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Des étoiles dans les doubles croches

Extrait du "Messager des étoiles" d'Hélène Blazy

Extrait du “Messager des étoiles” d’Hélène Blazy

Retour de la pré-générale des concerts prévus à Saint-Louis en l’Île et à la Madeleine avec le Chœur et l’Orchestre de la Ville dirigés par Agnès Stochetti. Au programme, la Grande messe en Ut de Wolfgang Amadeus Mozart et la création du Messager des étoiles d’Hélène Blazy. Première dans un peu plus d’un mois. Le compte à rebours est lancé. Boum !

Salle Pleyel, 12 novembre 2013

Le Cleveland Orchestra au grand complet, avec Franz Welser-Möst en grand complet (en un mot). Photo : Josée Novicz.

Le Cleveland Orchestra au grand complet, avec Franz Welser-Möst en grand complet (en un mot). Cliquer pour agrandir la superbe photo de Josée Novicz.

Le second concert du Cleveland Orchestra s’ouvre par la Quatrième symphonie de Ludwig van Beethoven. Saute aux oreilles, dès la lente introduction, la qualité du travail : précision des attaques, caractérisation des mouvements, capacité à jouer ensemble en valorisant chaque pupitre lorsque le thème festonne d’instruments en instruments. On aimerait parfois entendre un orchestre plus dynamique, car il nous semble çà et là qu’il se laisse subjuguer et ensuquer par la beauté de son son (si si), au point d’avoir du mal à redémarrer. Mais cette critique, sans doute contestable, est de peu d’importance en regard de l’art que développe l’orchestre pour s’approprier les méandres beethovéniens (accents rythmiques, crescendos et descrescendos, tutti – solistes, modulations, reprises…). Le finale, pour le moins preste, donne à une salle très clairsemée un aperçu joyeusement virtuose de cette science clevelandiste (?).
Après la pause choucroute – bière nouvelle (pour les passionnés surtout), vient le gros morceau de la soirée : la Huitième symphonie de Dmitri Chostakovitch. Gros effectif, gros premier mouvement qui frôle la demi-heure, suivi de quatre mouvements qui, à eux quatre, dépassent les trente minutes : ambition et décalages sont annoncées ! Certes pas la plus accessible des symphonies, la Huitième convient cependant à merveille à l’orchestre de Cleveland, tant sa première moitié exige une capacité à soutenir l’attention par une sonorité grave, dense, et une bonne circulation du lead entre les pupitres. La phalange américaine excelle à ce petit jeu-là. La seconde partie, plus enragée, met en valeur la capacité de Franz Welser-Möst à tenir ses musiciens, à orienter leur énergie, à déclencher les justes fureurs au bon moment (très bel Allegro non troppo, avec ses gros unissons et sa rythmique perpétuelle joliment rendue). Les trompettes tonnent, l’orchestre gronde, et le Largo s’ouvre avec la noirceur requise avant que les bois aient derechef l’occasion de faire admirer leurs solistes (flûtes en tête). L’Allegretto final ménage de superbes contrastes explosifs avant la fin piano lancée par la clarinette basse, puis le superbe decrescendo presque statique qui clôt la composition. Tout cela est fait avec talent et précision… ce qui augmente la déception devant l’absence de bis, comme si l’orchestre avait épuisé ses réserves en une symphonie. Vue l’exigence de la bête, on aurait mauvaise grâce de s’en offusquer.
En conclusion, une belle soirée qui confirme la qualité d’un orchestre que les foules parisiennes ne s’empressent pas d’aller applaudir – mais qui a jamais dit que les foules avaient raison ?

