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Yury Revich, « Beyond the Seasons », Salle Cortot, 10 janvier 2025 – 2/2

Yuri Revich et Guillaume Vincent à la salle Cortot (Paris 8), le 10 janvier 2025. Photo : Rozenn Douerin.

 

Après les deux premières surprises ménagées par la première partie, la seconde mi-temps du concert parisien de Yuri Revich en propose d’emblée deux nouvelles. D’une part, pas d’entracte, la demi-heure de retard liminaire ayant sans doute contraint à cette accélération. Ensuite, point de Premier prélude de Yuri Revich pour lancer le bal, mais la Pavane de Gabriel Fauré. On y apprécie

  • l’allant et la netteté du piano, derrière lequel se trouve cette fois Guillaume Vincent,
  • la chaleur et la polymorphie sonore du violon, ainsi que
  • l’étrangeté de l’idée qui consiste à ajouter une danseuse – en l’espèce Audrey Freeman – au duo,

même si l’intérêt de l’initiative nous échappe, les mouvements gracieux de la svelte dame ayant plutôt tendance à nous distraire de la musique qu’à nous ébaubir. Placé en sandwich, le Premier prélude de Yuri Revich, originellement pour violon et orchestre, n’est donc plus un prélude, mais un interlude. C’est curieux car il assume son titre avec une mise en place progressive de la dynamique musicale. Bientôt, il prend la bretelle qui conduit à l’autoroute du motorisme et, selon la stratégie coutumière au violoniste, fait permuter les rôles du soliste et de l’accompagnement. Des attaques de virtuosité visant à produire de grands effets secouent la cellule matricielle répétée à l’envi.
Après que le soliste a causé en anglais (propos à peu près inintelligibles quand on a posé ses fesses au balcon), voici les dernières saisons de la soirée : les Estaciones porteñas d’Astor Piazzolla. Dès l’été, mouvement composé en 1965 (contrairement aux autres, datant de 1969-1970) pour un tout autre propos, le compositeur et ses porte-voix – violon, violoncelle, piano – nous partagent une partition brillante où le rythme s’enrichit de multiples possibles :

  • accents,
  • contrastes,
  • différenciation des attaques et
  • énergie des contretemps.

En contrepoint, le lyrisme fait assaut de ses charmes, auxquels Krzystof Michalski ajoutent ceux d’un violoncelle affriolant :

  • tenues langoureuses,
  • savoureux effets d’attente,
  • suspensions précieuses.

Bien qu’il n’ait été formé que quelques jours auparavant, le trio parvient à démontrer une riche expressivité musicale, grâce à son sens

  • du tempo,
  • du phrasé,
  • de la nuance et
  • de l’écoute réciproque.

 

Audrey Freeman, Yuri Revich, Krzysztof Michalski et Tristan Pfaff à la salle Cortot (Paris 8), le 10 janvier 2025. Photo : Rozenn Douerin.

 

Salués par des applaudissements inopportuns mais enthousiastes, Yuri Revich et ses comparses attaquent l’automne en confirmant leur patent désir de faire musique ensemble.

  • Le violoncelle donne aux sanglots longs de la saison sa langueur à la fois monotone et particulière ;
  • le solo du violon en dévoile quelques mystères supplémentaires ; et
  • le piano apporte sa pulsation, implacable mais mutante.

Pendant les applaudissements, Chouchou, la jeune Antillaise traînée ici par un presque vieux qui nous jouxte, décroche définitivement – ils avaient prévu de s’esquiver à l’entracte. Buenos Aires, c’est pas son truc. Heureusement, ses SMS et ses messages WhatsApp la captivent totalement au moment où, sur scène, Guillaume Vincent s’empare d’un solo de piano

  • habilement pédalisé,
  • nuancé et
  • posé.

La réponse du violon sait allier délicatesse et rigueur, tandis qu’une marche harmonique descendante donne presque un faux air de « Folia » à la coda. De son côté Chouchou suçote bruyamment des bonbons en secouant son sac à main. Encore heureux qu’elle n’a plus qu’une saison à subir ! Le printemps fait fleurir dans la partition

  • énergie,
  • permutations rythmiques et
  • changements d’atmosphère.

On y goûte

  • çà un solo de violoncelle accompagné par le piano,
  • là une reprise du thème orné par le violon et, pour finir,
  • un regain de vivacité qui permet à Yuri Revich de mettre de la pétillance dans les yeux de ses fans.

Chouchou et son monsieur s’empressent de décarrer avant le encore pourtant généreux qu’offrent Yuri Revich et Guillaume Vincent. La rhapsodie sur les grands airs de Carmen permet d’apprécier une dernière fois la virtuosité impressionnante de la vedette et l’élégance assurée du piano de Guillaume Vincent. Le triomphe que fait aux artistes la salle pleine (moins Chouchou et son presque vieux, donc) témoigne de l’efficacité du projet Revich !

