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Cyprien Katsaris (2/2), « Transcriptions de Karol A. Penson », Piano 21

Cette notule critique devait être la deuxième livraison d’une trilogie sur la transcription aujourd’hui. Ce sera la première, l’artiste sévissant dans l’autre disque nous ayant demandé de ne rien publier avant le 2 mars, jour de sortie. Tant mieux pour le suspense, supputera-t-on (laveur).

La transcription, les transcriptions

Le disque des transcriptions de Karol A. Penson jouées par Cyprien Katsaris sera l’occasion d’interroger le cadre de cet exercice critique : que jauge-t-on quand on entend une transcription ? La fidélité à l’œuvre liminaire ? La créativité du transcripteur ? La virtuosité qu’elle exige de l’interprète ? La musicalité du rendu final ? La variété des sources transcrites ? Sans doute avons-nous un penchant pour les trois dernières hypothèses ; et c’est plutôt opportun, puisque les goûts éclectiques de Karol A. Penson le poussent à malaxer des pièces parfois tubesques (« Recuerdos de la Alhambra » de Francisco Tárrega, parfait pour tester la réactivité des marteaux d’un clavier !) ou presque (« Zueignung » de Richard Strauss, où l’on remercie une fille parce que « l’amour rend le cœur malade », c’est devant des fleurettes de ce style que l’on se dit que l’on a mal vieilli, bref) mais, souvent, plutôt obscures pour le mélomane inculte que nous sommes (Yuri A. Shaporin, Witold Friemann, Zygmunt Noskowski, ça ne me sonnait guère de cloches…). Dans un entretien entre l’interprète – lui-même transcripteur, comme on peut le voir ici – et le transcripteur, Karol Penson en rend raison selon trois axes : l’envie de jouer, donc la nécessité de transcrire, des pièces qui lui trottent dans la tête ; les goûts personnels (pianiste, il aime le répertoire pour guitare) et le hasard qui l’amène à découvrir des partitions rarement ouïes ; et le souhait de prolonger la tradition romantique de la transcription pour piano, sans la réduire à la « transcription salonnarde » jouable par n’importe quel amateur.

L’histoire, les histoires

L’entretien que contient le livret est aussi l’occasion pour Piano 21 de poser un joli storytelling lié aux « grands amateurs », ces musiciens de niveau exceptionnel qui ont choisi un autre métier que musicien. En effet, Karol Penson, dit la petite histoire, est « professeur de physique théorique à l’université Paris-VI et lauréat du Prix franco-allemand Alexander von Humboldt ». Cerise sur l’anecdote, il n’a écrit ses premières notes qu’à cinquante et un ans ! Dans l’entretien, l’homme rappelle par modestie que maths et physiques de haut vol ont toujours fait bon ménage avec grande musique. On pourrait se demander s’il ne s’agit pas plutôt d’un compagnonnage, lié à la reproduction sociologique pointeraient les adorateurs de Pierre Bourdieu, entre élites universitaires et grande éducation, laquelle incluait classiquement la pratique poussée de la musique. Ne raconte-t-on pas encore l’histoire de ce vieux prof de droit moqué par ses étudiants le jour où, devant faire cours dans un amphi de Paris-II dans lequel traînait un piano en vue d’un concert proche, il se fit accueillir par des : « Une chanson ! Une chanson ! » Grommelant, il se mit au piano en surjouant la mauvaise grâce… et fit taire les freluquets de bonne famille en donnant un récital aussi impromptu qu’échevelé. Ainsi cette tête chenue signa-t-elle son entrée dans la légende, c’est-à-dire des histoires qui méritent d’être lues, par opposition aux camelotes et à leurs camelots.

Cyprien Katsaris et Karol A. Penson

Les disques, le disque

Confortant le croustillant et prestigieux pedigree de l’arrangeur, le disque, qui s’appuie sur une base de transcriptions préalablement éditées sous le titre de « Piano Rarities », se promène dans la diversité des transcriptions produites par Karol A. Person, grâce à l’aisance digitale que l’on reconnaît à Cyprien Katsaris. Le propos est essentiellement tourné vers la musique romantique et post-romantique, avec quelques exceptions allant d’un bout de choral tel que rhabillé par Bach (« Ruht wohl, ihr heiligen Gebeine », d’après la Passion selon saint Jean… et une première transcription d’Arthur Willner) jusqu’au « Chôro da saudade » d’Agustín Barrios Mangoré. Les inclinations du transcripteur ne sont cependant pas monochromes.  On laissera les pointilleux vérifier si « Nell » de Gabriel Fauré paraît, au disque, aussi difficile à jouer qu’elle l’est, à en lire son interprète, pourtant pas à une difficulté près. Quant à nous, nous nous sommes pourléché les esgourdes, entre autres, grâce au jazz triste de « Dla zasmuconej » (Mieczysław Karłowicz), à  l’interrogation inachevée que chante le « Nightingale » de César A. Cui, à l’exotisme tempéré des « Adieux de l’hôtesse arabe » (WD 72) de Georges Bizet qu’il faut des trésors de doigté pour laisser chanter, à l’envoûtement harmonieux de « Damunt de tu nomès les flors » de Federico Mompou, à la légèreté virevoltante de l’Allegretto tranquillo issu de la Sonate op. 13 n° 2 d’Edvard Grieg, à la liberté apparente qui enveloppe la « saudade » selon Barrios Mangoré, et à la solidité granitique du choral déclamant : « Reposez en paix, ossements que je ne continue pas à pleurer » – clairement, on n’est pas à la fête à Neuneu, avec cet oxymoron protestant tendant l’arc entre l’affliction devant la fatalité macabre et l’espoir, ressassé à outrance, comme pour croire, par l’effet hypnotique du mantra, au si improbable paradis.

