Bien accompagné 26
À l’enterrement d’une feuille morte voulurent se rendre deux escargots. À l’enterrement d’un grand musicien de la chanson française, je me rendis en compagnie du Roy, expert organier en granularité sonore, membre de la confrérie Sleepy & Partners. Sa mission : examiner l’orgue local afin de rendre un rapport précis et circonstancié sur, eh bien, comme il se doit, sa granularité sonore.
Selon le savant, à l’œuvre pour la première fois, le projet est avant tout « d’esquisser de façon systématique une morphologie analytique des jugements – tâche spéciale qui a une portée universelle » précise cet husserlien en allusionnant, eh oui, la p. 416 des Idées directrices pour une phénoménologie citées tantôt par son confrère. À l’en croire, la perception d’une morphogénèse logique ambitionnant la perspective préanalytique de l’étant – en postulant, de façon schématique, une dichotomie systémique entre signe sonore et signification évaluante – permettrait de penser le grain du son non plus en tant que grain ou en tant que son, mais en tant que tel, c’est-à-dire en tant que la substance sonore n’est rien d’autre que le réel conçu comme le son dégagé de la perception relativiste. (Enfin, c’est ce que j’ai cru comprendre.)
Analyse faisante, le Roy se risque à sourire : « Il me souvient, glisse-t-il, d’une anecdote quelque peu cocasse. En lisant les aventures de Martinzoust narrées par Italo Calvino dans Le Chevalier inexistant – les non-italianistes la peuvent lire [p. 43] dans la traduction de Maurice Javion et Mario Fusco [2001], publiée chez Gallimard dans la collection Folio en 2012 –, je compris pleinement comment donner à saisir la granularité sonore aux manants. Depuis, j’explique que, comme ce brave hurluberlu qui, à force de rouler, disparut, la granularité sonore est seulement quelque chose qui existe sans s’en douter. Et notre rôle, par ma foi, est de rendre justice à cette existence pure au sens où elle n’a pas conscience d’elle-même. »
Cette extrême générosité de la pensée se traduit, chez l’expert granurologue, par un besoin de se ressourcer à soi-même et à la nature. Il s’agit évidemment d’un hasard si la promenade revigorante qu’il fit le conduisit, par la suite, à des libations en joyeuse, musicale et œnologique compagnie. Le stipuler relève de l’évidence, mais il est sain, parfois, de relever de l’évidence plutôt que d’une méchante maladie. (En gros, hein.)
Retrouver les aventures de Sleepy & Partners…
- … aux grandes orgues de la collégiale de Montmorency.
- … à l’église Saint-Marcel (Paris 13).
- … à l’église Sainte-Marie-Madeleine de Domont.
- … à l’église Saint-Martin de Groslay.
- … à l’église Saint-Louis de Vincennes.
- … à l’église Saint-Joseph d’Enghien-les-Bains.
- … sur l’orgue provisoire loué par Notre-Dame de Vincennes.
- … aux grandes orgues de la cathédrale de Gap.
- … aux grandes orgues de Sainte-Julienne de Namur puis de la cathédrale de Namur.
- … à l’église Notre-Dame de Beauchamp.
- … sur l’harmonium du temple protestant du Saint-Esprit (Paris 8).
- … à l’église de Taverny et à l’église de Bessancourt.
- … à l’église du Raincy.
- … à l’église de Notre-Dame du Rosaire.
- … aux grandes orgues de l’église Sainte-Marie des Batignolles (Paris 17).
- … aux grandes orgues de la chapelle du Val-de-Grâce (Paris 5).
- … aux grandes orgues de la basilique d’Argenteuil.
- … sur l’orgue Cattin de Notre-Dame de Vincennes.
- … sur l’orgue Mutin-Cavaillé-Coll de Saint-Georges de la Villette (Paris 19).
- … sur l’orgue Merklin de Saint-Dominique (Paris 14), une fois ou deux.
- … sur l’orgue Delmotte de Saint-André de l’Europe (Paris 8).
- … aux grandes orgues de la collégiale Saint-Jean de Pézenas.
- … aux orgues de l’Immaculée Conception (Paris 12).
- … sur l’orgue de l’église Sainte-Claire (Paris 19).
- … sur l’orgue de l’église Saint-Denis de Gerstheim.