 

Verena Tönjes et Daria Tudor, « Songs of the clown » (Solo musica) – 3/6

Première du disque

 

De l’intrigant, du mystérieux, de l’amusant, soit ; en revanche, rien de difficile à raconter

  • le plaisir,
  • la surprise ou
  • le saisissement

que l’on éprouve à écouter telle œuvre ou tel interprète. Toutefois, il peut y avoir quelque chose de frustrant à devoir se contenter d’un survol faute de disposer d’éléments indispensables pour savourer pleinement la musique. En l’espèce, goûter la mise en mélodie des poèmes d’Ursel Renate Hirt par Eduard Künneke aurait assurément eu plus de sens si nous avions eu accès aux textes avec leur traduction. Hélas, Solo musica nous prive de ce plaisir, et une rapide séance de seurfe – le projet est glamour, mais Dieu que le mot est vilain – sur Internet ne nous a pas permis d’assouvir notre curiosité. Nous rendrons donc compte de cette découverte à l’aveugle mais pas à la sourde.
Les Pierrot-Lieder s’ouvrent par « Pierrots Brief ». Sur un joli balancement du piano, la voix de Venera Tönjes trouve une expressivité qui fait son miel d’une écriture attentive aux variations

  • de registre,
  • d’intensité et
  • de degrés de tension.

La science

  • de la mélodie,
  • de l’harmonisation et
  • de l’écriture vocale (le compositeur a notamment signé moult opéras, opérettes et singspiele)

que possède Eduard Künneke achève de séduire dès le premier numéro. « Pierrot denkt nach » semble suspendre le récit sur un ton mélancolique.

  • Mélismes,
  • simplicité apparente de l’accompagnement et
  • droiture du souffle

caractérisent la première partie, mais le compositeur ne se prive pas de secouer cette torpeur délicieuse avec subtilité.

  • Modulations,
  • contrechant cyclique,
  • large spectre de nuances :

tout séduit. « Pierrots Liebesschmerzen » est le plus long des cinq lieder semble narrer l’insaisissabilité de l’amour, bonheur profond parfois et, parfois itou, douleur structurelle. L’oscillation entre les deux pôles est superbement rendue par

  • la précision,
  • la diversité et
  • l’assurance

des touchers de Daria Tudor. La cantatrice ne s’en laisse pas remonter. On se laisse volontiers envoûté par sa voix

  • colorée,
  • polymorphe et
  • riche dans l’ensemble des registres sollicités.

L’écriture éblouit. Sous la plume d’Eduard Künneke, le piano sait être

  • soutien utile,
  • acteur des mutations et
  • amplificateur d’émotions.

La voix

  • se déploie ici,
  • se fragmente çà et
  • se pose là.

Brillant. Pour « messieurs et mesdames » (en français dans le texte…), « Pierrots Spiel » semble revendiquer le jeu du titre comme source

  • de bondissements,
  • de rythmicité et
  • d’inattendu.

Avec une acuité dont témoignent

  • les passages synchrones parfaitement exécutés,
  • les breaks brusques ou progressifs, et
  • l’impression permanente qu’il n’y a ici nulle virtuosité, juste de l’évidence,

les interprètes parviennent à y instiller

  • du swing,
  • du groove et
  • un mélange de dynamisme et de narrativité.

« Pierrot Schläft » conclut le cycle sur le sommeil du personnage principal. La pulsation posée du piano trouve un écho dans la voix faussement voilée de Verena Tönjes. Le mélange

  • d’arabesques,
  • de notes répétées et
  • d’inflexions tonales

entretient le plaisir éprouvé jusqu’à présent. La sapidité

  • de l’écriture,
  • de l’interprétation, et
  • de la musicalité qui sourd tant de la partition que de l’attention avec laquelle celle-ci est incarnée

nous fait presque oublier la frustration de ne comprendre goutte aux textes. D’autant que, pour un mélomane inculte comme votre serviteur, découvrir, après Max Kowalski et Margaret Ruthven Lang (que nous retrouverons bientôt), un compositeur de cette trempe est une grande joie qui augure du meilleur pour la suite du voyage clownesque… à partager dans une prochaine notule.


Pour acheter le disque, c’est par exemple ici.

 

Bertrand Ferrier et Pierre-Marie Bonafos, le 3 novembre 2024, en la chapelle Notre-Dame du Val-de Grâce (Paris 5). Photo : Rozenn Douerin.

 

La vidéo infra capture en toute discrétion une émotion particulière : celle de la conclusion d’un récital au Val-de-Grâce, lieu dont on oublie presque le prestige tant Hervé Désarbre, titulaire de l’orgue et chef des festivités musicales, vous fait sentir en liberté pour la conception du concert. Proposer une histoire du cool dans un établissement militaire aurait pu paraître irrévérencieux (ça l’était, de toute façon), mais le patron des saisons sonores du coin a senti que le projet était moins de fanfaronner que d’explorer cette étrange notion d’un cool synonyme de

  • « en vogue »,
  • « détendu » ou
  • « dans un sentiment à base de tranquillade ».