Salle Pleyel, 11 novembre 2013

Pleyel, 11 novembre 2013

Le jour anniversaire de l’armistice est donné le premier des deux concerts du Cleveland Orchestra, dont la venue a bénéficié d’une pleine page de Libération en guise de teaser, c’est dire. Pourtant, la salle, même “libérée” de son arrière-scène – squattée par le chœur – est loin d’être pleine, les ouvreuses du deuxième balcon incitant les spectateurs à descendre se replacer en orchestre. Peut-être la brièveté du programme (1 h 10 de musique annoncée) et le prix des places (50% de plus pour les premières catégories) ont-ils dissuadé d’éventuels clients, en dépit de pré-critiques ultra-flatteuses, faisant du Cleveland Orchestra le Philharmonique de Vienne version États-Unis. Avant de rendre compte de ce que nous avons entendu, signalons l’appréciable et désormais rarissime absence de parasites visuels : pour une fois, la scène n’est pas bardée de micros. C’est un détail, mais presque comme, soyons poètes, le sel sur une bonne bavette d’aloyau – un détail qui compte, donc. Mais quid donc du plat de résistance ?
Deux œuvres sont au programme. Le concert s’ouvre par la Messe en ut majeur de Ludwig van Beethoven (42′). Réputée pour avoir été massacrée à sa création, plus de deux siècles plus tôt, la composition s’inscrit dans la tradition classique de la musique de commande. Elle donne l’occasion d’apprécier la qualité d’un orchestre au son riche et aux bois remarquables ; celle aussi de noter la belle homogénéité du chœur, bien que certains départs “bavent” un tantinet (ainsi du “Chr/chr/christe”) et quelques attaques paraissent pas tout à fait justes ; celle enfin de s’offusquer des prestations des solistes mâles. Ruben Drole, basse, manque de graves et poitrine pour impressionner : effet raté. Quant à Herbert Lippert, en dépit d’une prestance à l’américaine, il ne fait pas longtemps illusion. Ses dernières interventions à découvert tournent au grotesque, avec cette émission ténue et cette imprécision fragile qui occasionnent des notes et des sons pour le moins saugrenues. Après des premières notes hésitantes, Luba Orgonášová, sosie capillaire de feue Marie-Claire Alain, assure vaillamment sa partie ; la mezzo Kelley O’Connor semble tenir la route malgré des changements de registre qui paraissent parfois perfectibles. Ce nonobstant, les quatuors ne sonnent pas si mal, et la partition est idéale pour découvrir orchestre et chœur, grâce à la variété des effectifs requis pour chaque séquence. Sur l’interprétation elle-même, on eût sans doute apprécié plus d’allant et plus d’énergie, afin de mieux goûter les passages plus posés, ici un chouïa noyés dans une manière de retenue permanente, belle mais un peu mouchmolle : on attend plus de l’orchestre vedette !

Lumière sur Pleyel et Cleveland. Photo : Josée Novicz.

Lumière sur Pleyel et Cleveland. Photo : Josée Novicz.

Et ça tombe bien, boum, car après la pause club-vouvray (en supplément), ledit orchestre se lance dans la Symphonie n°6 de Dmitri Chostakovitch. Loin d’être la plus impressionnante, c’est cependant l’une des plus belles des quinze. Elle s’ouvre par un Largo très lent, où le compositeur ressasse un même thème en utilisant tout l’orchestre par petites ou grandes touches. On apprécie des trouvailles, comme cette valorisation des cordes graves de la harpe, et des associations savoureuses telle celle qui mêle le célesta aux cordes. Les deux mouvements suivants contrebalancent cet apparent statisme en projetant l’orchestre dans une frénésie de notes, que la phalange américaine rend avec la virtuosité requise. Les solistes tricotent, le tutti réagit avec pertinence, et la direction de Franz Welser-Möst mène tout le monde à bon port. La prestation est limpide, et semble donner des ailes à l’orchestre qui, fidèle à la tradition des musiciens en tournée, offre un bis royal que nous supposons être la deuxième ouverture pour Fidelio. Cette fois, leur Beethoven est plus alerte, plus tendu, comme dopé au Chostakovitch, donc débarrassé de la chape compassée qui pesait, selon nous, sur la Messe liminaire. Bonne dynamique à confirmer dès le lendemain, dans un programme similaire Beethoven et Chostakovitch. What a suspense!

Salle Pleyel, 8 novembre 2013

Pleyel, 8 novembre 2013L’orchestre dans son ensemble est à l’honneur ce 8 novembre à Pleyel, pour le programme du Philharmonique de Radio France.
C’est même, heureuse initiative, à sa première clarinette solo qu’est confiée la Rhapsodie pour clarinette et orchestre de Claude Debussy. Habillé par un ensemble soyeux, Nicolas Baldeyrou semble s’amuser des difficultés discrètes qui émaillent ce morceau de concours – quelques vigoureux traits virtuoses çà, mais surtout des pianos dans les aigus et de redoutables changements de registre sèment cette brève composition (8′). On apprécie l’harmonie étonnante que fait chanter l’Orchestre, ainsi que la sonorité, les attaques et l’aisance du soliste. Au fond de la salle, les pairs de la vedette non convoqués pour cette pièce saluent la performance, à l’instar d’un public charmé par cet apéritif délicat.

