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Pelléas et Mélisande, Bastille, 28 février 2025 – 1/4

Décor unique de l’opéra (détail) par Emmanuel Clolus

 

L’étrangeté de Pelléas et Mélisande, « drame lyrique en cinq actes et douze tableaux », qui tient au texte de Maurice Maeterlinck et

  • aux harmonies,
  • aux textures et
  • au traitement des voix fomenté par Claude Debussy en 1902,

participe du succès persistant de l’opéra. La nouvelle production présentée à Bastille semble à la fois comprendre cet enjeu et la tension qui en découle, sans pour autant oser vraiment l’affronter.
L’histoire, elle, est presque simple. Golaud (Gordon Bintner), roitelet chasseur, découvre Mélisande (Sabine Devieilhe) dans une forêt où il s’est perdu. Il l’épouse au lieu de se marier avec une princesse, ce qui chafouine sans plus son grand-père Arkel (Jean Teitgen). Pelléas (Huw Montague Rendall), fils de Geneviève (Sophie Koch) comme Golaud, tombe réciproquement amoureux de Mélisande. Golaud tue Pelléas. Mélisande meurt de chagrin après avoir accouché, et c’est la fin.
La mise en scène de Wajdi Mouawad, le patron du théâtre de la Colline où il a tout loisir de produire ses propres pièces (jusqu’à fin 2025, puisqu’il vient de démissionner), hésite – et assume son hésitation – entre littéralité parfois surlignée (vidéo initiale de forêt signée Stéphanie Jasmin, ajout de bruitages d’oiseaux totalement inutiles avant que la vraie musique ne prenne place…) et utilisation symbolique de l’espace (structure unique du décor – une espèce de praticable en arc de cercle avec un rideau au fond où sont projetées les vidéos – signée Emmanuel Clolus) ou des accessoires de conte (un sanglier traverse la scène à deux pattes avant que Golaud ne l’évoque dans une tirade). Tout se passe comme si
le technicien voulait à la fois

  • dire et taire,
  • se conformer et divaguer,
  • expliciter et suspendre.

L’idée est séduisante ; à notre aune, la réalisation manque

  • de chair,
  • d’émotions et
  • de fulgurances

pour transformer la théorie en enjeu théâtral. L’orchestre, lui, placé sous la direction d’Antonello Manacorda, tâche de tirer l’œuvre vers le symbolique. Sa pâte musicale le révèle moins avide

  • de sursauts,
  • de dynamiques et
  • de contrastes

que de frémissements. Dans le prologue, on le découvre

  • poétique,
  • attentif à la souplesse du chef, et
  • coloré.

Dès sa première scène, le Golaud de Gordon Bintner paraît manquer de puissance, comme s’il privilégiait la prononciation – correcte – à la posture d’autorité de son personnage, confronté à la sensibilité diaphane de Mélisande. Celle-ci, incarnée par Sabine Devieilhe, a

  • le souffle,
  • le timbre,
  • la fragilité et
  • le souci du texte

qui lui donnent une épaisseur plus séduisante que si elle avait été réduite à une poupée de cire, une poupée de sons. Il faut bien cela pour que le spectateur puisse s’accrocher à une représentation souillée par les costumes d’Emmanuelle Thomas, effarants de pauvreté, et les coiffures ridicules dont Cécile Kretschmar affuble les chanteurs, au premier rang desquels Sophie Koch. La Geneviève de cette dernière fuit toute tentative de démonstration vocale pour se concentrer sur l’ajustement entre

  • texte,
  • personnage,
  • situation et
  • musicalité si particulière voletant autour d’un faux parlando.

 

 

L’Arkel de Jean Teitgen a, lui, la voix entre deux chaises. Il n’est pas assez basse profonde pour faire vibrer le rôle dans sa dimension la plus intime ; et il n’est pas assez baryton pour colorer autrement sa puissante partie. Aussi, en dépit d’un vibrato confinant sur certains registres au tremblement, cherche-t-il à souligner la complexité de son personnage : Arkel, c’est l’autorité, mais une autorité attaquée de toute part. Le roi est

  • vieux,
  • presque aveugle, et
  • même Golaud, qui lui était jusqu’alors soumis en tout, passe outre le mariage que son grand-père a décidé.

