Blogadmin

Salle Pleyel, 5 mai 2014, Steve Reich

Steve Reich et Kristjan Järvi. Photo : Josée Novicz.

Steve Reich et Kristjan Järvi. Photo : Josée Novicz.

Chaque année, la Cité de la musique invite Steve Reich pour (au moins) un grand concert minimaliste. Cette année, c’est à Pleyel que l’orchestre et le chœur MDR (non, pas mort de rire) de Leipzig lui rendaient hommage ; et nous y étions, boum.
La première partie s’ouvre sur Clapping Music, pièce pour deux claqueurs de mains, Steve Reich et Kristjan Järvi. On a du mal à prendre au sérieux cette pièce, même si elle illustre le principe du décalage sans s’encombrer de hauteurs de sons (un type frappe toujours la même chose, l’autre décale ses frappes différemment au cours de l’exécution). Pour nos oreilles, snob il est vrai, aucun intérêt, sinon de nous faire attendre avec plus de gourmandise Duet, la seconde pièce pour orchestre de cordes et deux violons solistes. La simplicité de l’œuvre (accompagnement épuré, léger décalage, passages du majeur au mineur et retour) met en appétit, d’autant que la durée de cinq minutes est suffisante pour cerner le procédé, l’auditeur ayant hâte de découvrir « autre chose » avec le troisième Reich (I know, but I couldn’t help it).

Piano et synthé avant la bataille. Photo : Josée Novicz.

Piano et synthé avant la bataille. Photo : Josée Novicz.

The Four Sections, composée en 1987 et première grande pièce de la soirée (25′), s’articule, en quatre mouvements, autour de quatre groupes orchestraux (cordes, cuivres, bois, percussions). Après une entrée progressive, qui met en valeur la beauté du son d’ensemble du MDR Sinfonieorchester Leipzig, l’orchestre s’efface pour laisser le thème renaître dans un ressac où l’on perçoit le métier de l’orchestrateur. Le ressassement gronde, entre unissons pas toujours parfaitement synchrones et fond des synthétiseurs, que vient briser, après un quart d’heure un peu longuet, le surgissement d’un piano. La brève deuxième section fait en effet résonner deux vibraphones et deux pianos, ornés de percussions annexes (grosse caisse). L’interrompt l’arrivée de la troisième section, lancée par les hautbois, avec bois et cordes et effets de résonances provoqués par des accords répétés. La mise en valeur d’autres pupitres (belles clarinettes) soutient l’attention, même si le procédé paraît trop systématique pour nous séduire vraiment – oui, même dans la musique répétitive, un chouïa de créativité et d’inattendu nous convient. La dernière section entraîne l’orchestre dans un dernier crescendo où le mélange des timbres et le martèlement bancal des pianos et des vibraphones précipitent l’auditeur dans un sentiment contradictoire : du savoir-faire, des trouvailles, mais une impression de longueur, plus que de langueur, que l’éloge du répétitif ne parvient pas, pour nous, à justifier sur la durée. Peut-être les tempi lents privilégiés par le chef (total de 27’30 contre 25′ demandée par le compositeur) participent-ils de ce léger déficit d’énergie et de surprise que nous regrettons…

Kristjan Järvi. Photo : Josée Novicz.

Kristjan Järvi. Photo : Josée Novicz.

Après la pause, The Desert Music sollicite un grand orchestre et un chœur amplifié, pour une pièce de trois-quarts d’heure créée en 1984 et construite en cinq mouvements. À l’incipit atmosphérique partagé entre instruments et chanteurs, succèdent l’entrée des violons entrent qui se décalent autour d’une pulsation rythmique entêtante. Et la souffrance de l’auditeur ne tarde pas à commencer : le criaillement des sopranos, il est vrai très sollicitées dans les aigus puissants, surprend chez un ensemble reconnu comme une référence dans l’interprétation de cette musique. Le manque de soutien des ténors, dont les tenues semblent tendre vers le faux, fait craindre lui aussi le retour des parties chantées, qui déclinent des fragments poétiques de William Carlos Williams, un auteur défunt dont le compositeur est fan. Le contraste percussif (feat. maracas et flûtes sautillantes) qui surgit enrichit la partition en aérant l’atmosphère pesante que le compositeur excelle à installer. La musique du désert, réfléchissant sur les bombes atomiques de 1945, oscille ainsi entre pulsations et harmonies inquiétantes, rythmée par des contrastes (nuances, effectifs orchestraux) qui soutiennent l’intérêt. Des saccades sautillantes accompagnent la section centrale, celle qui rejoint la déclaration de foi de Steve Reich (« it is a principle of music to repeat the theme, repeat and repeat again »). L’ensemble dirigé par Kristjan Järvi est alors à son meilleur : les plans sonores sont clairs, les attaques sont nettes, et les choristes sont plus musicaux que dans leurs forte (même si on croit remarquer que certains roulent les « r »… et pas tous). La structure « en arche », donc symétrique, conduit le compositeur à reproduire les éléments qu’il a préalablement mis à profit : ruptures, rythmes quasi latino, entrées des violons sur pulsations des vibraphones, crescendo/decrescendo… La symbolique de ce choix participe du souci de rendre la musique non-événementielle : c’est la répétitivité, d’une séquence ou d’une formule reprise à l’identique ou inversée, qui signe la beauté selon Steve Reich.
Pas sûrs que la pièce nous en convainque… Ses aspects les plus intéressants, pour nous, résident davantage dans les trouvailles de rupture, la science orchestrale du compositeur et les contrastes d’atmosphère que dans le retour de procédés déjà exploités dix ou quarante minutes plus tôt. N’empêche que la fin « en mourant » est bien rendue par l’orchestre et le chœur, nous conduisant à deux impressions : une curiosité maintenue pour une musique à notre sens inégale, entre astuces joliment maniées et facilités maniérées ;  et un plaisir de pouvoir entendre, dans les conditions parfaites de Pleyel, une heure trente de musique contemporaine – même déjà vieille de trente à quarante ans – qui pousse à la réflexion et à la stimulation de l’oreille. Un bis bref et énergique, extrait des Three mouvements, est une jolie politesse offerte aux auditeurs globalement  enthousiastes de ce concert, disponible ici jusqu’au 5 novembre.

