Alex Jellici et Matías Lanz jouent Giovanni Benedetto Platti (Solo musica) – 2/2
Trois disques : c’est ce qu’il faudra, si tout se passe bien, pour épuiser les sonates pour violoncelle et basse continue ainsi que les sonates pour clavecin du signor Giovanni Benedetto Platti, passé sur Terre aux environs de 1700 jusqu’en 1763. Nous avons commencé d’explorer le premier disque, le seul actuellement disponible, et n’avons pas l’intention d’en rester au seuil de la onzième sonate en si mineur pour violoncelle et basse continue.
Selon le schéma intangible lent-vif-lent-vif, voici donc un andante solennel où
- l’enrichissement des reprises,
- la prise de son trrrrès proche du violoncelle, fût-elle dommageable à l’équilibre du duo, et
- l’inventivité du continuiste
contribuent à l’intérêt de l’écoute.
L’allegro ternaire zouke ainsi qu’il se doit. Tout cela est d’un topisme assumé, à la fois
- charmant,
- engagé dans la recréation qu’en proposent les interprètes et
- très ancré dans une posture compositionnelle un rien satisfaite – un peu comme la posture adoptée par les artistes en quatrième – qui, hormis la performance technique et as far as we’re concerned, peine à ébaubir.
Le largo esquisse une mélodie sur les hauteurs du violoncelle que les accidents harmoniques secouent çà et là. Au clavecin d’assurer le balancement entre
- binaire et swing,
- majeur et mineur,
- pérennité et mouvement
- (changement de couleurs,
- rythme pointé,
- quasi liberté des trilles).
Le presto à deux temps travaille moins la célérité que l’allant
- (variété des attaques,
- contretemps,
- complémentarité du dialogue,
- fusées dynamisantes inventées par les interprètes pour compléter une partition qui guide mais n’écrit pas tout).
La deuxième sonate en Ut pour clavecin se greffe sur cette proposition, moins liée au Si bémol précédent qu’au do mineur à venir. L’adagio ternaire donne l’occasion à Matías Lanz d’y déployer son art
- de l’ornementation,
- de l’effet d’attente, et
- de l’augmentation qui tâche de transformer la reprise en redécouverte du propos.
L’allegro, ternaire itou, et même parfois doublement ternaire grâce aux triolets transformant le 3/4 en 1/4 + 6/8.
- La fantaisie du claveciniste,
- sa dextérité et
- son souci d’interpréter plutôt que d’ânonner (la partition n’y incite point)
sauve l’attention de l’auditeur. L’aria est un moment où le charme combiné
- de la délicatesse,
- de l’enrichissement et
- du cisèlement
opère. L’allegro binaire se révèle joyeux, énergique et roboratif à souhait.
- La variété des registres, plaisamment valorisée par la qualité de l’instrument,
- la virtuosité tranquille et
- l’aisance enthousiaste de l’interprète
convainquent enfin.
La dixième sonate en ut pour violoncelle et basse continue conclut ce premier volet. Son largo liminaire travaille
- le temps long,
- l’expression d’une forme de nonchalance, et
- l’irrésolution des tensions harmoniques.
L’allegro creuse plus
- la dynamique que la vitesse,
- l’énergie que la promptitude, et
- la tonicité que l’inventivité.
L’adagio ternaire se présente comme un moment
- paisible,
- posé,
- presque libéré de la bousculade jusqu’à ce que trois étranges coups de semonce viennent le rappeler à la réalité.
Le presto conclusif, ternaire itou, envoie
- du flux,
- de la vibration et
- de l’impulsif.
Sans toujours convaincre du caractère indispensable d’une intégrale, ce premier disque parvient néanmoins à intriguer l’auditeur grâce à
- un agencement judicieux,
- un projet ambitieux et
- des interprètes à la hauteur de leur horizon foufou.
À suivre, donc !
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