Le bilan

« Karol A. Penson, Transcriptions », disponible dès le 9 février, est un disque qui s’entend, s’écoute et se réécoute avec intérêt et plaisir, association pas si fréquente. Certes, pour les enregistrements les plus récents, on retrouve par endroits les parasites signalés dans l’enregistrement précédemment recensé, ce qui est logique puisque les pistes concernées ont été captées lors de la même séance à Saint-Marcel (7, cliquetis sur le clavier, voir par ex. 0’14 à 0’16, ou 19, 1’13, etc. ; 14, grincements du siège, voir par ex. 2’47). Mais ces signes de vie, assez rares pour être bénins, n’enlèvent guère à la performance du pianiste, à l’ambition du transcripteur et à l’originalité d’un label qui ose commercialiser une monographie, certes inédite pour partie seulement, de transcriptions signées par un musicien peu connu. En somme, une curiosité qui surpasse l’idée de curiosité et se conseille sans ciller.

Jann Halexander, « À nos tendresses : Pauline Julien », rue Marc Seguin, 31 janvier 2018

Jann Julien et Pauline Halexander. Photo : Rozenn Douerin. (Avant, y avait une photo beaucoup plus mieux meilleure, mais l’artiste se trouvait horrible dessus. Comme on est sympa, parfois, voilà une alternative.)

Il faut toujours se méfier des adieux, leurs « jamais » vibrent souvent d’un « peut-être » comme le stipule parfois Joaquín Sabina en introduction de « Nos sobrán los motivos ». Un exemple ? Après un « dernier concert parisien », suivi de quelques autres, Jann Halexander revient à Paris pour préparer, dans l’intimité d’un concert privé, un nouveau projet autour de la figure de Pauline Julien.
Rappelons-le, Jann Halexander est un mulâtre. De peau, d’art, de cœur. C’est donc par « Le mulâtre » qu’il aborde son tour de chant où, aux couplets et refrains qu’interpréta « la Pauline », répondent ses propres fredonneries. Ce mélange construit la problématique et donne sa perspective à la performance. Et la question est : qui, ici, est l’étranger ? Le Franco-gabonais qui vécut à Ottawa et chante une Québécoise, ou les pièces chantées jadis par Mme Julien, pépites crépitantes plongées dans la pâte musicale du « local de l’étape », Mr Jann Halexander ? Ainsi, entre « Mulâtre » et « Étranger », le récital pose-t-il d’emblée la question de l’étrangeté, de son ontologie (l’étranger est-il étranger par sa nature, sa position ou son regard ?), de sa friabilité (est-on étranger à vie ou sait-on se désétrangéiser, fût-ce malgré soi ?), de sa désirabilité (l’étranger n’est pas que celui dont on a peur, c’est aussi celui qui nous grandit quand on l’accueille ou qui nous paraît formidable car différent, etc.) et de son indissolubilité (c’est quoi, le contraire d’un étranger ? un autochtone, vraiment ?). Le choix d’interpréter une interprète – Pauline Julien a beaucoup chanté les chansons des autres – est, lui aussi, une étrangeté : Jann Halexander ne chante pas un auteur-compositeur ; il restitue, partiellement, sans quête d’exhaustivité ou de pédagogie (ouf), sans ton mielleux rentabilisant la gloire passée de l’ex-vedette québécoise, un univers protéiforme où, aux paroles de Pauline Julien, se substituent souvent les paroles d’autres artistes, toutes posées sans façon sur le pupitre du piano, à la façon d’un prompteur acoustique cher à Jann Halexander. Or, ces artistes étrangers au duo Jann Julien nous séduisent aussi, nous déséquilibrant avec bonheur et nous renvoyant à nos propres errances, comme quand nous hésitons entre déménager, quitte à devenir un étranger, ou rester là, quitte à s’y sentir parfois si étranger (Ducharme/Charlebois).
Dans ces conditions, le doute joyeux de la musique partagée se distille dans l’esprit des spectateurs. Ce récital fond dans une même bouche les mots chantés par Pauline Julien et ceux fomentés par Jann Halexander, mais il questionne de la sorte notre impression d’être ou de voir des English men in New York. D’ailleurs, comment former une communauté avec nos semblables, ces gens aussi répugnants que nous, même si tous nos p’tits secrets n’ont « aucune importance, quoi qu’on en pense » ? Comment accepter de passer ensemble à table (ou d’aller ensemble au concert) quand on risque d’avoir un migrant dans son assiette (ou d’en croiser en sortant du récital), ainsi que dénonce dans une autre pièce le chanteur ? Les réponses se dérobent, malgré l’engagement d’hymnes seventies. Ainsi, doit-on encore rêver, sur une musique de Jacques Perron, d’un monde où il n’y aurait plus d’étranger ? Faut-il se réjouir que « les gens de couleur » soient des gens dénués d’extraordinaire – nous serions donc tous étrangers les uns aux autres et semblablement médiocres ?
La tension est assumée et parcourt le choix effectué  dans les vastes répertoires de Pauline Julien et de son interprète, que l’on sent à l’aise, seul au piano, dans sa set-list bien pensée.  Pas étonnant que l’artiste renonce à expliciter son amour du public en omettant son traditionnel bis en forme de déclaration d’amour – verbaliser l’effusion, ici, serait peut-être dissonant. Car, oui, amateur de sirop parfum barbe à papa, abandonne ici tout espoir : ici, on chantera l’amour universel, pourquoi pas, mais en revendiquant une étrangeté choisie, en l’espèce celle de l’indépendance nationaliste que « Le temps des vivants » de Gilbert Langevin exige contre « la prudence des troupeaux ». De même, le penchant étonné d’une « âme à la tendresse » est admissible mais il s’accompagne de la crainte de n’avoir plus rien à se dire, hormis la drôle de colère façon Anne Sylvestre, tonnant contre la connerie médiatique (« Dis-moi Pauline ») des journaleux prompts à se laisser fasciner par l’étranger qu’est ben fun vec ses hivers pis son accent exotique (pourtant pas la spécialité de Pauline Julien…), au détriment des locaux qui sont, pourtant, pas tous si pires quoi qu’ils viennent d’Alsace ou du quinzième, les tarés.

