Blogadmin

Bougies rougies

L’info vient de tomber : le vendredi 21 juin, à 20 h 30, à l’occasion de la Fête de la musique, je donnerai un concert d’improvisations à l’orgue de Saint-André de l’Europe (75008). Au programme : des divagations sur des thèmes célèbres de Verdi et Wagner, pour commémorer le bicentenaire de leur naissance. Excellent prétexte pour finir la soirée autour d’un gâteau d’anniversaire dans une salle attenant à l’église. Entrée libre au concert et à l’after.

Vénère

Premier extrait du concert du 7 mars, intitulé « Bertrand Ferrier est vénère sa mère ». L’énoncé, semble-t-il, fut respecté.

Opéra Bastille, 28 février 2013

Doit-on laisser son fils baiser sa fille quand son épouse rêve de l’extinction de ces bâtards illégitimes ? C’est le débat philosophique qu’affronte Wotan, big boss des dieux et grand procréateur, dans la Walkyrie.
L’histoire : Siegmund, blessé, débarque dans la maison de Hunding, son pire ennemi, où il est accueilli par Sieglinde, l’épouse du maître, pour laquelle Siegmund craque de suite. Hunding, de retour, provoque Siegmund en combat singulier le lendemain. Sieglinde somniférise son époux, et les deux amoureux s’enfuient. En fait, ils sont frère et sœur. Fin de l’acte I (65′), tadaaam. L’acte II se joue chez les dieux : Fricka, la femme de Wotan, lui ordonne de maudire le couple incestueux ; mais Brünnhilde, la Walkyrie préférée de Wotan, une bâtarde elle aussi, décide de sauver les condamnés. Juste à temps, Wotan organise la mort de Siegmund, mais Brünnhilde s’enfuit avec Sieglinde. Fin de l’acte II (90′), boum. L’acte III confronte Brünnhilde à ses actes. Ses sœurs lui refusent leur secours ; Sieglinde, enceinte de son frangin, décide de s’enfuir seule dans la forêt maudite, à l’est ; et Wotan opte pour l’endormissement de sa fille rebelle, qu’il entoure d’un feu que seul un homme hors du commun pourra franchir. Fin de ce deuxième épisode du Ring (70′), bang.
La représentation : rarement spectacle en ces lieux apparut plus inégal. Réglons le cas de la mise en scène nulle – au sens mathématique, mais pas que – de Günter Krämer, avec ses deux séquences d’hommes chibres à l’air (une au début, et une à l’ouverture de l’acte III, avec fou rire de Walkyries lavant des cadavres chatouilleux), ses déplacements confondant opéra et feuilleton télévisé (peut-on régler de façon plus vide la confrontation finale entre Brünnhilde et Wotan ?), ses traitements hermétiques de scènes pourtant claires (le repas du I, ici inintelligible), ses « mouvements chorégraphiques » signés Otto Pichler avec mascarade cheap et nageuses de brasse indienne dans des arbres en fleurs (en gros, hein), ses décors pitoyables siglés Jürgen Bäckmann (demi-scène vide avec rideau noir une grande partie du temps, grand escalier envahissant dont personne ne sait quoi faire sur scène), etc. C’est ce qu’on appelle, en termes techniques, de la merde prétentieuse et dont la présence en ces lieux devrait scandaliser.
Passons donc à l’essentiel, id est la musique, et témoignons, à notre propre étonnement, d’une certaine déception, surtout après notre enthousiasme du premier épisode. L’orchestre, dirigé par Philippe Jordan, paraît moins tonique que de coutume, moins nuanceur, moins réactif, moins exact, malgré des solistes rarement pris en défaut. Côté plateau, le premier acte est de belle facture : Stuart Skelton a bien la voix de Siegmund, sans la facilité de Jonas Kaufmann mais avec une très pertinente pointe de fragilité qui ne va jamais jusqu’à la faiblesse. Martina Serafin est une Sieglinde de haute volée, qui ne dénoterait pas face à la Westbroek du Met : voix sûre, aigus maîtrisés, médiums soutenus, souffle infini, beaux passages de registre… Voilà qui est bel et bon. Le Hunding de Günther Groissböck, il est vrai affublé d’une coiffure handicapante, n’est pas absolument convaincant, car il paraît manquer d’autorité ; mais, si son incarnation du maître-chez-lui n’est pas renversante (de ridicules scènes de chamaillerie avec son hôte n’y aident pas), il n’y a là rien de rédhibitoire.
En réalité, c’est à l’acte deuxième que tout se corse. Autant Sophie Koch en Fricka est joliment inflexible (voix, phrasé, diction : bravo), autant les deux rôles principaux sont attristants (sans Isolde, ha ha). Alwyn Mellor est une Brünnhilde qui fait mal, tant le rôle est, à l’évidence, au dessus de ses moyens : aigus difficiles, voix en souffrance, diction catastrophique (dès que le débit s’accélère, elle yoghourte), puissance inégale, et même nombreuses séquences de shadow singing (je fais semblant de prononcer sans produire de son, ou je prononce juste les consonnes finales en te laissant reconstruire ce qui aurait dû précéder) ; quant à Egils Silins, qui interprète Wotan sous de ridicules lunettes fumées (saluons les costumes pitoyables de Falk Bauer), il n’est pas plus à la fête. Incapable de franchir l’orchestre à moyenne puissance, il va jusqu’à faire quasiment du sprechgesang pianissimo sur une séquence censée poser sa stature de dieu suprême, ce qui illustre l’erreur de casting. Les deux chanteurs, réellement fautifs ce soir-là (un figurant nous glissera qu’Egils Silins « n’était pas très en forme par rapport à d’habitude »), sembleront plus « chauds » sur le dernier acte – notamment Wotan, dont l’interprétation de la dernière scène sera remarquable. Mais, d’une part, l’on s’inquiète pour cette Brünnhilde suremployée, et l’on est en droit de s’étonner du second acte aussi timide de Wotan ; d’autre part, il est vraiment regrettable que l’Opéra de Paris opte pour un casting aussi inégal en regard de l’exigence de l’œuvre – et des efforts demandés aux spectateurs pour y accéder.
Au bilan, une interprétation moyenne (orchestre quasi routinier ; premier acte vocalement réussi, deuxième plutôt lamentable, dernier pas mal) alors que, dans une mise en scène aussi peu flatteuse, il faut un talent fou pour rendre grandiose cette musique. Du coup, quelques craintes surgissent quant à la suite de l’Anneau parisien. Plus de médisances prétentieuses – mais sincères – et de recensions à venir sur cette page… inch'(Walh)Allah.