Concert sous haute surveillance pour Arteliveweb. (Photo : Josée Novicz)

Concert sous haute surveillance pour Arteliveweb. Photo : Josée Novicz

Suit L’Ascension d’Olivier Messiaen (durée : une petite demi-heure), constituée de “quatre méditations symphoniques pour orchestre” et écrite à vingt-cinq ans, avant sa mutation en pièce pour orgue. Quasi didactique par sa manière de faire se succéder les pupitres, l’œuvre séduit dans cette interprétation, tant Myung-Whun Chung excelle à valoriser les harmonies d’une musique qu’il connaît sur le bout de la baguette. Le premier mouvement (“Majesté du Christ”), grande pièce d’apparence statique, est constituée d’un écrin orchestral qui sertit l’éclat des trompettes – celles du Philharmonique de Radio France finiront par donner de gênants quoique compréhensibles signes de fatigue. Le tutti final résonne jusqu’aux “Alléluias sereins” qui constituent le deuxième mouvement, centré sur un dialogue entre cordes et bois. Cuivres et cordes, soutenus par les percussions, reprennent le pouvoir pour les “Alléluias sur la trompette” puis la cymbale – il nous semble avoir entendu des versions studio plus énergiques, mais la rythmique de Messiaen n’en est pas moins joliment rendue par la phalange parisienne. La lente et superbe “prière du Christ montant vers son Père”, confiée essentiellement aux cordes, emporte l’auditeur grâce au talent du chef pour faire vibrer la beauté d’une partition superbement jouée par des musiciens convaincants. Grands bravos !

Autour de Saint-Saêns et de l'orgue. Photo : Josée Novicz.

Autour de Saint-Saêns et de l’orgue. Photo : Josée Novicz.

Après l’entracte cornichon-Cherry coke (en option), l’orchestre attaque la Symphonie n°3 “avec orgue” de Camille Saint-Saëns (35′), entendue dans cette salle il y a peu. Et là semblent apparaître les limites de l’art de Myung-Whun Chung. Le premier mouvement laisse même craindre la catastrophe : la battue sporadique et nonchalante ne suffit clairement pas à guider les musiciens. Après l’incipit modéré, la cavalcade qui suit sonne brouillon, de guingois. L’inquiétude des profondeurs (déclinaison du Dies irae) devient une inquiétude de surface, malgré les interventions précises de Christophe Henry à l’orgue. Les mouvements plus posés remettent en valeur la richesse de son que Myung-Whun Chung parvient à obtenir de l’orchestre ; mais, de nouveau, le finale laisse une impression de précipitation peu maîtrisée. Volonté de lâcher la bonde à l’orchestre ? Illusion d’écoute – toujours possible ? Toujours est-il que le résultat soulève d’enthousiasme la salle – sauf nous, qui notons l’étrange geste de victoire du timbalier sur la dernière frappe, comme s’il avait douté jusqu’au bout que les musiciens finiraient à peu près ensemble.
En conclusion, une soirée de qualité, dont le grand moment restera une superbe version de L’Ascension, et la grande interrogation cette curieuse version de la symphonie finale.