Comme Jean Teitgen, ce que semblent vouloir représenter Wajdi Mouawad et l’ensemble des interprètes, c’est ce battement entre

  • le langage,
  • l’intelligibilité,
  • l’onirique et
  • la diégèse.

Maurice Maeterlinck prête le flanc à ce possible, en interpolant

  • formules convenues et punchlines décoiffantes,
  • espace indistinct et topoi ultra reconnaissables,
  • dimension poétique et direction narrative on ne peut plus classique.

Admettons-le, le résultat dramatique n’est pas à la hauteur de ces hiatus stimulants.

  • Le praticable sur lequel crapahutent les artistes assèche l’imaginaire plus qu’il ne le développe, dans la mesure où il écrase chaque situation sur un dispositif peu ou prou identique.
  • Les vidéos semblent paradoxalement vouloir compenser la pauvreté du décor qui a pourtant été choisie par le metteur en scène, avec des effets Stabylo hélas presque cocasses (« je venais du côté de la mer » et, pof ! la vidéo montre la mer…).
  • L’utilisation abondante du rideau à lamelles en fond de scène ne tarde pas à lasser, bien qu’elle symbolise – lourdement, donc – ce travail sur la lisière entre
    • dicible et indicible,
    • visible et invisible,
    • décryptable et inaccessible.

Dès lors, la poésie du trio concluant l’acte premier, featuring

  • Sophie Koch, partagée entre nostalgie et fatalisme,
  • Sabine Devieilhe, dont la Mélisande commence à comprendre dans quel pétrin elle s’est à nouveau fourrée, et
  • Huw Montague Rendall, dont le Pelléas feint de lutter encore contre son inclination pour l’Interdite (en un mot ou avec trait d’union),

lutte pour élever une proposition scénique dont la force est la faiblesse : ne pas décider entre explicite et implicite, donc ne pas exploiter toute la puissance de l’un (assumer la lisibilité du récit malgré ses zones de brume) ou de l’autre (assumer la liberté poétique d’une fiction rétive à la factualité), en dépit d’un orchestre somptueux de mélancolie quand il répond à la question de Mélisande, à la fin du premier acte : « Oh, pourquoi partez-vous ? »


À suivre !

 

Causerie en approche !

D’après une photographie de Rozenn Douerin et une affiche de Marie-Aude Waymel. Création : Jann Halexander.

 

Avant la « causerie sur 24 faits extraordinaires (environ) sur la mort », Jann Halexander m’a invité à causer de la causerie. Voilà le résultat (cliquer sur l’hyperlien si l’insertion ne fonctionne pas).

 

 

Pour réserver une place à la causerie du samedi 15 mai, à 16 h, c’est ici.

 

On the road again (to Easter)

En attendant Pâques, le lapin ! (Photo : Bertrand Ferrier)

 

Dans le cadre de la série « Improvisations du samedi soir », le premier week-end de Carême était l’occasion de méditer en musique sur les tentations du Christ et notamment sur la symbolique des quarante jours dans le désert sans apéro, sandwich ni cassoulet. Soit, si un embryon informel d’exultet se faufile sur le seuil de la sortie, c’est certes un excès d’optimisme pour le moment. Baste, exultera bien qui exultera le dernier !

 

 

Irakly Avaliani joue Robert Schumann (2009) – 8/8

Quatrième du disque

 

Disque total ? En tout cas, disque ambitieux que ce Schumann par Irakly Avaliani que pendant deux semaines, nous avons

  • écouté,
  • lu grâce aux mots de Nancy Huston,
  • regardé grâce aux peintures de Masha Schmidt et, pour cette ultime chronique,
  • visionné, une vidéo proposée sur DVD à tiers-chemin entre
    • le vlog,
    • le publireportage pour le sponsor et
    • l’interviouve.