Je m’exporte proprement

Lire en allemand le livre le plus hygiéniste co-écrit par Bertrand Ferrier ? Désormais, c’est possible. Et boum !

                    Couverture allemande Isaure        Page de titre allemande des "Mémoires d'une femme de ménage"

Opéra Bastille, 27 février 2013

Un gros ventre est-il sexy ? C’est le débat philosophique le plus creusé par Falstaff, version Arrigo Boito et Giuseppe Verdi, que je suis allé applaudir ce tantôt à l’Opéra national de Paris.
L’histoire, en gros, voire en ventripotent (ou en se tripotant le ventre) : l’obèse sir John Falstaff souhaite, surtout pour des raisons financières, séduire à la fois Alice Ford et Meg Page. Pas de bol, ces deux copines se rendent compte de sa duplicité et décident de le berner à leur tour. Alice l’invite chez elle, où la menace du mari jaloux l’aide à glisser le noble dans une manne à linge et à le projeter dans le ruisseau dégueu. Comme si ça ne suffisait pas, elle choisit de l’attirer un peu plus tard dans un endroit soi-disant hanté, où une masse d’acolytes masqués massacrent le Chasseur noir. Le pot-aux-roses est découvert ; mais, juste avant, le mari d’Alice a marié par erreur sa fille à son chéri… et le docteur Cajus à un serviteur de Falstaff. Tout finit en chanson, c’est pratique, pour conclure que chacun, en ce bas monde, est dupé, et qu’il n’est de vérité que farcesque.
La représentation : pour la première de la reprise, l’ensemble n’est pas encore tout à fait au point. L’orchestre, dirigé par Daniel Oren, est opérationnel (beaux duos, notamment des vents) mais sa synchronisation avec les chanteurs paraît encore balbutiante. Au point que, après un début bille en tête, excitant, le chef semble laisser du mou pour éviter des écarts trop voyants. Portés par des décors basiques d’Alexandre Beliaev (en arrière-plan, une grande façade de briques rouges défilante ; devant, des accessoires de base, type fauteuil et paravent) et une mise en scène sage de Dominique Pitoiset, les chanteurs font leur travail avec un bonheur inégal. Sir John Falstaff, rôle massif, est tenu par Ambrogio Maestri. Malgré quelques accros et quelques vilaines fausses notes pour entamer un air, l’artiste joue le séducteur bonhomme avec une voix en rapport, un abattage cabotin bienvenu et une constance remarquable. On regrette que, hormis la spectaculaire Elena Tsallagova en Nannetta (aigus, passages de registre, souffle admirables) les voix les plus appétissantes soient reléguées au second plan (Gaëlle Arquez, seule Française de la distribution, intrigue plaisamment en Meg Page ; Raúl Giménez, timbre puissant, a un goût de trop peu en Dottore Cajus, marié-pour-tous malgré lui) ; et on doit admettre une certaine déception pour les rôles de Ford (Artur Rucinski, un peu court de coffre) et surtout de Mrs Quickly (Marie-Nicole Lemieux, qui joue avec enthousiasme les entremetteuses, mais n’est audible que par brefs intervalles).
Au bilan, la soirée est plutôt réussie : le dernier opéra de Verdi ainsi joué manque sans doute de nerf ; on peut se demander s’il ne serait pas plus adapté à l’Opéra-Comique que dans l’immense Opéra de Bastille ; mais l’absence de trahisons profondes, la qualité d’ensemble et la solidité d’Ambrogio Maestri permettent, in fine, d’applaudir cette troupe, en leur souhaitant de se bonifier au cours des représentations à venir !