Exactement le contraire

  • de l’agitation censée être propre à notre époque,
  • du brouhaha devenu critère positif et discriminant sur les réseaux sociaux, ainsi que
  • de la vaine agitation dont nous devons faire preuve pour justifier notre existence et essayer d’oublier que nous allons mourir.

Alors, pour le dernier morceau de cool inscrit sur le programme, ne restait qu’une solution : suspendre, une dernière fois,

  • le temps,
  • le cœur,
  • l’esprit,

et partager cet intervalle avec le public des saisons val-de-grâciennes, toujours nombreux et chaleureux. Puisse cette musique résonner de la gratitude des musiciens envers

  • l’organisateur,
  • les puissances accueillantes et
  • les spectateurs incroyablement avides des expériences que leur offre Hervé Désarbre.

Le moment vécu était

  • grand,
  • chouette et
  • cool.

Etc.

 

 

Irakly Avaliani, Intégrale Brahms volume 2 (L’art du toucher) – 3/4

Première du disque

 

Composées en 1893, les six pièces pour piano op. 118 associent quatre intermezzi, une ballade et une romance. Le premier intermède, un allegro « non assai ma molto appassionato » est officiellement en la mineur mais le masque bien. Irakly Avaliani en rend l’énergie grâce

  • à la clarté des octaves pointillant – et hop – une mélodie,
  • au grondement des croches rugueuses,
  • à la maîtrise d’un tempo tempétueux, et
  • à l’alternance des nuances éclairant à la fois le discours et les reprises jusqu’à la tierce picarde conclusive.

Le deuxième intermezzo semble rebondir sur ce La conclusif, mais change l’esprit (andante teneramente, cette fois) et la métrique (ternaire contre binaire).

  • La qualité du toucher profite autant au lead qu’à l’accompagnement ;
  • la précision de la pédalisation contribue à créer une atmosphère très spécifique ; et
  • le sens du tempo, entre rigueur et souplesse épousant la logique musicale, emporte à la fois
    • l’adhésion,
    • la satisfaction et
    • l’intérêt de l’auditeur.

Avec ses triolets à la main gauche, la section centrale ajoute du ternaire au ternaire, en le faisant frotter contre un énoncé binaire (deux croches contre un triolet). Le pianiste transforme cet entre-deux en quelque sorte intermédiaire en un froufroutement

  • limpide et non insipide,
  • diaphane et non confite en gnangnantise,
  • saisissante et non réduite à une mignonnerie bien troussée.

La tentation de la modulation marque la bascule vers la seconde partie de la pièce : après le rappel du deuxième motif revient le premier, parcouru de frissons

  • (mutations du tempo,
  • miroitement des nuances et
  • changements de caractère dont Irakly Avaliani sait rendre autant la profonde continuité que les délicieuses ruptures).

La ballade en sol mineur, allegro energico, revient à une battue à deux temps.

  • Tonicité de la main droite,
  • assurance de la basse,
  • fermeté des nuances forte :

on se délecte jusqu’à la transition vers la partie en Si qui contraste par sa délicatesse heureusement animée par le grondement arpégé de la main gauche. Arrivé à ce point du parcours, il nous faut faire demi-tour. Aussi repassons-nous par le paysage revigorant croisé au début de la promenade. L’énergie et le beau crescendo que nous réserve l’interprète ragaillardissent ; la fin una corda surprend et séduit.

 

 

L’intermède en fa mineur est un allegretto un poco agitato. Il associe le binaire de la battue à deux temps et le ternaire des triolets qui l’accompagnent. Iralkly Avaliani fait son miel de cette tension mutante en construisant la finesse

  • du toucher,
  • de l’agogique,
  • des nuances et
  • de la construction d’un récit ABA.

On apprécie l’impressionnant tuilage entre les phases

  • d’attente,
  • de friction et
  • de rugissement

jusqu’à l’aboutissement avec la provocante tierce picarde. La romance en Fa poursuit le dialogue entre binaire et ternaire en affichant une mesure à 6/4, associant deux mesures ternaires (3/4 + 3/4) de façon, donc, binaire. C’est bien l’histoire de la pièce, hésitant – eût dit le versificateur – entre

  • le balancement,
  • le sursaut et
  • l’enjambement.

La modulation « allegretto grazioso » en Ré ajoute de la liberté dans l’air musical.

  • Appogiatures,
  • trilles,
  • triolets

se balancent sur une fausse barcarolle fomentée par la main gauche, avant que le thème initial n’y mette bon ordre. Romance, oui, mais point trop n’en faut, m’enfin ! Les six pièces s’achèvent sur le plus long intermède au programme, inscrit dans cette saleté de tonalité de mi bémol mineur. Au programme, ambiance doublement ternaire (3/8 à la mesure, sextolets de triples croches à gauche) et contraste entre allant et tempo officiellement « andante, largo e mesto ». Irakly Avaliani y trouve ressource pour fomenter une cohérence de jeu associant

  • certitude,
  • mystère et
  • magie des permutations de registres.