Sous le regard de Pauline et d’Amélie. Photo : Rozenn Douerin.

En somme, « À nos tendresses », judicieusement ramassé, est une invitation à, encore une fois, faire des vagues en s’émouvant devant des chansons que le temps patine ou happe dans sa danse légèrement vertigineuse. De la sorte, avec Gilles Vigneault, même si chacun se lève avec son étoile, nous veillerons à ne pas trop nous éloigner les uns des autres, tout en nous éloignant un peu quand même. Oui, nous « essayerons d’apprendre à revenir mais pas trop tard » ; cependant, il est juste et bon, parfois inspirant, de rester ce que Mama Béa Tekielski présente comme « d’étranges frères étrangers » dans le sublime « Visages ». Ce 31 janvier, pour peaufiner son spectacle dont la première est prévue le 9 mars à l’Atelier du Verbe, l’artiste avait réuni des étrangers qui entendaient de concert la voix de Pauline Halexander avant de retourner à « leur solitude encore » (Langevin / Cousineau). Ce n’était plus que du Julien, c’était plutôt du Halexander, et, vingt ans après un suicide désespéré, ce prolongement est, étrangement, joyeux.

Yves Henry, « Chopin : les années Nohant », Soupir éditions


Jadis, « Les années Nohant, 1839-1846 » fut un livre-disque. Désormais libéré de sa gangue textuelle, le travail d’Yves Henry, reconstituant six étés de compositions chopiniennes, revient sous forme d’un coffret de quatre disques disponible dès 29 € sur fnac.com et dès 25 € sur la marketplace d’amazon.com, par ex. L’occasion de faire revivre une série de grands enregistrements, réalisés entre 2004 et 2008, à travers le disque, donc, mais aussi à travers des concerts (comme à Villabé fin 2017) et des émissions de radio (comme avec le pénible sucré de service, aka Olivier Bellamy, le 12 janvier 2018, où Yves Henry le pédagogue bienveillant que nous applaudîmes tantôt, insiste, entre deux bêlements du mielleux, sur trois points : les genèses biographiques des œuvres, le rôle des pianos et l’importance de la transcription).
Soyons clairs : ce quadruple disque, porté par un Fazioli de folie et une remarquable prise de son de Joël Perrot, patron de Soupir éditions, soutenue aux trois quarts par la célèbre acoustique de l’église évangélique Saint-Marcel louangée (sans surprise) ici, est formidable pour trois raisons. Un, Yves Henry est un interprète aux moyens techniques hors normes ; deux, c’est un connaisseur superlatif de Chopin en général et de Nohant en particulier ; et trois, il sait transformer sa connaissance et sa jouissance pédagogique en musique. Ainsi admire-t-on le musicien pour… pour quoi, d’abord ?
Pour sa capacité à faire chanter la mélodie même quand pullulent les notes, fussent-elles contradictoires (« Nocturne » n°2 op. 36).
Pour sa conduite cohérente du flux diégétique (« Marche funèbre » de la Sonate n° 2 op. 35 en ABA).
Pour sa facilité à dérouler les pièces avec doigts (« Scherzo » n°4 op. 54), toujours dans la légèreté mais sans rechigner parfois à l’ivresse de la résonance (« Ballade » n°4, op. 52).
Pour sa triple marque de fabrique : clarté du discours (« Prélude » op. 45), autorité face au clavier (« Fantaisie » op. 49), et sensibilité sans affèterie même dans les tubes (« Polonaise » n°6 op. 53, « Valse » n°2 op. 64 pour conclure le coffret).


