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Pouët-pouët

ORGUE ET TROMPETTE9 h 30 : messe à Notre-Dame des Champs (Paris 6).
11 h : messe à Notre-Dame des Champs.
16 h : concert à la Chapelle de l’Agneau de Dieu (Paris 12, sortie de Gare de Lyon).
19 h : messe à Saint-André de l’Europe (Paris 8).
Ne pas inverser les églises, ne pas inverser les églises, ne pas inverser les églises. Prions donc, mes frères, et au plaisir de vous croiser, par exemple à 16 h !

Mon côté agriculteur enfin révélé

Orgue NDDCCe week-end, je joue sur le Cavaillé-Coll de Notre-Dame des Champs (75006), en remplacement de Yannick Merlin, grâce à Maris Podekrat qui me remplace à Saint-André de l’Europe (75008) et Mathieu Lours qui me remplace à la collégiale Saint-Martin de Montmorency (Val-d’Oise). Pendant ce temps, je crâne devant mon propre ego. Merci, collègues.
NDDC

Moi, mes souliers…

Chausses orgueSelfie de mes chaussures (“shoofie », donc) à l’occasion de leur première messe comme titulaires exclusives de l’orgue de Saint-André de l’Europe. Pendant ce temps-là, sur les claviers, Zakouski, le nérisson trouvé dans un placard, fait le con. Pas encore professsssionnel, mais ça viendra.
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Marie-Paule Belle, La Nouvelle Eve, 26 janvier 2015

MPBCAB

Le concept : après quarante-cinq ans de carrière, les artistes survivants ont parfois l’élégance d’avoir la peur de s’enfermer dans un musée chantant, sorte de juke-box déversant leurs succès en chevrotant. Marie-Paule Belle, elle, prend le problème à bras-le-corps – pas celui du chevrotage, laissons cela à Charles Aznavour, momie consternante dont seule la télévision publique s’obstine à ne pas constater le décès. Quatre ans après son dernier disque produit en crowdfunding, “MPB” était sur la scène du cabaret protéiforme La Nouvelle Eve, qui associe revues et spectacles du désormais médiocre Élie Semoun, par ex. Elle y donnait trois représentations d’un nouveau spectacle piano-voix intitulé “comme au cabaret”. La deuxième date était bien remplie sans être, ô surprise, complète en dépit de soldes de dernière minute. Le prix abusif des billets, 38 € en placement libre, peut sans doute expliquer pour partie cette incongruité.
Là qu’on sert : pour une fois, avant d’évoquer le concert, signalons l’excellent accueil réservé aux spectateurs par le cabaret au décor aguichant – étoiles et angelots au plafond, tentures, tables et chaises rouges à souhait, scène lumineuse. De fait, nous avons apprécié l’ouverture des portes trente-cinq minutes avant le spectacle (juste quand il commençait à pleuvoir sur des fans déjà au taquet), le sourire au contrôle, l’absence de pantalonnade sécuritaire sur le thème “montrez-moi vos sacs non je regarde pas c’est juste pour faire semblant”, et la non-traque de nourriture voire de boisson alors que le cabaret commercialise du liquide à des prix prohibitifs – si, 8 € pour un Coca, ça commence à fleurer sec le prohibitif. Cet accueil accueillant, inattendu au vu de la concurrence, offre une image conviviale et positive de cette salle de spectacles.

Marie-Paule Belle vue par Josée Novicz.