Les divagations de la main gauche restent longtemps dans une teinte sépia du plus bel effet, avec

  • souplesse de la diction,
  • exactitude de l’énonciation et
  • certitude de la direction que l’ensemble prend.

Pourtant, la secousse de la partie centrale remet en cause toutes les certitudes mignardes. L’interprète fait sonner les doubles octaves avec une vigueur qui prend toute sa force quand elle s’efface dans le retour du sépia liminaire. Magistral et parfait pour donner envie d’ouïr au plus vite l’opus 119, qui sera l’objet d’une prochaine notule – ô teasing ! quand tu nous tiens !


Retrouver les précédents épisodes ?
Ici, l’opus 116.
, l’opus 117.

 

Yury Revich, « Beyond the Seasons », Salle Cortot, 10 janvier 2025 – 1/2

Yuri Revich à la salle Cortot (Paris 8), le 10 janvier 2025. Photo : Rozenn Douerin.

 

Neuf mois après son dernier triomphe parisien, le violoniste Yuri Revich revient à Cortot pour un concert de saisons. Garni de fans mais sans doute aussi blindé d’invités, le show se permet de commencer avec plus de demi-heure de retard, et de s’ouvrir par un laïus de Baptiste Capitanio, jeune producteur exécutif qui se révèle, dans l’exercice, à la fois maladroit (ainsi de cet hommage à Alfred Cortot aussitôt rétracté) et naïvement infatué (moi je parle français alors que Yuri non hahaha, moi d’habitude je suis chef d’orchestre mais aujourd’hui je ne vous tournerai pas le dos, moi je connais des gens dans la salle, moi j’ai l’extrême humilité d’apporter un pupitre et de tourner les pages de Tristan Pfaff – sans déconner, arrête de te faire plèze et mousser, let’s turn to the music!), bref, un balabala inutile… et oublieux de la piètre sonorisation qui s’adresse exclusivement au public de la corbeille. Au balcon, on n’entend à peu près que les mouches qui pètent, ce qui vaut au collaborateur habituel du violoniste une remontrance grotesque voire désespérée d’une spectatrice ne lui cédant en rien en prétention.
Au programme de ce Beyond the Seasons, deux parties, même si le récital réserve plusieurs surprises. La première surprise est l’absence d’Aurèle Marthan, attendu au piano mais blessé à la main quelques jours plus tôt. La deuxième surprise est la tenue du récital, vue la difficulté de l’accompagnement requis pour le programme – sans s’en tenir au contre-point rigoureux ou fleuri, on ne parle pas de jouer « J’ai du bon tabac » à la flûte à bec, vous l’aurez compris. Les autres surprises viendront plus tard, au mitan du spectacle. Même en divisant la tâche par deux, il faut des musiciens foufous pour oser monter en quelques heures un tel paquet de pages rares et bien noircies. C’est Tristan Pfaff qui a accepté de prendre en charge au pied mais surtout aux mains levés les deux premières pièces. Pour ce passionné de sports de combat, incollable ou presque sur le MMA version UFC et PFL, on imagine que, derrière le stress, devait planer le plaisir d’être, lui aussi, comme tant de combattants, un short notice ! Ajoutons que, p
our l’anecdote, on apprendra backstage que le foufou a failli lui aussi déclarer forfait après s’être blessé au majeur en baissant son siège. Mystères de la malédiction…
L’ouverture de trois quarts d’heure est constituée par la version des Quatre saisons d’Antonio Vivaldi par Max Richter, compositeur vedette de musique de films. Elle s’intègre évidemment au thème du récital, lui-même inspiré par le disque des Huit saisons, publié une décennie plus tôt par Yuri Revich, croisement visagal de Gautier Capuçon et Nicolas Horvath. Pour ne pas faciliter la tâche du remplaçant, il semble d’emblée que la partition d’orchestre originelle ait été concaténée sur deux portées plutôt qu’arranger dignement pour un pianiste. Reste la musique de Max Richter, réputée planante – concentrée en duo, on s’apercevra qu’elle l’est souvent beaucoup moins, et c’est heureux. Le prélude au printemps swingue

  • entre violon et piano-orchestre,
  • atmosphère et mélodie,
  • traces sciemment reconnaissables de Vivaldi et réinvestissement.

Dès le deuxième des treize mouvements, Max Richter revendique un minimalisme personnel, fondant son écriture sur l’itération dont témoigne le bariolage du piano. La profonde connaissance de l’œuvre par Yuri Revich et la science musicale de Tristan Pfaff, pianiste à la technique superlative et à la capacité peu commune de transformer en musique l’esbrouffe pyrotechnique consubstantielle au piano de concert (il s’agit toujours de rassurer l’amateur autoconvaincu d’être éclairé : nan, ça va, si c’est pas toi qui es sur scène, c’est que tu n’évolues pas dans la même caté que l’acrobate devant toi), permettent à l’auditeur de jouir des breaks alternant des sautillements et des passages plus lyriques portés par des valeurs longues que le compositeur n’hésite pas à laisser en suspens. Çà, l’on apprécie sa capacité à explorer lenteur et silences. Là, l’on goûte le contraste suscité avec la vivacité du violon sertie dans un accompagnement très simple, avant que les rôles ne s’inversent.
Max Richter semble aimer travailler la particularité des registres, avec une inclination particulière pour l’accompagnement lent dans le suraigu, et l’entrelacement des forces en présence, le soliste échangeant régulièrement son rôle de vedette avec son orchestre à ivoire. Tristan Pfaff caractérise admirablement les trois rôles qui lui sont dévolus :

  • rythmique,
  • réponse et
  • contrechant.

