle célèbre l’élévation du Christ dans la gloire du Père, mais elle marque aussi la séparation physique du Messie avec ses disciples et l’humanité. C’est cette tension et ce mystère que se propose d’évoquer l’improvisation du samedi soir (en l’espèce enregistrée cette fois le dimanche matin, tout est truqué) en s’inspirant de l’extrait du livre des Actes des apôtres proposé en première lecture où « deux hommes en vêtements blancs » houspillent les premiers chrétiens en tonnant :

 

Pourquoi restez-vous là à regarder le ciel ?

 

Dans cet esprit, l’orgue aspire à articuler trois éléments :

  • la solennité du moment,
  • sa friction avec l’intelligence humaine qui peinera toujours à saisir les mystères (c’est peut-être sa grandeur), et
  • la solitude de l’Homme abandonné par le fils de Dieu.

Résultat ci-dessous.

 

 

Gérard Morel, PIC (Ivry-sur-Seine), 6 juin 2025 – 2/2

Gérard Morel au PIC (ex-Forum Léo Ferré, Ivry-sur-Seine) le 6 juin 2025. Photo : Rozenn Douerin.

 

En 2017, Gérard Morel gagnait l’Oscar du titre de disque le plus tarabiscoté en signant Affûtiaux cafouilleux, dont il extrait « La prunelle de ses yeux », ode à l’incipit pas très éloigné musicalement du brélique « Amsterdam » et, surtout, hommage à la femme qui « se chauffe au jazz » et le chauffe pas mal, au point qu’il tient à cette mousmé comme « à la prunelle de ses yeux ». Dans le labyrinthe de parophonies et détournements de syntagmes figés, le zozo à la bouille gourmande s’ébroue dans une tension savoureuse entre sensibilité et humour, l’humour servant à la fois de paravent pudique et d’enseigne lumineuse pour crier en lettres de néon l’amour qu’il est si difficile de dire.
D’où, sans doute, son amour pour la grasse mat’ amoureuse, qu’il chante comme « une autre spécialité de l’Ardèche, après la sieste », histoire de profiter des moments où, horizontalement bien accompagnés, on flanche, mordus, en constatant avec délices qu’il « pleut des cordes de pendu ». La stratégie du chansonneur est têtue : je t’attrape par l’humour afin de t’entraîner sur un terrain inattendu grâce à

  • une mélodie,
  • une écriture volontiers antépiphorique – si, si – qui consiste à réutiliser un groupe de mots de façon motorique (et hop),
  • métaphore filée et
  • érotisme alla francese.

Hommage à la pseudo sublimation de la souffrance par la chansonnette et à Bernard Joyet par l’occasion (aucun rapport), « Le tango du lumbago » se risque à confondre « Ay ay ay » avec « aïe aïe aïe » pour réfléchir, l’air de rien, sur le rôle de la chanson comme souffre-douleur – ce que des olibrius de la trempe d’un Jacques Debronckart ou d’un tonton Georges n’ont pas négligé d’aborder. Alors que l’excellent Jean-Pierre Morgand constatait qu’il y avait TCDA, Gérard Morel en propose une de plus, centrée sur les pectoraux, avec cette supplique olé-olé façon Pierre-Dominique Burgaud + Alain Chamfort :

 

Pour que, demain, un grand amour se forge,
Laisse-moi te rester, mon amour, en travers de la gorge.

 

Gérard Morel est définitivement un chanteur du désir. Loin d’être confit en contemplation, il s’expose en homme gourmand. Libidineux ? Ben, heureusement, revendique-t-il quand, en complimentant une nana – une dame, si vous voulez, mais comme il la tutoie, c’est plutôt une nana, et Émile n’y aurait rien vu de mal – pour sa vêture, il reconnaît que tout lui va bien car l’essence donc « le nu lui va si bien ».
Le voici bientôt hésitant entre le lit de Natacha et le chat de Nathalie dans « Le dit du chat de Nathalie », comme Pierre Louki hésitait entre baiser Charlotte et embrasser Sarah. Pour se décider, il se résout à passer à la vitesse supérieure : après les chansons d’amour, les chansons de la déclaration de l’amour. En l’espèce, une formule redoutable, très inconnue, toujours affûtiale, toujours cafouilleuse, qui résume vachement bien de quoi ça cause : « Je t’aime très beaucoup », autrement dit « de Charybde en Scylla ». Juliettique (et certes pas que par sa relation avec Bernard Joyet), Gérard Morel propose – avec une intro courte, souligne-t-il – un festin façon Philippe Chasseloup draguant Amandine pour rappeler que la bonne bouffe à deux n’est pas forcément qu’une question de plat – la courbe nous va si bien.
L’artiste a si bien réussi à séduire le public en passant de la tonne bouffe à la bonne touffe qu’il est contraint de dégainer ses favourite encores : le sacré « Cantique en toque », la très intime « Chanson à la con » et, après que des gens réclament des nouvelles de son beauf, son hénaurmité à lui : « Les goûts d’Olga », son tube éternel.

  • Du métier,
  • de la singularité,
  • de la présence :

une belle soirée de chanson

  • finaude,
  • joyeuse et
  • bien m’née.

Respect, môssieur Gérard Morel !

De l’art de croire et de ne pas croire à la foi

Jann Halexander à l’Entre 2 (Angers), le 1er mars 2024. Photo : Bertrand Ferrier.

 

« Cesse d’être incrédule, sois croyant » : pourquoi pas, mais en qui ou en quoi ? Peut-être parce que, comme illicite, il y cite, ho ho ho, la punchline de Catherine Ribeiro (« je ne crois pas en Dieu parc’ que je crois en l’homme / En son vol en suspens »), Jann Halexander a souhaité glisser « J’ai pas la foi », chanson de sa composition, dans son nouvel hommage à La Ribeiro,

  • jamais obséquieux,
  • toujours admiratif,
  • forcément personnel.

À la librairie Publico, où les mille nuances de la contestation – de préférence radicale – sont source

  • d’ébullition,
  • de débat et
  • de saine colère,

Jann posait avec une vitalité lucide – et vice et versa – la question presque bernanossienne de l’à-quoi-bon, id est : à quoi s’accrocher pour donner sens à ce qui

  • se vit,
  • se partage et
  • s’interroge

dans l’existence en général et en concert en particulier ? Plus apparemment doux qu’un « Je ne te salue pas » leprestique (oui, apparemment), son hymne intitulé « J’ai pas la foi » frappe

  • au plus juste,
  • au plus suggestif,
  • au plus intime.

Ce 18 mars 2025, ça donnait ça.