Une fois le piano installé dans le studio, le sponsor et la femme du sponsor laissent un petit mot, puis l’artiste prend la parole par la voix et les doigts pour revendiquer sa liberté dans le choix

  • dudit piano,
  • du répertoire,
  • de la prise de son et
  • de l’équipe technique.

 

 

Évoquant la femme du patron, Irakly Avaliani a ce mot : « Elle est tout le temps présente mais elle n’intervient pas. C’est un don ! » Le musicien insiste aussi sur la nécessité de prendre le temps de construire le son avec l’ingénieur, en l’espèce Sébastien Noly.Il faut avoir une haute vue du projet pour enregistrer

  • dans le désordre,
  • par petits bouts et
  • malgré les facéties mécaniques comme cette révolte de l’étouffoir que Pierre Malbos est là pour tamiser ou dissoudre.

D’autant que, à la chronologie technique s’ajoute une chronologie humaine, marquée par exemple par une première journée toujours très difficile car « il faut s’habituer au piano ». Irakly Avaliani évoque d’autres grandes difficultés du studio.

  • La première est la relativité du temps, autrement dit le côté imprévisible et non proportionnel des prises nécessaires (parfois trois pour une pièce de dix minutes, parfois un million pour une miniature de trente secondes, mais toujours un planning à tenir).
  • La deuxième est la nécessité du courage qui implique, parfois, de ne pas choisir la plus belle prise pour privilégier, sans doute, la plus vibrante, osée, parlante.
  • La troisième est la fluidité de la musicalité, liée à l’idée que, pour un musicien, la musique est toujours une « voie de perfectionnement », si bien qu’un disque peut fixer un instant, fût-il étendu sur quelques jours, mais non un climax toujours à venir.

L’espoir qui anime l’artiste reste, au terme de ce making of dont le rapport entre titre et contenu nous échappe, confessons-le, de

  • partager avec les curieux,
  • vivifier des œuvres puissantes et
  • jouer en posant, dès 2009, que peu importe l’avis des Experts Sachants Auto-autorisés car « il n’y a plus de critiques ».

Ces huit épisodes passés à raconter notre Irakly Schumann par Robert Avaliani n’ont donc jamais existé que dans nos esprits. Ma foi, c’est déjà pas si pire !


Pour retrouver les précédents épisodes, cliquer sur 1, 2, 3, 4, 5, 6 et 7.
Pour écouter gracieusement l’intégralité du disque, c’est ici.

 

Mama Béa et LA Ribeiro vibrent (pour) toujours

L’affiche (best of)

 

Voilà des années que j’ai enfin osé chanter Mama Béa Tekielski avec un répertoire sans cesse changeant tant le catalogue est vaste. Voilà des années que l’ami Jann Halexander chante Catherine Ribeiro avec cette liberté qui le caractérise.

  • Pas d’imitation,
  • pas de fake,
  • pas de chougne féministe,

juste, et c’est pas rien,

  • l’urgence du partage,
  • l’envie de la découverte,
  • le plaisir du répertoire.

 

 

De la chanson (qui plus est pour Béatrice Tekielski, dont j’ai choisi des chansons qui ressemblent presque à des chansons),

  • incarnée,
  • multiple,
  • virevoltante.

Une envie qui emmerde

  • les modes,
  • les bienséances,
  • les coteries.

 

 

Une proposition qui trouve preneur dans l’arrière-salle de la librairie anar de Paris, pour un concert

  • pétillant,
  • rugueux et
  • dialogué

avec la participation des puissants guitaristes fouyouyous, chacun à sa manière, Sébastyén Defiolle et Claudio Zaretti. Entrée carrément libre, sortie tout autant. Avec vous serait un plus. Rendez-vous 145, rue Amelot, Paris 11.

 

Irakly Avaliani joue Robert Schumann (2009) – 7/8

Première du disque

 

Nombre de la vingtaine d’épisodes composant le Carnaval op. 9 de Robert Schumann, dont l’écoute a commencé ici avant de se poursuivre , fonctionnent deux par deux. Ils peuvent être

  • enchaînés (« Arlequin » succède à « Pierrot », « Florestan » à « Eusebius »)
  • fusionnés (« ASCH – SCHA ») ou
  • dissociés : l’intermède paganinien ne suit pas l’hommage à Chopin, et Estrella, portrait de femme qui nous intéresse à présent, ne succède pas directement à « Chiarina », évocation de Clara Wieck.