Marie-Paule Belle vue par Josée Novicz

Le concert : encadré par un incipit et un envoi chantés, joliment tournés pour l’occasion – ce seront quasi les seuls inédits du tour de chant –, le récital s’appuie sur trois piliers – les chansons “obligatoires car trop connues”, les reprises moins attendues, et de petits intermèdes parlés qui tissent un fil rouge narratif. Ainsi la chanteuse joue-t-elle la carte du métatexte et du concert en miroir : “comme au cabaret”, elle s’adresse au public, l’invite sporadiquement à chanter avec elle, explicite ses rares sautes de mémoire, associe chansons de son répertoire et covers d’illustres anciens ; mais, à l’image de son domicile faisant face à ses débuts (“j’habite 7, rue Jacob, en face de là où était le cabaret de l’Échelle, vous pourrez venir en pèlerinage”), elle revient aussi sur ce qu’est, selon elle, un spectacle “comme au cabaret”. Cette explicitation du concert est l’occasion de narrer son épopée par petites touches, de décliner ses préférences chansonnistologiques et de faire glousser la salle. De la sorte, elle crée un spectacle original, alors que l’on pouvait craindre la simple resucée d’une set-list connue de tous (ce qui n’aurait déjà pas été si mal). La finesse de cette réalisation, faussement “à la bonne franquette”, est un des signes du talent éclatant de Marie-Paule Belle.
Le répertoire qu’elle interprète est un autre signe de ce talent. Dans la tradition des cabarets de la rive gauche, Marie-Paule Belle associe trois types de chansons : les chansons d’antan (comique troupier façon Gaston Ouvrard, Yvette Guilbert, Harry Fragson…), les chansons de collègues (Jacques Brel et ses chansons pas-toutes-si-célèbres, Jean Arnulf et son “Point de vue », Barbara et son “Dis, quand reviendras-tu” pris avec un optimisme inattendu, Marcel Mouloudji et son “Un jour, tu verras”, Guy Béart et son gréciste “Il n’y a plus d’après à Saint-Germain-des-Prés”) et les créations dont elle a écrit texte, partie de texte ou, au moins, musique. Dans cette dernière catégorie, le choix est à la fois large et limité. Large puisque longue carrière jalonnée de disques originaux. Limité car, en sus des reprises, souhait de ne pas frustrer le public qui “n’est venu que pour celles-là” : “La Parisienne”, “Nosferatu”, “Wolfgang et moi”, qu’elle réussit à chaque fois à chanter comme si elle cherchait à remotiver ces hits d’une mimique ou d’une intonation nouvelle… Pourtant, la chanteuse réussit à glisser un étonnant “Chopin en jazz”, savoureux et inédit à souhait, et des chansons de son dernier album, signées en l’espèce de la nullissime parolière Dominique Walls, incluant “Celles qui aiment elles”, la moins pire des gnangnans grâce à la délicatesse de la mélodie, très simple, dénichée par l’artiste ; “Les asphodèles”, qui copie-colle les codes des Brinvilliers ou de l’après-midi d’été chaud, très chaud, pour parler de jardinage donc de masturbation (quel dommage que pas de vraie chute puisque retour du refrain non modifié !) ; et “Assez”, lamentable chougnerie contre les violences conjugales et la lapidation (faire rimer “Cécile” et “ses cils”, pfff). Quel contraste avec les qualités qui irradient du reste du répertoire ! D’autant que l’art de mélanger les chansons pour chanter à la fois ce que le public veut et ce qu’elle-même veut est un troisième signe du talent sempervirens de Marie-Paule Belle…
La représentation : bateleuse hors pair, interprète sans égal, vocaliste séduisante (même si, à force de craindre pour ses aigus, elle finit par les fragiliser, alors qu’elle possède une large tessiture très assurée), l’artiste fait passer la faiblesse de certaines chansons par le plaisir de la nouveauté (après tout, le dernier album de Ricet Barrier ou celui d’Anne Sylvestre n’était guère justifiable que par ce petit plaisir-là) et, surtout, par l’énergie qui se dégage de sa set-list. Devant tant de maîtrise, on apprécie même son authenticité, absente des récitals trop mécaniques, quand les premiers “trous” apparaissent. Or, quiconque a un peu fredonné en public sait que, le plus difficile, ce n’est pas la gestion du blanc, puisque l’on peut en parler et en plaisanter ; non, le pire, c’est la pression que cette saute de concentration met pour les chansons suivantes. Ne plus oublier, ne pas trop bégayer, ne pas s’emmêler sur les prochains “gros passages”… Marie-Paule Belle affronte elle aussi ces défis, avec le métier et l’aisance que permettent une rouerie consommée et un public extatique, même si la gestion des admirateurs n’est pas si aisée. En effet, les spectateurs associent à la fois des réactions d’amateurs de chansons (applauses qui savent se taire au bon moment, interpellations limitées, écoute attentive) et des meuglements de fans écervelés semblant rêver de se reconnaître sur un disque live. Là encore, Marie-Paule Belle parvient à mêler bienveillance et ironie pour “tenir” sa salle… et finir, fait rare pour une chanteuse “à textes”, même star émouvant les nostalgiques, par toucher les mains des spectateurs, entre vieux et folles, lors du dernier salut.
En conclusion, malgré les attentes très élevées que suscite tout récital piano-voix de Marie-Paule Belle, l’artiste séduit une fois de plus. Voix sûre, spectacle original où son répertoire de création est expulsé en périphérie comme un sublime prétexte, savoir-faire hors pair, styles variés, humours protéiformes, liberté de choix et élan musical intact : on dirait bien “chapeau”, si la chanteuse n’avait expliqué qu’elle avait gagné une émission ainsi nommée, où l’on coiffait d’un chapeau les interprètes que n’appréciaient pas les téléspectateurs. Alors, soyons simples et estimons que “bien ouèj, MPB” fera l’affaire.