Astucieux, Yuri Revich tâche de sublimer la virtuosité des passages brillants, exigeant à la fois

  • de la technique,
  • du show-off et
  • de la vitalité,

en y ajoutant une musicalité indubitable qui s’exprime par

  • la nuance,
  • le phrasé et, plus largement,
  • l’articulation.

 

Tristan Pfaff à la salle Cortot (Paris 8), le 10 janvier 2025. Photo : Rozenn Douerin.

 

Avec deux musiciens très sûrs, malgré un partenariat impromptu dont le caractère tout récent est indétectable pour le spectateur lambda que nous sommes, la partition peut déployer une astuce minimaliste toujours très efficace, outre la répétition : l’utilisation d’un motif et sa déformation. Max Richter ne s’en prive pas dans le premier mouvement de l’automne. Il y brise la mesure du golden hit de la musique d’attente et, l’occasion faisant le larron sinon le luron, paraît inciter les deux comparses à jouer – c’est plus facile à deux qu’entre un soliste et un orchestre – sur la liberté

  • des échanges,
  • de l’agogique et
  • de la suspension.

Soudain clavecin, le piano lance une série d’arpèges en mineur qui se transforment l’instant d’après en pulsation rythmique. Un temps concentré sur des harmoniques tremblées et des glissendi, voilà le violon

  • claquant ses traits,
  • frappant son battuto et
  • semblant rebondir sur le toucher léger mais sûr du piano.

Parfois, l’évocation d’un tube hivernal remixé suscite des applauses, un peu comme un intertexte musical dans une impro de jazz quand les auditeurs souhaitent montrer qu’ils ont reconnu l’allusion. Parfois, l’énoncé d’un tube glaçant s’harmonise sur un accompagnement étique concentré dans le suraigu. Mais, pour le finale, Yuri Revich ne rechigne pas à laisser crépiter

  • l’énergie,
  • la vigueur et
  • la fougue

attendues. Max Richter alterne pour lui trois postures, celles

  • du solo à découvert,
  • de la vedette avec accompagnement, et
  • du compagnonnage en dialogue synchrone.

Après le violon, le piano délivre aussi ses kyrielles de notes jusqu’au crescendo suscitant les hourrah attendus et partiellement anticipés. Le second morceau est un hommage à la « réserve de biosphère de Schorfheide-Chorin ». Si. Reconnaissons que, comme beaucoup de ses pairs, le jargon écolo en deviendrait presque aussi rigolo que le marketing en général. En effet, le cyberprospectus publicitaire de la forêt loue sa superficie, « équivalente à 90 000 terrains de football ». Nous avons calculé : il y aurait là de quoi satisfaire 90 000 X 35 (2X17 avec les 6 remplaçants + 1 arbitre par rencontre), soit 3 150 000 fouteux. Seule condition pour ce faire : il faudrait raser la forêt et coller les terrains les uns aux autres, donc installer de solides grillages et oublier les spectateurs.
Loin de notre méditation, la partition pour soliste et orchestre de Choriner Wald de Yuri Revich est ici réduite pour violon, violoncelle et piano. Par conséquent, Krzysztof Michalski rejoint le duo pour l’occasion. On nous promet (ha, ce besoin de parler…) une forêt qui

  • frémit,
  • craque et
  • se secoue.

La musique, agréablement conventionnelle, se laisse écouter avec plaisir.

  • Des vagues tonales se succèdent ;
  • des rythmes s’interpolent, de la habanera à la contemplation
    • hypnotique,
    • liquide et
    • tremblante.
  • Des échos vivaldiques résonnent encore.

Autant que la polymorphie sonore du violoniste, séduit la relation qui se noue entre les partenaires, audiblement attentifs les uns aux autres.

  • Échos,
  • imitations,
  • débats mettant en avant le soliste-compositeur rarement porté sur le repos

accompagnent

  • quelques trouvailles modulantes,
  • de belles successions d’atmosphère et
  • une joyeuse volonté de jouer ensemble avec subtilité.

Une première partie intéressante et techniquement de la meilleure eau, qui met en appétit pour la seconde mi-temps, laquelle sera recensée dans une prochaine chronique !


Plus de recensions sur Tristan Pfaff ?
Son concert Chopin 2023 en solo à France-Amériques, c’est ici, çà et .
Son concert 2024 avec partenaires à Gaveau, c’est ici, çà, et re-.
Son concert 2024 en duo au showroom Kawai, c’est ici et .
Et l’intégrale de notre grand entretien, c’est .