Cette non-systémacité évite d’enfermer l’écriture dans un système guindé pour lui accorder une forme de liberté carnavalesque de circonstance. « Estrella », évocation d’Ernestine von Fricken est une valse en fa mineur.

  • Vivacité des deux tempi,
  • tonicité des octaves,
  • contraste des nuances dans les parties A et B,
  • enjambements haletants des mesures, et
  • brièveté de la miniature

saisissent l’auditeur, faisant écho au texte de Nancy Huston qui dialogue, dans le livret, avec les peintures de Masha Schmidt, et assume ses embardées quand elle décrit la brutalité comme une « caresse trop rapide », devenant une gifle grâce à laquelle « nous nous sommes embrasés » au feu de la « gracieuse beauté de l’aléatoire ». « Reconnaissance », hit du recueil, garde les quatre bémols mais bascule en deux temps et en mode majeur. Sous ses airs primesautiers, l’animato n’en relève pas moins d’un défi musical autant que technique, la main droite étant partagée entre une mélodie à jouer legato et des notes répétées à l’octave inférieure qui elles, doivent être « sempre staccato ». Comme si, en réalité, tout cela n’était que fastocheries pour première année de premier cycle,

  • les charmantes modulations,
  • les effets d’écho de la partie centrale entre soprano et basse,
  • la volte d’humeur et
  • la non-fin en suspension

sont restitués par l’interprète avec

  • une habileté,
  • un entrain et
  • une poésie

aussi entraînants que remarquables. « Pantalon et Colombine », qui conserve le rythme binaire mais revient en fa mineur, est un autre exemple de duo fusionné.

  • Vivacité sachant être inclure d’habiles respirations,
  • netteté des staccati,
  • soin apporté aux transitions et aux finitions (ironie parfaite des deux derniers accords)

ravissent le tympan. Se présente alors un duo embrassé, cette fois : la « Valse allemande » est jouée avant et après l’intermède hommageant – et hop – Paganini. Le thème principal, en fa mineur, associe

  • virulence des octaves et notes répétées,
  • légèreté des doubles faisant osciller la mélodie et
  • plaisir roboratif des doubles reprises que l’on retrouvera pour partie après l’intermède.

« Paganini » est un presto furieux en mode majeur et à deux temps, dont les mouvements contraires des deux mains exigent

  • de redoutables réflexes à la senestre,
  • une excellente articulation pour garder sa lisibilité à ce torrent d’octaves et de doubles, et
  • une hauteur de vue qui, par
    • les nuances,
    • les touchers et les accents, ainsi que par
    • l’usage très précis de la pédalisation

offrent à ce mitan contrasté le lustre qui permet à la virtuosité de rutiler sans abandonner le projet de musique au profit de la seule esbrouffe. Un « Aveu »

  • « passionato » mais intériorisé,
  • en fa mineur mais tenté par le La bémol,
  • à deux temps mais prêt à élargir la mesure par l’agogique de l’interprétation ou le ritardando exigé par le compositeur,

suggère avec délicatesse, à travers ses contradictions, les ravissantes affres amoureuses.

  • Chromatisme disant sans dire,
  • deux-en-deux avançant sans avancer, et
  • reprise développant sans développer

semblent dessiner, piano, les contours ineffables – eh oui – du sentiment.

 

 

Ternaire et en Ré bémol, la « Promenade » qui lui succède et peut-être le prolonge est ici source de contrastes tranchés dans

  • les attaques,
  • les nuances et
  • les phrasés.

Irakly Avaliani ne croit pas à la sensiblerie mais n’est pas insensible aux sentiments schumanniens, plus souvent montagnes sismiques que lignes lisses tant qu’ils sont vivants. La micro « Pause » en La bémol est souvent lue comme une farce de Robert Schumann, pas forcément réputé pour son boute-en-trainisme, car elle est tout sauf reposante. Au contraire, elle exprime

  • une puissance agitée,
  • une envie d’en découdre et
  • la nécessité d’évacuer l’énergie accumulée pendant les deux derniers épisodes, plus calmes.