Sur un répertoire joyeusement rebattu, ici présenté autour d’une problématique géographique, Yves Henry démontre ou, plus chic, fait démonstration de son art interprétatif, qui va bien au-delà de son statut de patron du festival de Nohant. Pour s’assurer que je ne cire pas les pompes d’un produit il est vrai reçu en envoi presse, il faut, certes, entendre la délicatesse du premier « Nocturne » op. 55. Car le musicien peut autant éblouir par ses envolées digitales (brève « Valse » n°1 op. 64 : comment fait-il pour obtenir ce son si discret et pourtant si nourri à gauche et cette délicatesse perlée à droite ?) que happer l’auditeur dans son piano fascinant sans virtuosité extravertie (« Nocturne » n°2 op. 62). Surtout, il faut ouïr le souci de caractérisation narrative dans les œuvres plus longues (sonates 2 et 3, laquelle devient presque intéressante de bout en bout, finale compris, tant Yves Henry met de cœur dans le rendu des nuances et des dynamiques) et la singularisation spécifique à chaque pièce livrée en trilogies (mazurkas et études).
Dès lors, devant un tel coffret réédité à petit prix, on ne peut guère critiquer le soin médiocre apporté au détail du package, comme souvent pas vraiment au niveau du contenu. On regrette par exemple un dos perfectible (débord de la première de couv sur cette partie), la relecture imprécise (par ex. : guillemets de fermeture ouvrant la ligne 8 de la p. 2 ; ou itals, tirets et caps aléatoires p. 9), de nombreuses fautes d’orthographe (comme « Festival qu’y si déroule chaque été », p. 3 ou « bien sur » p. 10), des enchaînements souillés dans le livret (pp. 8-9), et un texte d’Irena Poniatowska qui, après un début instructif, dérape vers la distribution de bons points « géniaux » à l’intention d’un compositeur qui n’a pas besoin de ces flonflons lourdauds pour convaincre de son intérêt. Cependant, ces méchants détails restent, précisément, des détails, prouvant ainsi que leur nom leur tombe plutôt bien aux entournures. En effet, les parts les plus importantes, id sunt la prestation artistique et la réalisation sonore, sont, elles, autant que nous les puissions jauger, à la hauteur d’un interprète exceptionnel au service d’une œuvre forte dissolvant dans l’exigence de son talent les caricatures stéréotypées et les histoires de fesses auxquelles renvoie souvent le concept réducteur de George Sand. Bluffant et chaudement recommandable.

En attendant Valérie Capliez…

Laura Sarubbi et Salvatore Pronestí. Magnifique photo : Rozenn Douerin.

Komm Bach prétend être le plus petit festival international du monde, et il le prouve. Après la venue de la suprême soprano si américaine Jennifer Young et du merveilleux virtuose so british Peter Bannister (ouais, le même jour, mais ça swagait alors ça passe), ce samedi 27 janvier permettait d’applaudir nos invités italiens.

Laura Sarubbi et Sakvatore Pronestí vus du public. Photo : BF.

Des fous. Disons-le d’emblée. Trois jours in situ de registration, répétition et… accord des anches, Salvatore Pronestí étant à la fois organiste et facteur d’orgue. Et toujours le même sourire, la même motivation, la même exigence professionnelle couplée à la même attention aux autres.

Accueillir des artistes de passage aussi motivés, c’est recueillir des confidences, dont certaines restent à la tribune, d’autres pouvant souplement circuler – comme cette émotion de Laura Sarubbi avouant que « son vrai amour, c’est l’orgue ». C’est partager des moments avant les répétitions, après, avant le concert, pendant, after. Et constater la constance de ces personnalités passionnées de musique, peu troublées par la hhhaine que tel ou tel confrère peut professer à leur encontre. Et, surtout, goûter un concert formidable.

Salvatore Pronestí entre ses deux drôles de fans. Photo moche : BF.

Le 27 janvier, entraient trois ingrédients dans le clafoutis de ce récital à quatre et huit pattes. Des pièces pour virtuose (Bach, la sixième de Mendelssohn et les « Litanies » de Jehan Alain, donc, sans que je n’y sois pour rien, including deux des compositions que je kiffe et qui exigent des doigts et du talent), des pièces pour créatif (improvisations, dont une sur Verdi, dont on regrettait l’anniversaire de la mort) et des marches symphoniques pour processions italiennes transcrites à vue (sinon, c’était trop simple).

Comme ça ne suffisait pas, les deux fous ont demandé de pouvoir jouer un bis. En effet, le 27 janvier étant la journée de la mémoire, ils ont proposé de jouer le thème principal de La Vie est belle. Émotion et enthousiasme. Grand moment. Merci aux présents. À eux et aux absents, rendez-vous le 10 février pour le prochain récital d’une énergumène, Valérie Capliez, délicieuse organiste, figure de l’instrument et personnalité atypique. C’est assez pour que l’on soit triste si vous ne vous faufilez pas par ici en tanzé aneur pour la plodir.

Daniel Kientzy (2/3) joue Cornel Ţăranu, Nova-musica


Depuis 1986, Daniel Kientzy travaille régulièrement avec des ensembles roumains, ce dont témoignent plusieurs disques, aux pochettes parfois quasi identiques, comme pour souligner la continuité du boulot entrepris. En 2017, en sus du projet « Hammond » chroniqué tantôt, est ainsi parue sur son label une monographie constituée par quatre compositions de Cornel Ţăranu. (Constituée de ? Constituée par ? Oh, pis mârde.) En voici quelques aperçus.