Le Sorelle Macaluso d’Emma Dante, Théâtre du Rond-Point, 21 janvier 2015

LSMY a-t-il une limite entre la vie et la mort ? En faisant tournoyer sur scène les sœurs Macaluso, leurs parents et le fils de l’une d’elles, sans distinction entre défunts et survivants, Emma Dante, vedette du théâtre palermitain, postule que non. Et pourquoi pas ?
L’histoire : une flopée de frangines se retrouve alignée sur scène. On distingue la petite chouchoute qui pirouette et chante avec papounet, celle qui s’use la vie à s’occuper de la simplette, donc la simplette qui mord au besoin, l’aînée qui aurait tant aimé apprendre à danser, celle qui est morte dès son premier bain dans la mer pour avoir voulu rester la dernière sous l’eau (du coup, c’est réussi, comme disait le squelette qui fut un enfant jouant à cache-cache dans une huche à pain), la grosse qui enrage peut-être parce qu’elle fut envoyée en pension, celle qui a eu un enfant cardiaque et l’a peut-être laissé mourir en rêvant qu’il soit Maradona (au moins pour qu’il lui foot la paix le temps qu’elle regarde la télé)… Il y a aussi l’enfant cardiaque, dont les convulsions vont envahir la scène, le père qui débouchait les chiottes des discothèques pour vingt euros, et la mère, rassurante et positive, peut-être parce que morte “trop tôt” pour s’occuper des gamines, mais qui valsera avec le père jusqu’à extinction de la pièce – pour rien, comme dans la très belle chanson d’Allain Leprest. Jusqu’à ce que l’aînée-qui-rêvait de-danser comprenne que, si vivants et morts sont tous là, c’est pour son enterrement. Alors, se dénudant, elle revêt un tutu et danse ; et meurt la pièce.
Le spectacle : réunissant les trois clichés inévitables – apparemment – du théâtre BCBG contemporain (homme habillé en femme, actrice à poil, pas de décor), Le Sorelle Macaluso tente de raconter une histoire trouée en s’offrant la liberté de la ressouvenance – rires de gamines, disputes d’adultes disparus, invocations de morts dont l’habit final signale le trépas, bousculades, passages sans paroles, retours au réel, secousses dans la logique analeptique, etc. Entre mouvements chorégraphiques, silences, bruits, jacassements pénibles car trop longtemps trop sonores, Emma Dante joue avec le rythme, le distendant dans de longs surplaces avant de repartir vers un nouvel épisode plus ou moins clairement rattaché au précédent, puis s’attardant sur des scènes d’agonie ou de suffocation. Curieusement, la salle – pleine, en partie de scolaires – rit souvent très fort à des passages qui n’ont, en apparence, rien de drôle. Façon – un brin surprenante – sans doute d’appréhender la narration sciemment disjointe par une réaction censée masquer une manière d’incompréhension. Pourtant, c’est dans ces moments de saute, de merveilleux, de distension, autrement dit d’incompréhensible, que le show protéiforme touche le spectateur. Grâce à certaines trouvailles des comédiens, en dépit de tunnels décevants ou de facilités farcesques qui font plus cordage que ficelle, la pièce parvient presque à faire oublier une musique emphatique, redondante, lourde, avant que cette pénible onde sonore en forme de Stabylo-Boss grandiloquent finisse par asphyxier la tension dramatique – ce ratage regrettable ne semble pas signé dans le programme remis aux spectateurs, tu m’étonnes.
En conclusion : richement doté par la Commission européenne, coproduit par moult scènes européennes et diffusé un peu partout en dépit de sa langue associant italien et palermitain (sous-titres perclus d’un nombre impressionnant de fautes d’orthographes – rappelons qu’il n’y a pas d’espace après l’apostrophe, par ex.), ce spectacle est assez bref (1h10′) pour ne pas harasser le spectateur. On se laisse donc séduire, sporadiquement, par l’astucieuse manière qu’a Emma Dante de mêler narration et béance explicative, logique et poésie, théâtre et danse, soli et mouvements d’ensemble, etc. On apprécie particulièrement sa façon de substituer au récit verbal le corps dramatique (danse, costume, jeu avec la lumière). Mais on ne peut qu’être déçu par l’incapacité de l’auteur à subvertir des topoi surannés (obscénité, croix, travestissement, bande-son au premier degré), ou à en tirer une substance moelleuse, à défaut de substantifique moelle, dont on puisse percevoir la saveur. Sortir de ce spectacle original avec un avis mitigé paraît alors une posture raisonnée ; partant, quoique ni Normand, ni toujours raisonnable, c’est celle que nous avons adoptée.