 

Verena Tönjes et Daria Tudor, « Songs of the clown » (Solo musica) – 2/6

Première du disque

 

Des deux recueils de Nonsense Rhymes and Pictures, publiés en 1905 et 1907 par Margaret Ruthven Lang sur des poèmes d’Edward Lear, Verena Tönjes a conservé une mélodie par recueil. « The old man in a tree » s’ouvre sur un zézaiement à trois temps qui s’emporte jusqu’au récit où s’associent

  • sons (si, ça, saucisson, dans le contexte, ça passe),
  • verbe et
  • notes.

« The young lady of Lucca » est une miniature contant la navrante histoire d’une amante abandonnée qui gêne fort les alentours en grimpant à un arbre (elle aussi) pour crier « Fiddle dee dee », c’est foufou.

  • Plaisir de la concision,
  • efficacité de la mélodie,
  • pertinence de l’harmonisation et
  • souplesse de l’interprétation

séduisent. Lui succèdent les cinq Pierrot-lieder op. 48 qu’Eduard Künneke a composés en 1911 sur des poèmes d’Ursel Renate Hirt. Ce sont eux que nous explorerons dans une prochaine notule.


Pour acheter le disque, c’est par exemple ici.

 

Bien accompagné 35 : église Saint-Albert le grand (Paris 13)

Eleven à Saint-Albert-le-Grand (Paris 13), le 8 janvier 2025. Photo : Bertrand Ferrier.

 

Pour sa première expertise au nom des experts ès granularité sonore Sleepy & Partners, Eleven, ainsi nommé car il est le onzième d’une compagnie de dix-neuf super spécialistes, n’avait pas la tâche facile. D’une part parce qu’il intervenait sur un instrument désormais confié aux pattounettes d’Esther Assuied, jeune espoir de l’orgue depuis bientôt plusieurs dizaines d’années, donc ça rigole pas ; et d’autre part parce qu’il lui revenait d’évaluer un biniou électronique, ce qui ne ressortit pas exactement du même savoir que les orgues à tuyaux.
Pas de quoi effrayer l’expert pour autant, revendiquant une démarche inclusive, tournée vers l’émission du son « dans son rapport au spectre sonore » plus que vers l’élaboration physique du son. Un Hautpwerk n’a donc pour lui pas moins d’intérêt qu’un Cavaillé-Coll (que ledit Hauptwerk peut plus ou moins reproduire) dans la mesure où ce sont le son en tant que tel et la palette sonore dans sa globalité qui l’intéressent. Et le sachant de tonner, définitif :

 

le prestige est une chose, le résultat est ce qui nous intéresse.

 

Reste que la dimension électronique ne peut être négligée, en pareille circonstance, et elle semble avoir retenu toute l’attention d’Eleven. Certaines mauvaises langues ont suggéré qu’il avait cherché sur l’écran le lien vers Pacman, mais nous ne disposons pas des preuves suffisantes pour valider ou non cette hypothèse, même après avoir assisté à l’une des techniques préférées de testing de ces connaisseurs : l’épreuve du tape-cul.

 

Eleven à Saint-Albert-le-Grand (Paris 13), le 8 janvier 2025. Photo : Bertrand Ferrier.

 

Le résultat de cet exercice très prisé des experts ? Mo, mo, motus absolu. En tout état de cause, le mandataire de Sleepy & Partners n’a pas hésité à

  • bidouiller,
  • trifouiller et
  • un autre verbe en -ouiller

afin de « voir ce que le cerveau digital a dans le bidou », selon son expression.

 

Il y a quand même marqué Content, ça ne veut pas dire que l’auditeur est forcément satisfait,

 

a-t-il observé en gloussant très longtemps – humour de professionnel, sans doute. Hélas, quand il s’est agi de lui soutirer quelques informations sur son analyse, il s’est drapé dans sa dignité vu qu’il n’avait pas de drap à sa disposition et que, en revanche, il lui restait un peu de dignité. Tout juste a-t-il consenti à expliquer qu’il ne pourrait jamais exposer sa pensée dans la spontanéité d’un « échange à chaud », forcément sommaire et limité.
Il lui faudra l’espace permis par un rapport rigoureux et complet, lequel sera évidemment confidentiel. À croire que la granularité sonore sera toujours ce sublime mystère que nul non-initié ne pourra verbaliser, au moins jusqu’à la prochaine expertise, probablement…