Diferencias pour sax baryton et orchestre (15’)

Concerto ou batalla ? La composition qui ouvre le disque raconte une histoire sanglante où les différences feutrées s’effacent derrière des dialogues résolument virils. Sur un motif rythmique sans cesse dupliqué, la musique se déploie, se cherche, s’emballe, s’éteint puis ressurgit dans des barrissements de sax baryton (des baryssements ?). L’instrument se risque petit à petit dans des galopades mourant dans un tapis de cordes. Surnage alors une clarinette basse qui ouvre la voie à une citation fuguée de Antonio de Cabezón, dont les diferencias sont fameuses. Le saxophone proteste contre cette intrusion. Alors, par grappes, l’orchestre commente les interventions du soliste. Aux deux-tiers du concerto, Cabezón est de nouveau convoqué, mais sa citation est ponctuée par des explosions que prolongent des gémissements saxophoniques. Le tempo en vient à se déliter, et le sax profite du retour au calme pour insuffler un début de tempête, nuance piano. Le souffle agite l’orchestre, avant que le motif liminaire zèbre cette harmonie jusqu’à transformer le baryton en didgeridoo grinçant. Plus personne ne rétorque. L’orchestre reprend par à-coups, et le baryton va chercher dans les aigus une réponse à cette quête initiale – celle qui prend fin mais ne se résout pas.

Hommage à Bartók pour sax sopranino
et quintette à cordes (9’30)

Sur une cellule évoquant, selon le compositeur, « l’anagramme de BELA », le deuxième morceau, pourtant de quinze ans antérieur au premier, travaille une rhétorique proche de Diferencias : ressassement d’un motif reconnaissable, soli ponctués par l’orchestre, rhapsodie de moments distincts, usage rare mais caractéristique du saxophone comme percussion, utilisation sporadique du silence pour couturer la trame. Ici, cependant, sous la direction du compositeur, le quintette, plus sobre et souvent à l’unisson pour ponctuer l’élégie du soliste, aime à jouer les extrêmes, dans l’aigu ou dans la nuance douce. Les amateurs de mélodie passeront leur chemin, mais les auditeurs qui aiment qu’un morceau leur raconte une histoire afin de récompenser leur attention goûteront ce récit drrramatique aux accents modaux ouvertement transylvaniens.

Semper idem pour sax soprano et alto,
avec orchestre (17’)

L’œuvre la plus récente (2015), présentée comme une forme sonate, chère au compositeur, s’inscrit dans la continuité des éléments de langage exploités et explorés jusqu’alors. Au soliste, armé de deux saxophones et de sa voix, c’est pas rien, répond un orchestre hésitant entre des accents répétés, un tapis de cordes, des échos de cuivre, des reprises du leader, le tout s’impatientant dans un labyrinthe semblant semper idem. Cristian Brâncuşi est à la baguette pour guider les tensions oppressantes promises par la partition. L’inquiétude et les brisures du discours, auxquelles font écho des battements de timbales, plongent l’auditeur attentif dans l’exploration d’un monde sans issue, toujours pareil, que la forme ABA surligne. La voix du saxophoniste (12’20) tente bien de s’extirper de son instrument lors de la cadence, l’orchestre reprend son martèlement et lui impose silence.


Laudae pour sax soprano,
quatuor à cordes et piano (8’30)

Dans le livret, Cornel Ţăranu indique les trois singularités de cette composition parmi les quatre œuvres au programme : pédales de sons aux cordes typiques de la musique populaire roumaine (le thème en moins) ; écriture non mesurée ; structure partiellement aléatoire ; et bithématisme. La pièce permet à Daniel Kientzy de faire briller sa virtuosité puisque ce n’est que par la tenue de son timbre, sur toute la tessiture, que tient le discours, à la fois translucide (un même motif similaire guide quasiment toute la pièce) et déstructuré (à force d’être rabâché, le motif hache le propos et lui ôte toute linéarité). Laudae gagne donc à être écoutée à la fin de cette monographie, comme y incite le disque, car elle propose une synthèse de l’art du compositeur, libérée du pathos narratif qui faisait vibrer les précédentes compositions. Moins concertante que les autres pièces, elle propose un duel entre, d’un côté, un saxophone, de l’autre, un quatuor à cordes et un piano. Le résultat ne manque ni d’énergie, ni de virulence, grâce à la baguette de Carmen Cârneci, d’autant que la relative brièveté de la pièce et le triple  contraste entre accents, nappes de cordes et envolées solistes, nourrissent l’intérêt de ces curieuses louanges.

Conclusion

N’en déplaise aux chastes oreilles, ce disque réjouit derechef notre curiosité. Non, les créations pour saxophone ne se résument pas à des cris de porcs que l’on égorge, comme on a pu lire çà ou là. Il faut reconnaître la spécificité de cette musique ainsi que la force d’un musicien aussi passionné de renouveler et de secouer son répertoire que Daniel Kientzy. Sur chacune des pièces, convoquant quatre sax différents, on apprécie les techniques de l’instrumentiste, son souffle qui semble parfois infini, sa précision rageuse et sa justesse anti-vulgarités dans l’ensemble des registres. Ces qualités sont soulignées par des ensembles toujours compacts malgré de nombreux breaks, et le tout bénéficie d’un son précis sans être sec. Encore une belle découverte pour mélomanes curieux.