Théâtre des Champs-Élysées, 7 novembre 2013

TCE le 7/11/13

Aux programmes cousus de corde blanche, l’Orchestre national de France oppose ce 7 novembre un enchaînement curieux.
Le concert s’ouvre sur la création française de Circle Map de Kaija Saariaho, une pièce d’une demi-heure pour orchestre et électronique, signée par une vedette de la musique contemporaine, Parisienne d’adoption et présente ce soir-là. La composition s’articule en six mouvements, fondés sur un poème persan chuchoté ou clamé en persan par la voix d’Arshia Cont, “un chercheur”. Les deux premiers mouvements permettent à l’auteur de faire froufrouter l’orchestre de manière retenue, tout en jouant sur l’électronique pour enrichir une écriture retenue, dont l’inventivité ne saute pas immédiatement aux oreilles. L’Orchestre national ne paraît d’ailleurs pas pleinement convaincu par ce qu’il joue, si on en croit l’attitude désinvolte de certains violonistes (parmi lesquels on balance le sosie de François Damiens, toc). Pourtant, les deux mouvements suivants, dont le prenant “Circles”, donnent une envolée cinématographique au morceau, avec grands effets orchestraux et voix grave inquiétante. Les deux dernières séquences superposent des moments de tension exacerbée (intéressant “Dialogue”, illustrant un poème qui dit : “Regarde tes yeux. Ils sont petits / mais ils voient des choses immenses”) et des jeux sur la frontière entre note et silence (chuchotements vocaux, frottements de cordes, souffles instrumentaux). Le morceau s’achève dans le calme précaire entendu au début, traduisant de la sorte et le titre circulaire de l’œuvre, et le texte final (“Si la musique disparaît, nous disparaissons”). Au final, cette composition ambitieuse démontre une nouvelle fois le savoir-faire de la compositrice (usage pertinent et varié des plans sonores, valorisation des ressources d’un grand orchestre – percussions comprises, différenciations des pupitres, électronique multifonctionnelle, division du temps…), même si la beauté patente de certains passages peine à nous convaincre de l’inventivité du langage utilisé sur l’ensemble de cette symphonie-qui-ne-dit-pas-son-nom.
Un singulier enchaînement attend l’auditeur, puisque succède à Circle Map le Concerto pour piano n°5 de Camille Saint-Saëns. Composée en 1896, cette pièce d’une demi-heure, respectant les trois mouvements de rigueur, offre une vision saisissante de l’art romantique finissant. Tout y est : thèmes clairement énoncés, dialogues orchestre-soliste, alternance lyrisme-virtuosité, et même exotisme harmonique dans le deuxième mouvement avec le thème censément nubien énoncé en duo par le piano pour rendre justice au sous-titre de cette œuvre à semi-programme (“concerto égyptien”). En vedette, Javier Perianes joue d’abord précis, avec un minimum de pédale de résonance. Puis, comme s’il se sentait autorisé à se fondre dans l’orchestre, il se glisse entre cordes et bois, mêle sa sonorité à celle de ses accompagnateurs lors de longues plages discrètes, et n’en émerge qu’à bon escient et avec un engagement évident. Sur quelques pétouilles, on ne jurerait pas que tout est exactement joué avec une exacte exactitude, mais on jurera volontiers que ces éventuelles imperfections, consubstantielles du live, sont sans importance en regard du travail accompli pour positionner, de manière intelligente et réfléchie, le piano contre, avec ou dans l’orchestre selon les moments. Le résultat est donc pleinement musical et loin du stéréotype du gros plat romantique trop connu et difficilement digeste, malgré une partition qui pourrait prêter çà et là son flanc à la caricature dou grand sensible qui joue avec oune fougue de fou ou oune sensibilité abousive. Un bis, que certains connaisseurs attribuent à Turina, achève de convaincre que Javier Perianes est avant tout un pianiste de conviction, capable de faire sonner toutes les compositions qui lui tombent sur les doigts non pour briller mais pour valoriser la partition et la spécificité du créateur. C’est une bien belle qualité pour l’auditeur.
Après la pause chips-grenadine (pour ceux qui aiment les chips et la grenadine, évidemment), Juanjo Menja reprend la baguette pour enlever les Variations Enigma d’Edward Elgar. C’est le tube du programme, surtout pour le fameux “Nimrod”, qui a enterré tant de zozos (y compris l’orchestre de la télévision grecque) et fait chougner dans tant de films. Le thème liminaire s’articule autour d’une structure simple opposant le mineur au majeur et retour. Les douze variations et un intermède qui suivent, présentées comme des pièces à programme décrivant des proches du compositeur, permettent à l’orchestre de faire entendre ses différents pupitres ainsi que son son (ha, ha) d’ensemble, plus compact que tonitruant. Outre le tutti, les bois et les cordes – y compris les pupitres d’ordinaire discrets – sont les mieux servis, alto et clarinette immisçant leurs mélopées dans cette demi-heure de belle musique, où il nous manque pourtant un peu de tension et de contrastes pour être totalement séduit. Peut-être notre position dans la salle, snobistiquement proche de l’orchestre, explique-t-elle cette légère déception en empêchant le son de prendre toute son ampleur acoustique avant de nous parvenir.
En conclusion, une soirée fort agréable, portée par un programme stimulant (entre modernité à grand spectacle et musique subtilement consonante), un chef précis et des musiciens au métier très convaincant. Pouce levé, en attendant le coude, ce qui ne devrait pas tarder sauf décès et plus si affinités.