La météo me tuera

En attendant le « banc d’essai » du 18 juin, mon prochain (bout de) concert de chansons, je continue à explorer mon répertoire inédit. Aujourd’hui, hommage au soleil.

[audio:http://www.bertrandferrier.fr/wp-content/uploads/2014/05/Soif.mp3]

Buller à Angoulême

Auteur AngoulêmeAuctorialité et branding, ou comment définir qui est « l’auteur » de Lucky Luke ? C’est ce vendredi, à Angoulême, avec un joli Power Point si tout est swing. Parce que je fais c’que j’veux avec mes ch’veux, par exemple.

Le Cube, 17 mai 2014

Café blindé pour accueillir le Cabaret des Batignolles, saison 1, épisode 4, avec Céline Pruvost et Jann Halexander. Pour le détail des photos et leur commentaire, cliquez dessus !

Le Cabaret des Batignolles, épisode 4

Affiche Cabaret des Batignolles 4Rendez-vous samedi avec l’excellente Céline Pruvost et le si singulier Jann Halexander : humour, émotions, swing et convivialité sont au programme de ce concert de chansons intelligentes, avec de jeunes chanteurs expérimentés, doués et dont je serais sans doute jaloux si j’étais chanteur. Par chance, ce samedi, je me contente d’organiser, et je me réjouirais de partager cette soirée avec vous, au Cube, pour le plaisir de la chanson.

Cité de la musique, 30 avril 2014

… mais finalement, c’est intéressant aussi. Laisser retomber l’émotion du moment et voir ce qui reste quand on n’a pas tout oublié. Attendre des photos qui finiront par arriver puis se dire : tant pis, on fait l’article sans, sans davantage avoir pris de notes (un comble, en musique), sans avoir rédigé le compte-rendu sur le vif, juste en laissant remonter à la surface des instants.
Ce 30 avril, l’Orchestre de Paris attaque une Cité de la musique évidemment sous-dimensionnée pour un programme ultra-attractif. Le concert s’ouvre sur Une nuit sur le mont Chauve, version Moussorgski/Rimski-Korsakov (12′). Impression que l’énergie liminaire se dissout dans une sonorité confuse dont on ne perçoit pas nettement les lignes de crête. Sensation que les différences d’atmosphère pourraient être plus dessinées. Notre place, dans les tout premiers rangs, handicape à l’évidence le plaisir que nous devrions tirer de cette pièce si joliment orchestrée.
Cette même place nous donne l’occasion de voir de très près Tatjana Vassiljeva, soliste du Concerto pour violoncelle n°1 de Dmitri Chostakovitch (30′). Au contraire de nombre de ses confrères, au premier rang desquels Gautier Capuçon que nous avions applaudi lors de l’intégrale Gergiev à Pleyel, la Russe – enceinte ? – ne surjoue pas la virtuosité. Naviguant avec aisance dans une partition redoutable, elle privilégie la ligne mélodique, la beauté sonore et le dialogue instrumental là où d’autres mettraient en avant l’énergie, le rythme, la fougue. Souriante, attentive, elle ne se laisse pas distraire par quelques décalages apparents. L’orchestre va son chemin, peut-être un peu fort, mais notre position ne permet pas de deviner le résultat en fond de salle. Cette version du concerto séduit pour sa relative retenue, qui permet d’apprécier – notamment dans la cadence – des charmes de la partition que nous n’avions jamais entendus jusque-là.
Un petit bis bachistologique et un pique-nique plus tard, la bande à Paavo Järvi revient pour les Valses nobles et sentimentales de Maurice Ravel (20′). Ces huit pièces contrastées, originellement destinées au piano, offrent des caractères contrastés, de la danse brute au crescendo orchestral, de la valorisation des solistes au tutti massif. D’où nous sommes, nous ne pouvons apprécier parfaitement la prestation ; toutefois, à défaut de jauger la puissance de l’orchestre, nous apprécions la belle sonorité des instruments que le compositeur paraît prendre plaisir à mettre en valeur, et la concentration des cordes graves, même quand elles sont condamnées sporadiquement à faire ploum-ploum.
Les curieuses Métamorphoses symphoniques sur des thèmes de Carl Maria von Weber de Paul Hindemith (20′) concluent le programme sur une tension patente entre le plaisir weberien de la mélodie, d’une part, et, d’autre part, la science orchestrale de Paul Hindemith. L’Orchestre de Paris fait rutiler ces quatre mouvements où le compositeur joue à la fois d’un savoir-faire astucieux et d’une personnalité passionnante car tourmentée (dissonances inattendues, contrastes désarçonnants, éclatements thématiques et retours au brillant traditionnel parfaitement maîtrisé). Definitely trop proches pour jauger le résultat « réel », nous terminons la soirée sur cette déception ambiguë : avoir été quasi embedded dans l’orchestre, et n’avoir pu profiter de ce programme grand public et malin à la fois. Alléluia, y a pire regret.