Enfin un concert qui vous botte !

Pour le concert Komm, Bach!² du jour, on a importé deux zozos (pas de pluriel, merci) depuis l’Italie.
Une jeune virtuose, de la race des pianistes-clavecinistes reconverties, donc capables de jouer n’importe quelle pièce extravagante pour orgue et qui te déclarent, des larmes dans les yeux, « mon vrai amour, c’est l’orgue ».
Et un facteur d’orgue, ben oui, aussi artisan qu’artiste et réciproquement, invité dans de nombreux festivals internationaux (dont Komm, Bach!, par le fait même, ne fût-il pas le plus prestigieux), réputé pour sa musicalité et ses improvisations, n’en déplaise à ses ennemis.
Avec un programme en deux temps et demi : musique magnifique et sérieuse, improvisations qui font la saveur de l’orgue, et quatre marches symphoniques italiennes à huit pattes
. Un régal à découvrir sur la page Facebook du festival et en direct ce 27 janvier grâce à une entrée libre et un écran géant. Le programme intégral est dispo ci-dessous.

Sophie Koch et Joan Martín Royo, Éléphant Paname, 25 janvier 2018

Sophie Koch. Photo exclusive aimablement prêtée par Rozenn Douerin.

Comme souvent, cette critique est biaisée. Parfois, on biaise quand on nous a mandé un disque ou invité à un spectacle. Ou alors on biaise parce que l’on a payé et que l’on a été fort marri. Bref, quoi que l’on fasse, que ce soit contre rétribution ou gratuitement, on est biaiseur. Et cette fois, on biaise soir et matin parce que Sophie Koch est notre chouchoute. Une de nos chouchoutes, mais quand même. Voilà, c’est dit.

Le ciel de Paname. Photo : Rozenn Douerin.

Le concept

Dans le cadre des « Instants lyriques » de l’Éléphant Paname, nouvel endroit jouxtant l’Opéra et l’Olympia pour proposer des cours de danse, des trucs bizarres, un restaurant et des récitals (on synthétise, comme disait Bontempi), la direction programme Sophie Koch et Joan Martín Royo pour un récital avec Pierre Réach au piano. Les bénéfices de la soirée (8500 €, oubliés dans le piano, hors vente de disques), forcément à guichets fermés, sont reversés à un refuge cambodgien dans lequel la cantatrice est très investie.

Bertrand Ferrier répétant le concert de Sophie Koch & friends. Photo : Rozenn Douerin.

L’endroit

La salle de spectacle dite « de notre Dôme » de Paris aurait des allures de salle des fêtes, sièges compris, à deux exceptions près : pour l’occasion, les spectateurs sont accueillis par un cocktail avec champagne Volner fin à l’étage ; et un dôme enguirlandé surplombe l’endroit. Cette association entre un endroit cheap et des efforts chic font le prix de la soirée (35 €, raisonnable vu le niveau de la programmation), sans tout à fait compenser sa principale faiblesse (acoustique sèche, sans réverbération et peu flatteuse pour les voix).

L’Éléphant Paname. Photo exclusive : Rozenn Douerin.

Le récital

Le concert s’articule en trois tiers-temps.
Le premier oscille entre mélodie française (« Pastorale » de Saint-Saëns en duo, « Chanson triste » et « Le manoir de Rosemonde » par le baryton, alors que Sophie chantait « Le manoir » lors de son récital à Garnier, en octobre) et lieder. On y apprécie notamment le souci très pertinent de prononciation de Joan Martín Royo, qui n’est pas juste une performance technique, puisqu’elle valorise le texte et donne ainsi du sens aux airs. Les Zigeunerlieder, ces chants censément gitans mis en forme par Johannes Brahms, dont Sophie Koch s’attache à caractériser les différentes atmosphères, même si l’acoustique ne laisse pas beaucoup d’espace de résonance au chant. Joan Martín Royo installe ses Schubert dans une interprétation feutrée, qui évite la démonstration de coffre au profit d’une délicatesse appropriée (« Der Lindenbaum », le tilleul du Voyage d’hiver et le mégatube Standchen, la sérénade du chant du cygne, flattent son goût pour le ciselé).
Le second tiers est hispanophone. Il permet d’entendre tant le boléro du « Desdichado » de Saint-Saëns que deux duos de Ruperto Chapí ainsi que le solo « Mi tío se figura », un des premiers airs solistes de Sophie Koch en espagnol. Manuel Penella et sa habanera de Don Gil de Alcala est aussi au programme, tout comme « Díle que me ha deslumbrado », interprété avec la sensibilité ad hoc par Joan Martín Royo.
Le troisième tiers hommage le musical (comme d’hab’, ça veut rien dire, le verbe « hommager », mais je trouve que ça pulse, alors bon), valorisant la part ténébreuse du crooner Royo (« Stars » de Claude-Michel Schönberg et « The impossible dream » de Mitch Leigh), les aigus faciles de la mezzo Koch, les amusements du duo (« Edelweiss », risqué donc presque touchant) et le plaisir de la spécialiste de l’opéra inchantable ravie de se rouler dans le plaid confortable d’une musique plus appréciée au Châtelet qu’à Garnier (« Climb every mountain » de Richard Rodgers).