Le meurtre continue

Travail en cours

Le travail d’enregistrement du single se poursuit. Cette fois, la base est saine, y a plus qu’à… la nettoyer, l’enrichir, la mixer, la mastériser, la… D’accord, on n’y est pas encore, mais on y travaille !

Cité de la musique, 30 octobre 2013

Hilary Hahn (Cité de la musique, 30 octobre 2013). Photo : Josée Novicz.

Hilary Hahn (Cité de la musique, 30 octobre 2013). Photo : Josée Novicz.

Salle comble, star, agents de sécurité et musique vivante : tel est le programme de ce mercredi, pour le Chamber Orchestra of Europe dirigé par Jaap van Zweden.
Le concert s’ouvre sur La Nuit transfigurée d’Arnold Schönberg, dans sa version pour orchestre à cordes. Dans cette musique de chambre amplifiée (à la base, la composition s’adressait à un sextuor), les cordes du Chamber Orchestra font merveille. Le son est riche, les différents mouvements sont bien caractérisés, les transitions et modulations sont soignées, les nuances intermédiaires entre le piano et le forte paraissent dessinées en direct par Jaap van Zweeden. Le résultat fait entendre de la très belle musique superbement jouée. Revers de la médaille, le seul reproche éventuel serait justement que cette beauté gomme un brin l’inquiétude consubstantielle à certaines parties de cette pièce “à programme” (on n’entend pas exactement le “Je suis fautive auprès de toi / J’ai commis une faute atroce”). Détails négligeables : en réalité, cette demi-heure liminaire est saisissante.

La Nuit transfigurée, version 1. Photo : Josée Novicz.

La Nuit transfigurée, version 1. Photo : Josée Novicz.

Le Concerto pour violon de Samuel Barber suit. Réputé pour être essentiellement une pièce virtuose, il est confié à l’archet de Hilary Hahn, vedette du genre – d’où, suppose-t-on, la présence exceptionnelle d’agents de sécurité devant les coulisses et dans la salle, avec interdiction de prendre des photographies, ha-ha. Sémillante dans une robe qui mêle jupe couture et top proche de la vulgarité des patineuses artistiques, la star ne déçoit pas. Elle dialogue avec l’orchestre dans un premier mouvement où le lead sinue classiquement dans l’orchestre avant d’arriver au soliste ; elle contraste avec talent les différents caractères du mouvement lent, plus classique ; elle se tourne vers ses confrères tuttistes entre volonté d’entendre, de dialoguer et de contrôler ; et elle fait jaillir avec maestria les doigts solides qu’il faut pour tenir le dernier mouvement et son finale ébouriffant. De son côté, l’orchestre répond aux indications du chef comme il se doit, même si, d’où nous sommes, il nous semble par moments couvrir la soliste. Dans l’ensemble, restent, évidents, un travail maîtrisé et une musique agréable à défaut d’être, à nos oreilles, absolument bouleversants.

La nuit transfigurée

La Nuit transfigurée, version 2. Photo : Josée Novicz.

Après une heure de concert et une pause Kitkat-grenadine (ou équivalent) pour les spectateurs, le Chamber Orchestra revient donner les 25′ de la Symphonie n°9 de Dmitri Chostakovitch – sans doute l’une des plus palpitantes, peut-être parce que la plus concentrée. C’est la fête aux pétillements, et cette version le souligne avec pertinence. La farce affleure dans les grondements des trombones ; le cirque des percussions répond aux envolées des cordes ; l’orchestre se gonfle et se dégonfle avec une précision qui dynamise cette musique. Dans le deuxième mouvement, les bois se mettent en valeur comme il se doit (et non “les doigts se mettent en valeur comme il se boit”, ça n’aurait aucun sens) avant que la dernière partie, enchaînant trois mouvements et demi, ponctue cette pièce avec une énergie vigoureuse où le Chamber Orchestra of Europe fait merveille. Le triomphe qui conclut le concert salue autant une œuvre stimulante qu’une phalange menée avec une efficacité, une précision et une malice excellentes par Jaap van Zweden.
(Cela dit, chère voisine, si j’ai applaudi très fort et très longtemps pile dans ton oreille à la fin du concert, c’est que j’ai beaucoup apprécié la soirée, et peut-être aussi un p’tit peu que tu m’as bien fait chier à mâchonner bruyamment ta salive et à te bouffer les ongles. Un partout, n’est-ce pas, gougnafière ?)