Ainsi le piano débaroule-t-il tout feu tout flammes dans la « Marche des Davidsbündler contre les Philistins », désignant le fight entre un club imaginaire de gens parfois réels mais pas toujours, ligués contre les bourgeois, c’est-à-dire ceux qui n’aiment pas la musique de Robert Schumann (je synthétise). Le pianiste en fait sentir la colère sans feinte subtilité. C’est évidemment malin car la transition vers la partie centrale est d’autant plus efficace.

  • À la brutalité succède la légèreté ;
  • à la linéarité de la baston et de la fanfaronnade se substituent les à-coups de la rage et de l’urgence
    • (« accelerando »,
    • « animato »,
    • « vivo ») ;
  • à l’uniformité du fortissimo répond une large palette d’intensités ainsi que de précieux crescendi.

Irakly Avaliani y associe

  • virtuosité digitale,
  • inventivité esthétique,
  • souci des détails et
  • variété des couleurs.

Une conclusion

  • bariolée,
  • frémissante ici,
  • brillante là, et
  • investie à souhait

pour parachever un Carnaval dont la présente exécution associe

  • une grande finesse,
  • une indispensable capacité à restituer les innombrables versatilités thymiques entre les épisodes mais aussi au sein même de nombreux mouvements, et
  • une compréhension profonde d’un compositeur

dont la bipolarité consubstantielle au narratif qui l’écrase parfois de nos jours n’est point, ici, pathologie ou caricature, mais fructueuse source d’étincelles et, par force, d’incendies qu’il n’est pas indécent, pour une fois, de contempler avec

  • joie,
  • gourmandise et
  • ravissement.

Et dire que, en guise de bis, un bonus nous attend : chic !


Pour retrouver les précédents épisodes, cliquer sur 1, 2, 3, 4, 5 et 6.
Pour écouter gracieusement l’intégralité du disque, c’est ici.

 

Penser la mort, deuxième

L’affiche (best of)

 

Alors que l’Europe, poussée par les lobbies de l’armement, envisage de déverser des centaines de milliards de sesterces pour financer les industries de mort et détruire la vie des clampins que nous sommes pour complaire les salopards qui nous gouvernent, ma causerie sur (environ) vingt-quatre faits extraordinaires autour de la mort revient sur scène après une apparition au Théâtre-atelier du Verbe.
C’est vrai, on n’aime pas y penser, mais c’est un fait : quelque 600 000 Français meurent chaque année. Un beau jour ou peut-être une nuit, 100 % des êtres vivants feront de même. Le sketch de la mort dure depuis des milliards d’années environ. Pourtant, personne ne sait ce que c’est, la mort, bien que beaucoup – religieux, scientifiques, illuminés, artistes, philosophes, etc. – prétendent le contraire. Après avoir longuement plongé dans ces eaux noires à l’occasion d’une enquête au long cours, je suis remonté à la surface avec quelques éléments de réponse donc pas mal de questions que je trouve plutôt malin de partager.

 

 

Entre conférence très sérieuse et forme non identifiée, cette performance teintée d’un humour nécessaire et protéiforme s’adresse à tous. Doit-on le préciser ? apparemment, oui, elle ne vise ni à prosélyter – et hop – ni à lénifier mais à nourrir une réflexion sur ce qui nous attend tôt ou tard.
Sa durée d’1 h 15 devrait rendre la chose supportable, d’autant que quelques interventions fredonnées (featuring l’ami Jann Halexander, qui vient de publier Ornithorynque, son nouveau disque), laisseront, à intervalles joyeusement irréguliers, la parole s’enduire de musique et d’autres vibrations.

 

 

Le spectacle s’inspire d’un ambitieux projet éditorial cancellé au dernier moment mais updaté fréquemment et disponible en pdf ici. Les places pour la causerie peuvent être réservées . Sur place, s’il en reste à vendre, elles coûteront 15 € à tarif normal ou 10 € en tarif réduit (sans justificatif, on n’a pas à se justifier si on est chiche en fifrelins).
Rendez-vous mortel mais pas macabre le samedi 15 mars à 16 h à la galerie Grand merci, 14 bis, rue Coëtlogon, Paris 6 !