Le résultat

De même que l’organisation associe cheap (incluant un nombre impressionnant de fautes orthotypo sur le programme papier, qui ne présente pourtant ni les textes ni, a minima, la traduction des titres) et chic, de même le récital joue-t-il la carte tant du brillant (voix ou présence superlative des chanteurs ; exceptionnel toucher et attention aux vedettes de la part de Pierre Réach) que du homemade (programme chanté distinct du programme distribué, blancs inattendus). Cette association entre brio et convivialité, grand récital et soirée caritative, sans que jamais la seconde ne vampirise le premier, ouf, est une réussite qui suscite et ré-suscite l’enthousiasme justifié du public. Concert original, cadre atypique, prise de risque artistique de Sophie Koch, talent des acolytes = une très belle soirée. La meilleure formation d’une ouvreuse jouant couardement les agentes de sécurité en fonction du physique des spectateurs sera un plus ; mais reconnaissons que, comme critique d’organisation, il y a pire.

Cyprien Katsaris (1/2) joue Katsaris et Theodorakis, Piano 21

Cyprien Katsaris serait le Tom Cruise de la musique si Tom Cruise avait du talent. Techniquement et musicalement, ce pianiste est au niveau d’une vedette comme Arcadi Volodos ; sectologiquement, il est un représentant chéri de la scientologie, se produisant lors de concerts de recrutement d’adeptes et allant jusqu’à tenter de convertir ses interlocuteurs professionnels – dans la vidéo ci-dessous, on le voit d’ailleurs vers 3′ vanter son « ami » Chick Corea, formidable pianiste reconverti en scientologue acharné, du genre qui est capable de distribuer des tracts (Seigneur, pourquoi pas des pin’s ?) en faveur de sa secte au mitan d’un concert. En dépit de la polémique que suscite légitimement cet engagement loin d’être anodin, c’est avec plaisir que nous retrouvons l’artiste hors norme qu’il est, dans l’envoi presse récent que nous avons reçu. Au programme, deux disques que propulsa son label Piano 21 en 2017, l’un auscultant une de ses œuvres les plus ambitieuses, l’autre examinant les transcriptions de Karol A. Penson.

Manuscrit de la « Grande fantaisie sur Zorba ». (extrait, ben oui) Document aimablement fourni par Françoise Calteux.

Le premier disque se concentre d’entrée sur la « Grande fantaisie sur Zorba », en fait une « rhapsodie grecque » cousant sans feinte des thèmes locaux, retraités par Mikis T., les uns sur (ou après) les autres. D’emblée, on est saisi par la puissance des basses obstinées « à la Liszt ». Le motorisme des graves structure le début. L’arrivée des aigus n’y peut mais : le martèlement façon marche (3’) résonne puis se meurt pour laisser place à une ballade fauréenne (6’) dans une avalanche d’arpèges parcourant le clavier. Émerge alors un nouveau thème (9’), qui finit par s’imposer et se développer de façon virtuose avant de s’évanouir en cherchant son souffle, comme si l’écho déformé se résorbait peu à peu. D’autres thèmes populaires prennent place (14’), selon un même système associant l’énoncé du motif à sa reprise développée. Alors qu’un prélude faussement hésitant brise le thème avec des arpèges méditatifs, la pédale de sustain donne résonance à cette attente (c’est prétentieux, comme formulation, « donne résonance », peut-être pour ça j’aime bien), comme si l’œuvre s’apprêtait à prendre un tournant nouveau (19’). Las, il n’en est rien. Un thème populaire s’articule autour d’arpèges, de notes répétées puis d’un développement utilisant l’ensemble du clavier dans un déferlement digital maîtrisé. Même procédé cinq minutes plus tard. C’est aérien et virevoltant, avec quelques trouvailles savoureuses comme cette descente débouchant sur le silence ; toutefois, le caractère itératif du collage peine à soutenir l’intérêt en dépit du brio fascinant.

On se réjouit qu’une tension agite enfin cette sage composition (30’) : pendant sept minutes, percussion, répétitions et contrastes avivent l’attention sans pour autant que ne disparaisse la virtuosité exacerbée dont l’interprète-compositeur ne semble pouvoir se passer. Une fausse coda couronne bientôt un nouveau thème saturé de notes. Les basses, façon boléro, permettent ainsi à un air populaire d’être entonné avec solennité (39’). Le calme redescend (42’), et le cycle thème  – développement virtuose introduit le thème grec le plus célèbre (44’), habilement poussé dans ses retranchements avec une débauche de moyens qui n’exclut ni les breaks ni les accents jazzy (48’). Une nouvelle pause arpégée permet de glisser un ultime thème avant que le « tube » ne revienne dans les aigus, sur un tapis d’accords qui s’éteint en decrescendo… précédant un silence de vingt secondes placé à la fin des 53’.

Cyprien Katsaris et Mikis Theodorakis en 2006. Archive aimablement communiquée par Françoise Calteux.