Retrouvez les aventures de Sleepy & Partners…

  1. … aux grandes orgues de la collégiale de Montmorency.
  2. … à l’église Saint-Marcel (Paris 13).
  3. … à l’église Sainte-Marie-Madeleine de Domont.
  4. … à l’église Saint-Martin de Groslay.
  5. … à l’église Saint-Louis de Vincennes.
  6. … à l’église Saint-Joseph d’Enghien-les-Bains.
  7. … sur l’orgue provisoire loué par Notre-Dame de Vincennes.
  8. … aux grandes orgues de la cathédrale de Gap.
  9. … aux grandes orgues de Sainte-Julienne de Namur puis de la cathédrale de Namur.
  10. … à l’église Notre-Dame de Beauchamp.
  11. … sur l’harmonium du temple protestant du Saint-Esprit (Paris 8).
  12. … à l’église de Taverny et à l’église de Bessancourt.
  13. … à l’église du Raincy.
  14. … à l’église de Notre-Dame du Rosaire.
  15. … aux grandes orgues de l’église Sainte-Marie des Batignolles (Paris 17).
  16. … aux grandes orgues de la chapelle du Val-de-Grâce (Paris 5).
  17. … aux grandes orgues de la basilique d’Argenteuil.
  18. … sur l’orgue Cattin de Notre-Dame de Vincennes.
  19. … sur l’orgue Mutin-Cavaillé-Coll de Saint-Georges de la Villette (Paris 19).
  20. … sur l’orgue Merklin de Saint-Dominique (Paris 14), une fois ou deux.
  21. … sur l’orgue Delmotte de Saint-André de l’Europe (Paris 8).
  22. … aux grandes orgues de la collégiale Saint-Jean de Pézenas.
  23. … aux orgues de l’Immaculée Conception (Paris 12).
  24. … sur l’orgue de l’église Sainte-Claire (Paris 19).
  25. … sur l’orgue de l’église Saint-Denis de Gerstheim.
  26. … sur l’orgue de l’église Saint-Saturnin de Nogent-sur-Marne.
  27. … sur l’orgue de Bécon-les-Bruyères.
  28. … sur l’orgue de Saint-Serge d’Angers.
  29. … sur l’orgue de la chapelle Ozanam (Paris 17).
  30. … sur l’orgue de la collégiale Notre-Dame de Vernon.
  31. … sur l’orgue du temple du Saint-Esprit (Paris 8).
  32. … aux deux orgues de la Madeleine (Paris 8).
  33. … sur l’orgue de la basilique Notre-Dame du Perpétuel Secours (Paris 11).
  34. … sur l’orgue de Saint-Eugène-Sainte-Cécile (Paris 9).

 

Irakly Avaliani, Intégrale Brahms volume 2 (L’art du toucher) – 2/4

Première du disque

 

Après les fantaisies op. 116, voici les trois intermezzi op. 117 (même s’il y avait aussi des intermezzi dans les fantaisies, faut suivre). Le premier est un andante moderato ternaire en Mi bémol. Une pédale de mi bémol marque le début du premier segment où flotte la réminiscence d’un vieux chant de Noël. L’interprète en souligne

  • la délicatesse,
  • l’efficacité rythmique, et
  • la liberté de tonalité comme de pulsation.

On apprécie

  • la vigueur discrète des contretemps,
  • l’harmonisation habile des changements de registre,
  • la finesse élégante de l’agogique, et
  • l’agilité toujour juste des doigts équilibrant l’affaire.

Toujours ternaire mais en si bémol mineur et truffé de triples croches, l’intermède suivant se revendique « andante non troppo e con molta espressione ». Irakly Avaliani en dessine

  • la liberté apparemment tranquille,
  • l’harmonie fine permise par les phrasés soignés, et
  • l’équilibre malin entre
    • mesure et expressivité,
    • pédalisation et netteté des basses,
    • et le combo
      • monodie,
      • polyphonie et
      • harmonisation.

Le dernier intermède, en Ut dièse mineur, est un andante con moto à deux temps qui s’ouvre sur un triple unisson.

  • Le ressassement,
  • l’itération et
  • la diffraction de la mélodie par octaviation

marquent la partie A de l’intermède. La partie centrale en La poursuit ce travail sur la duplication en s’ornant de reprises.

  • De joyeuses bizarreries harmoniques,
  • un désir patent d’élargir le spectre des registres, et
  • un plaisir du continuum et du contretemps

se déploient sous les doigts, les poignets et l’esprit musical d’Iraly Avaliani. Le dialogue entre

  • tension et détente,
  • copiés-collés et mutations,
  • tentation du lyrisme et recherche de l’étique

font battre cet intermède, plaçant la partition entre deux options sur plusieurs plans, et mettant en appétit pour les six pièces pour piano op. 118 qui feront l’objet d’une prochaine chronique.

 

Éloge de la glasnost familiale

Jann Halexander à l’Espace Pantin, le 22 juin 2020. Photo : Rozenn Douerin.

 

Sans produit de synthèse, la chanson du jour associe trois ingrédients :

  • gastronomie,
  • transparence et
  • vacherie.