 

Irakly Avaliani joue Robert Schumann (2009) – 6/8

Première de couverture

 

Le Carnaval op. 9, commencé ici, poursuit ses secousses sismiques avec « Réplique », dialogue ternaire en sol mineur dont Irakly Avaliani met en lumière

  • les effets d’écho,
  • la légèreté et
  • la tension entre l’évanescence des doubles croches aux allures d’appogiatures et l’espèce de fatalisme qui, malgré des efforts d’élévation, entraîne la mélodie dans une marche descendante.

L’énigmatique et inattendu « Sphynx » donne à entendre les notes matricielles (celles

  • de SCHumAnn,
  • d’AsCH et
  • d’ASCH)

selon trois modes complémentaires :

  • dans l’ultragrave,
  • avec des cordes aiguës étouffées faisant sonner le piano comme un clavecin, et
  • auréolées d’une résonance magnétique.

« Papillons » garde deux bémols à l’armature mais passe en binaire et enclenche la surmultipliée « prestissimo ». La musique émerge des profondeurs avec

  • tonicité,
  • fluidité et même
  • explosivité.

Les « Lettres dansantes », enchaînées, poursuivent la cavalcade

  • en Mi bémol,
  • à trois temps et
  • encore presto.

 

 

Les notes

  • sautillent,
  • se bousculent et
  • se répètent

dans manière de ronde qui propulse « Chiarina », l’hommage à Clara

  • en mineur,
  • à trois temps et
  • « passionato ».

La valse se pare

  • de l’emphase des octaves,
  • de l’émotion des notes répétées et
  • du ressassement de la reprise qui envenime le propos.

Sans concession, l’interprète capture la vigueur de l’épisode en évitant la gnagnantise – le romantisme, ce n’est pas l’eau de rose, c’est la virulence pimentée des sentiments. Le portrait de « Chopin », un allegro en La bémol à six temps, égrène une mélodie simple sur des arpèges bavards de la main gauche.

  • La richesse de l’harmonisation,
  • la finesse des nuances piano obtenues par l’interprète, et
  • cette grâce schumanienne pour évoquer sans surligner

séduisent l’esprit plus encore qu’elles ne charment l’oreille. À suivre !


Pour retrouver les précédents épisodes, cliquer sur 1, 2, 3, 4 et 5.
Pour écouter gracieusement l’intégralité du disque, c’est ici.

 

Le retour de la nuit

Première de couverture (détail)

 

Plusieurs centaines de traductions ont suivi, mais celle-ci, c’était la première – et c’était donc une joie, un quart de siècle plus tard environ, d’en discuter en live YouTube avec Adrien, fan et fin connaisseur de « Chair de poule ».

  • Des extraterrestres,
  • des citrouilles,
  • de l’obscurité,
  • des enfants perdus :

autant d’ingrédients pour éprouver le plaisir du p’tit frisson et dévoiler des bribes du making of.  Certes, la vidéo s’adresse à ceux qui disposent d’un cellulaire plutôt que d’un ordinateur ; mais il paraît que c’est désormais chose bien établie dans ce monde, alors bonne écoute aux curieux !

 

 

PS : sans rapport, un petit message personnel pour « Armand » dit Dino le corbeau qui, tout en renseignant semble-t-il un faux courriel (ma réponse n’est pas parvenue à destination), a eu la douceur de m’envoyer un message. Objectif : me demander d’effacer toute mention de Fabrice Dupray sur ce site car cela « ferait tache », le zozo ayant jadis été condamné par Dame Justice.
Fabrice est un excellent trompettiste et non moins savoureux chanteur avec lequel j’ai travaillé joyeusement de longues années. Or, je ne pratique pas la cancel culture et suis plutôt indifférent non pas à d’éventuelles souffrances d’autrui mais, fussent-ils habillés d’un aimable compliment, aux

  • piapiapias,
  • délations, et
  • « conseils » aka pressions

qui me peuvent parvenir. Par conséquent, je n’effacerai pas mon ami Fabrice de ces pages web, ni ne cèlerai

  • le plaisir que j’ai eu de musiquer avec le gaillard,
  • l’amitié qui s’en est suivie et
  • le respect réciproque, je crois, que nous avons construit.