Comme un brouillon de ce qu’aurait pu être la « Grande fantaisie », la piste suivante accueille une « improvisation spontanée ». Cette pièce aligne, façon re-rhapsodie, des chansons de Mikis Theodorakis. On y goûte le plaisir de l’improvisation (incluant intelligemment quelques microdécalages dans les rafales d’accords pour rappeler le caractère spontané de l’exercice), rarement valorisée au disque par les virtuoses ; on y retrouve le sens du toucher et de l’harmonisation heureuse de l’interprète ; mais l’on regrette que son inventivité musicale reste aussi timide. Sans doute apprécie-t-on d’autant mieux, dès lors, l’introduction du troisième thème sur des basses grondantes (6’35) comme l’harmonie finale (14’52), qui tranchent avec les brillantes astuces d’accompagnement trop généreusement utilisées jusque-là.
Le disque et l’hommage à Mikis Theodorakis s’achèvent par l’interprétation de six petites pièces. Le septième prélude est ravissant et riche dans sa fausse simplicité. Il trouve en Cyrpien Katsaris un orfèvre idéal pour ciseler les moindres inflexions d’humeur inscrites dans la partition. Le cinquième « Melos », lui, s’apparente plus à un charmant exercice d’école, évoquant Satie parfois malgré des sautes harmoniques spécifiques. Scolaires quoique agréables sont les reprises et la mélodie aiguë qu’il convient de faire entendre mélodieusement sans réduire l’accompagnement à un bruit de fond. Une Petite suite pour piano conclut l’affaire avec quatre mouvements d’environ une minute pièce. Le « Poco allegro », aux sonorités sporadiquement proches de Jacques Ibert, s’efface devant un « Lento » enchaîné qui hésite entre percussion et ligne mélodique avant de céder sa place à un « Allegro molto marcato » déchaîné, tout en accents sous une mélodie atténuant la brutalité. L’« Andante mosso » final ne contraste guère avec les mouvements précédents, préférant la continuité des notes répétées associées au balancement du médium. Aussi fringant, brillant et bien mené qu’anecdotique.

Cyprien Katsaris et Mikis Theodorakis en 2006. Archive aimablement fournie par Françoise Catleux.

Au final, ce disque impressionne par la technique pianistique et la science musicale déployées. On y goûte aussi, pour les deux premières pistes, la prise de son de Nikolaos Samaltanos et l’acoustique réputée de l’église évangélique Saint-Marcel (en revanche, les dernières pistes sont gâchées : quelque chose heurte sans cesse le clavier, en sus des doigts s’entend). On pourrait interroger voire déplorer quelques détails – quatre, par exemple. Un, le siège mal réglé grince sur la piste 3 : était-ce pas évitable ? Deux, l’esthétique de la pochette et du livret est, euphémisme, cheap : pour pas cher, on pourrait trouver d’excellents graphistes qui font infiniment mieux ! Trois, pourquoi ne pas donner la liste des thèmes grecs utilisés ? Quatre, pourquoi tant de silence (20 secondes après plage 1, 10 secondes plage 4…) ? Notre avis est donc une moyenne : wow pour le pianiste-interprète, aussi phénoménal que capable de mettre ses moyens hors du commun au service d’un projet musical ; bravo au folkloriste, sans que cela soit péjoratif, qui sait recueillir des thèmes et les « classiciser » ; en revanche, un p’tit regret que le compositeur n’ose pas faire autant montre de son originalité que Cyprien Katsaris, façon Stéphane Blet (accusé, comme Mikis Theodorakis, d’antisémitisme, pire excommunication du monde moderne), n’assume sa dissonance.
Cela dit, le début de la chronique évoquait deux disques. Quid du second ? Voyons, voyons, un peu de suspension…

La réponse de l’artiste

« Monsieur,
Je ne lis quasiment jamais les articles concernant mon travail et ce, depuis belle lurette. Chacun est libre de s’exprimer comme bon lui semble et tant pis si, trop souvent, ce genre de commentaires frise le ridicule. Il est de notoriété publique que le critique sait TOUT et connaît mieux la question musicale que les musiciens professionnels eux-mêmes.
Vous avez pris le temps d’analyser à votre façon ce disque et cela relève de votre droit le plus absolu. Cependant je me dois de vous informer que votre affirmation selon laquelle Mr. Theodorakis aurait emprunté des thèmes populaires grecs est entièrement fausse : il en est le seul créateur.
Quant à vos insinuations sur le prétendu manque de talent de Tom Cruise, elles démontrent de manière flagrante une prise de position tendancieuse due au fait que cet acteur immense et reconnu comme tel mondialement, « serait dépourvu de talent » tout simplement parce qu’il est scientologue ! Exactement comme si moi je prétendais que Nicole Kidman n’avait pas de talent parce qu’elle n’était PAS scientologue.
Votre opinion sur la Scientologie a été façonnée par les medias, rumeurs et autres fake news sans que vous ayez pris la peine de recevoir des informations depuis la source même, à savoir les écrits, dvd, conférences etc. qui s’y rapportent.
À ce sujet, je me tiens à votre disposition pour une éventuelle rencontre d’information. »

[Une proposition d’entretien exclusif a donc été faite à Cyprien Katsaris pour qu’il puisse exposer sa vision de la scientologie et l’influence de cette doctrine sur son art.]