Toujours dispo !

J’étais tantôt sur Europe 1 pour parler en 1’50 de trois ans de travail. Heureusement, le livre, lui, est encore dispo en librairie. Bonne acquisition de Grodico (éditions de l’Oeuvre, 600 pages, 6000 mots, 10000 sens, 20 €) aux curieux !

J’aurai fait ce que je pouvais

Devant la difficulté de trouver un public satisfaisant les limonadiers, donc des dates acceptables, Bertrand Ferrier annonce le prochain arrêt de sa sempiternelle tournée de chansons avec du texte et de la musique dedans. Les deux dernières occasions de l’entendre en soliste seront données (entrée libre) à 20 h au Connétable (55, rue des Archives / 75003 / Métro : Rambuteau) le jeudi 7 mars, à 20 h, et le jeudi 9 mai, jour de l’Ascension, pour une dernière mondiale intitulée : « Je vous salue, marri. » Ni fleurs, ni couronnes, mais on ira boire un coup ailleurs après le concert, toc.
Merci à tous ceux qui ont suivi l’aventure, et à ceux qui viendront suivre ses conclusions !

Salle Pleyel, le 5 février

L’orchestre Colonne est un petit orchestre parisien, qui donne sur 2012-2103 neuf « grands » concerts dans la capitale avec des musiciens de talent. Dirigé par le bonhomme Laurent Petitgirard, qui vient d’être prolongé à son poste et boosté au CNSMDP, il propose ce 5 février un programme original (Franck, Petitgirard lui-même, Chostakovitch), ce qui est appétissant, d’autant que les prix mammouthent toute concurrence (30 € les meilleures places). Résultat, la salle Pleyel ne semble même pas remplie au tiers, tant il est connu que ce qui est peu cher est merdique.
La première partie s’ouvre pourtant sur Le Chasseur maudit de César Franck, sorte de poème symphonique à programme (un chasseur sachant chasser choisit de chasser pendant la messe, il est jeté en Enfer, bien fait pour lui et tant mieux pour les renards). C’est l’orchestre Colonne qui, jadis, créa cette composition, rarement donnée aujourd’hui. Certes, il ne s’agit sans doute pas de la plus bouleversante création de Franck, mais elle offre à un petit orchestre symphonique l’occasion de faire entendre de beaux ensembles de cordes, des cors indispensables pour le folklore chassologique, des cloches tubulaires (j’adore !) inévitables pour « faire messe », et quelques solistes sûrs, le tout présenté avec rondeur par le chef. Après Franck, Laurent Petitgirard lui-même, qui assume crânement le fait qu’il soit plus facile d’accepter de jouer sa musique quand on est le boss ET le compositeur. Son Concerto pour violoncelle, publié en 1993, s’articule en trois mouvements, plutôt lents et extatiques, traversés de tensions spectaculaires qui permettent de réveiller le spectateur – le zozo écrit pour le cinéma, il s’y connaît – et de lui signaler la fin du morceau. Gary Hoffman est en vedette, du moins en théorie : son violoncelle est peu audible avant le troisième mouvement (sauf lors des cadences écrites, évidemment), et cela semble dommage car sa sonorité met en gourmandise. (Nan, ça veut rien dire mais je trouve ça classe, alors laissons l’imagination bosser un peu.) Écriture néo-tonale, à-plats sonores de belle facture, percussions joliment mises en valeur, et explosions attendues avec timbales et cuivres au max : le résultat s’écoute sans admiration absolue, malgré le savoir-faire du maestro, mais avec un plaisir à peu près constant. On regrette juste le bis, constitué par le deuxième mouvement du Concerto, dont la reprise in extenso n’était franchement pas utile.
La surprise du concert arrive en seconde partie. Au programme, la Première symphonie de Dmitri Chostakovitch. Le chef tire alors de son ensemble relativement modeste en quantité une interprétation saisissante. Le premier mouvement joue pleinement des ruptures rythmiques. Malgré quelques imperfections de synchronisation, bénignes au regard du reste, l’orchestre est léger, précis, efficace, rageur quand il doit l’être, mordant, émouvant (hautbois du troisième mouvement sur son lit de cordes), à l’écoute (circulation du thème avec de très beaux bois, dont un clarinettiste irréprochable), convaincant dans ses ensembles et par ses solistes. Il nous semble que la tension vitale se dissipe au fur et à mesure ; de sorte que, peut-être, dans notre grand esprit malade, aurions-nous aimé plus de nervosité dans la direction des dix dernières minutes (l’oeuvre en compte une trentaine pour quatre mouvements à peu près équilibrés) ; mais c’est avec joie et chaleur que l’on peut applaudir le travail effectué par le Petitgirard’s Big Band sur cette œuvre, réellement et subtilement interprétée. Et ainsi se transforme une soirée sympathique en très belle soirée. Bien ouèj, Lolo !