Le résultat est devenu un classique de Jann Halexander, ici revisité un jour de neige, dans le Val-d’Oise…

 

 

Verena Tönjes et Daria Tudor, « Songs of the clown » (Solo musica) – 1/6

Première du disque

 

D’abord, parler d’une déception : celle d’un livret entièrement germanophone. Il faut se référer au site du distributeur pour découvrir un bout de notice traduit en anglais. C’est ballot, car l’intérêt d’un disque physique, comparé à un site de streaming, ne consiste pas seulement à garnir ses étagères avec des objets culturels qui donnent une apparence cultivée à celui qui habite un espace, même si ça peut jouer ; il est surtout d’être en capacité de mieux comprendre la démarche des artistes, surtout quand elle s’affiche comme monothématique sinon conceptuelle, articulée autour de la figure polymorphe du clown, et quand elle brasse aussi large, de Franz Schubert à Margaret Ruthven Lang en passant par Stephen Sondheim.
Ensuite, parler d’une autre déception : pas de texte disponible. Nous écouterons donc l’essentiel des lieder sans comprendre un broc de ce qui s’y trame. C’est tout à fait fâcheux, un peu comme si nous n’entendions qu’une note sur deux, d’une part parce que le dialogue entre le texte et sa mise en musique contribuent à l’intérêt de ce genre, et d’autre part parce que l’on suppute que le choix des œuvres permet de décliner la figure du clown, triste ou joyeux, et que se retrouver à écouter vingt cinq textes sans cheminer avec eux dans la pensée des artistes les ayant agencés nous fait assurément perdre une grande partie de l’intérêt de cet album, quelque ambitieux et original soit-il.
Enfin, s’approcher de la musique, avec l’impression curieuse de n’avoir pas la liberté d’en jouir pleinement. Et l’affaire commence avec quatre des 12 gedichte [poèmes] aus Pierrot lunaire op. 4 de Max Kowalski. Le cycle est composé en 1912, la même année que le Pierrot lunaire d’Arnold Schönberg, autour des poèmes d’Albert Giraud adaptés en allemand par Otto Erich Hartleben (grâce à l’aura d’Arnold S., certaines paroles peuvent être trouvées en fouillant un peu, par exemple ici). « Gebet an Pierrot » narrant en trois strophes le désarroi de celui qui constate que « le ressort du rire / entre ses dents [a] cassé », ce qui le plonge dans un profond désarroi.
Lent mais capricieux se déploie ce deux temps en sol mineur. D’emblée, le piano de Daria Tudor – l’instrument étant réglé par Michael Köbler – saisit. Il est

  • vif,
  • musical et
  • souple

comme l’exigent la partition et son rôle d’accompagnateur. Valorisée (peut-être trop) par une prise de son SWR signée Ingbert Neumeister, la voix de Verena Tönjes joue

  • de son amplitude mezzo-sopranique,
  • des sautes d’intensité exigées par la partition et
  • de la liberté permise par le compositeur et par le souffle de l’interprète.

 

 

« Der Dandy » raconte comme le « pâle dandy bergamasque » joue avec le fantasque rayon de Lune dont il finit par se parer. La partition en Si bémol, indiquée « assez rapide », est officiellement à quatre temps. Elle va habiller de façon effectivement fantasque ce carcan basique en multipliant

  • triolets,
  • sextolets et
  • septolets.

Emballent notamment

  • la précision de la synchronisation entre les deux comparses sur les unissons,
  • la tonicité du toucher de Daria Tudor, et
  • l’inventivité de l’écriture, avec
    • ruptures de tempi,
    • étonnante mesure à cinq temps,
    • tentation de la modulation (en Si !) et
    • place accordée au piano solo par celui qui gagnera aussi sa vie comme accordeur

Si le « Voyage au pôle Nord » correspond au « Pierrot polaire » (le poème n’a pas été retenu par Arnold Schönberg, donc on essaye d’imaginer à partir du texte d’Albert Giraud, sinon tant pis), la VO évoque la fascination de Pierrot pour « un miroitant glaçon polaire / de froide lumière aiguisé ». Ce mouvement ternaire en sol mineur, siglé allegro maestoso, travaille le miroitement par le swing :

  • triolets de doubles croches,
  • trilles et
  • contretemps

envoient du balancement. Séduisent sans fard

  • la légèreté précise des octaves graves,
  • la clarté de l’agogique commune et
  • la capacité à passer d’un caractère musical à l’autre.

Le quatrième et dernier extrait, « Der Mondfleck », raconte ce moment où Pierrot sort pour pécho – pardon, pour « aller en bonne fortune », sacré Pierrot-Willette ! Hélas, il aperçoit un rayon de Lune sur son habit noir. Il passera donc sa nuit à essayer de l’enlever (on ne pourra pas sauver tout le monde, je vous le garantis). Pourtant, le dernier épisode en Ut mineur est annoncé « tranquille ».

  • Le staccato et le phrasé de la pianiste ébaubissent,
  • l’incarnation sans filtre apparent de la mezzo attire l’attention, et
  • le ciselage de la communauté d’intentions contribue à l’intérêt de cet incipit de disque,

révélant la finesse de l’écriture de Max Kowalski, entre

  • itérations,
  • confrontation entre binaire et ternaire,
  • surgissement de la liberté lunaire qu’offre la mesure à 5/4, et
  • maîtrise d’une écriture à la fois
    • bondissante,
    • cohérente et
    • captivante.

Appétissant.


Pour acheter le disque, c’est par exemple ici.