Alain Chamfort, « L’Impermanence » aux Folies Bergères, 25 mars 2025 – 2/3

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Photofficielle de la tournée « L’Impermanence »

 

Après une première partie décevante et un entracte longuet (après 30′ de musique, 20′ pour faire fructifier le bar maison, est-ce vraiment raisonnable ?), la lumière s’éteint et revient enfin sur la vedette du soir, Alain Le Govic dit Chamfort en personne. Depuis ses débuts dans les années 1970, soutenus par Claude François qui voit en lui un chanteur à minettes et lui fait abandonner son nom trop bretonnisant à son goût, l’ex-futur pianiste classique n’a eu de cesse

  • de croiser de grandes vedettes de la chanson d’antan, de Serge Gainsbourg à Véronique Sanson,
  • de changer de style plus par appât de la liberté que par appât du gain, même si l’un n’empêche pas l’autre, et
  • de connaître, au gré des chiffres de vente de ses disques,
    • des très hauts volant au-dessus de l’Altiplano,
    • des moyens et
    • des relativement bas.

Il a annoncé la fin de sa carrière avant, c’est selon, de se rétracter ou d’affiner ses propos : il

  • n’arrêtera pas de chanter,
  • n’arrêtera pas non plus d’écrire, MAIS
  • L’Impermanence, paru en 2024, prétexte de la tournée qui passe ce 25 mars 2025 aux Folies Bergères, sera son dernier disque au sens archéologique du terme,

le format « album » ne lui paraissant plus adapté aux nouvelles habitudes liées notamment au streaming. Au fil de ses cinquante ans de carrière et de sa quinzaine d’albums studio, c’est

  • ce bouillonnement,
  • cette insaisissabilité et
  • cette capacité à rebondir qui constituent son personnage artistique,

même si la salle est plutôt monomorphe, ne rassemblant que de vieux Blancs des deux sexes (enfin, de l’un ou de l’autre), dont votre serviteur. Fondé sur une set-list éprouvée, le spectacle s’ouvre sur une bonne idée de mise en scène. Les musiciens entrent et viennent saluer avant de prendre leurs quartiers devant leurs binious et d’interpréter eux-mêmes un bout de « Baby boum », premier extrait d’Amour, année zéro (1981), l’album qui suit la déferlante « Manureva » et est presque intégralement cosigné par celui que Jane B. aimait tant appeler « Siiiiiirge ».
À soixante-seize ans, revenu d’un redoutable cancer des os, lapalissade, Alain Chamfort entre avec « La fièvre dans le sang » (1986), une chanson écrite par Jacques Duvall et co-composée avec Marc Moulin. Le personnage du lover fou s’y affirme à travers l’itération du phonème « sang » appliqué à une fille à la fois princesse et démon. Pour le spectateur, une crainte perce : la direction artistique du jazzman Adrien Soleiman Daoud converti à la pop le conduit à sous-produire la voix par rapport au boum-boum de la basse et de la grosse caisse. Acceptons-en néanmoins l’augure puisque, dans une ambiance sombre, désagréablement trouée par un projecteur arrivant pile dans les yeux des spectateurs placés en hauteur, l’idée semble plus de jouer au Macumba des années 1980, avec

  • chorégraphie du chanteur,
  • surcharge des graves et
  • invitation à taper dans les mains.

La chanson-titre d’Amour, année zéro enquille, éloge paradoxal du carpe diem (« le futur est illusoire ») et de la pérennité (« jolie, tu l’es toujours restée / au physiqu’ comme au figuré ») qu’habille un son

  • résolument lourd,
  • assurément poisseux et
  • volontiers monocorde.

C’est le moment que choisit Alain Chamfort pour glisser l’inusable quoique usé : « Bonsoir, vous allez bien ? » comme au bon vieux temps, avant d’annoncer sa feuille de route. Il effleurera sa carrière – mais pas en-deçà des années 1980, stipule-t-il, sans doute pour créer un suspense cousu de corde blanche, puisque son architube « Manureva » est paru en 1979. L’objectif, annonce-t-il, est de « passer un bon moment ensemble ». Retour ensuite à Amour, année zéro avec l’hommage de Serge Gainsbourg à « Bambou », avec son lot de clichés sur l’exotisme africain qui ne choquait pas dans les 80’s. Pour assurer ou habiter l’espace, le chanteur indique à ses musiciens les moments de reprise et de fin. Le concert est rodé mais vivant !
Débarque « Contre l’amour » (1997). Logique pour un type qui a toujours été contre l’amour, tout contre, le sujet occupant, selon ses statistiques, « 80 % de son répertoire ». Il y revendique de savoir combattre migraines, refroidissements, angoisse, remords tardifs et tutti quanti, mais pas l’amour (« à ce jour, faut dire que nous ne gagnons pas »). En 1993, le trio Duvall-Moulin-Chamfort a ficelé « Clara veut la Lune », qui n’a pas besoin d’Alizée pour s’amuser de ses allusions porno-myléniques (« Clara veut la Lune / Il m’arrive de refuser / Quand j’ai rangé la fusée / Au garage »). C’est l’occasion d’un premier solo de guitare qui se refuse à décoller ainsi que cela se pratique à Kourou, comme ensuqué volontairement dans cet amour terre-à-terre qui atterre Clara.
Dans ce contexte, on est obligé d’entendre à double sens – si l’on peut dire – la déclaration d’amour du chanteur aux chutes, pourvu qu’elles soient douces. Troisième titre pioché dans Personne n’est parfait, « Notre histoire » se finit mal mais commence bien – dans les paroles mais aussi sur scène : on aime

  • la proximité proposée par le piano-voix,
  • l’essor permis par l’élargissement sans surprise mais bien mené de l’instrumentarium, et
  • les plaisirs
    • du temps long,
    • de la mélancolie ainsi que
    • de la redite de variété

comme si, en se remémorant les faux souvenirs de l’artiste, l’auditeur revivait voire remâchonnait ces histoires à la fois personnelles et communes à tant d’humains. Un p’tit peu de mise en scène avec le déplacement d’Alain Chamfort vers une table fleurie, une coda instrumentale de bonne facture, et voilà la première partie du spectacle terminée – nous retrouverons la seconde dans une prochaine notule !