Peut-être une requête en réécriture trouvera-t-elle un écho plus favorable dans des institutions ayant davantage pignon sur rue, comme Sciences Po ou l’IMA ?

 

 

Irakly Avaliani joue Robert Schumann (2009) – 5/8

Première de couverture

 

Puisque, selon le narratif convenu, Schumann est Florestan et Eusebius, il ne faut pas s’étonner qu’écrire sur ses œuvres amène à dire blanc puis, avec la même fatuité, noir. Ainsi de ce Carnaval op. 9, sous-titré « Scènes mignonnes sur quatre notes » : il se fonde sur l’équivalent, selon l’échelle musicale, d’A-S-C-H, ville de naissance d’Ernestine, promise du compositeur et dédicataire du cycle. Sauf que les fiançailles ayant été rompues, le dédicataire a changé ; quant aux notes,

  • elles sont changeantes (la – mi bémol – do – si, mais aussi potentiellement la bémol – do – si),
  • leur nombre peut varier de trois à quatre, et
  • elles ne sont pas convoquées dans chacun des vingt épisodes.

Le préambule en La bémol, « quasi maestoso », n’en fait nulle mention. Irakly Avaliani y fait montre d’une vigueur non feinte qui se déplie ensuite au gré

  • de doigts déliés,
  • d’octaves sautillantes,
  • d’humeurs versatiles et
  • d’un brio technique qui permet à la musique d’advenir.

« Pierrot », en Mi bémol et relativement « moderato », ouvre le premier duo du cycle puisque « Arlequin » lui répondra juste après. L’interprète en rend l’oscillation de funambule par des contrastes

  • de nuances (ha, le mystère des piani avalianiens !),
  • de touchers et
  • de caractères

que les reprises amplifient. « Arlequin », en Si bémol, joue aussi sur

  • le déséquilibre donc le mouvement,
  • la volte-face donc la surprise,
  • l’espièglerie donc l’insaisissabilité.

Prolongeant la dynamique ternaire et la tonalité de Si bémol, la « Valse noble » se goberge

  • d’octaves délicatement phrasées,
  • d’arpèges brisés,
  • de chromatismes donnant de l’élan au mouvement,

dont l’interprète veille à souligner la savoureuse versatilité.

 

 

Le deuxième duo au programme s’ouvre avec « Eusebius », adagio dentelé que

  • des astuces rythmiques
    • (triolets,
    • quintolets,
    • septolets),
  • des mouvements internes
    • (changements de tempo,
    • agogique,
    • respirations) et
  • des trouvailles d’écriture
    • (accidents nourrissant le discours,
    • harmonies parfois dissonantes,
    • frictions rythmiques…)

ont le bon goût d’intranquilliser, et hop. Vaguement en sol mineur, « Florestan » revient à la pulsation ternaire pour exprimer ses

  • foucades,
  • emportements et
  • mouvements d’humeur.

Autocitation schumanienne incluse, Irakly Avaliani veille à associer

  • brusques mutations,
  • caractérisations poussées et
  • vision d’ensemble donnant à la pièce une cohérence non pas en dépit de sa pusillanimité mais, paradoxalement, grâce à elle.

« Coquette », toujours ternaire, toujours avec deux bémols au compteur mais en mode majeur, dépeint musicalement un personnage

  • mutin,
  • suggestif et
  • alerte.

L’interprète nous délecte avec

  • la légèreté de sa dextre,
  • la pertinence de sa senestre tour à tour étouffée et claquante, ainsi que
  • la clarté virevoltante de ses phrasés.

À suivre !


Pour retrouver les précédents épisodes, cliquer sur 1, 2, 3 ou 4.
Pour écouter gracieusement l’intégralité du disque, c’est ici.