Alain Chamfort, « L’Impermanence » aux Folies Bergères, 25 mars 2025 – 1/3

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Capture d’écran IG annonçant la présence de Mélissende Letty « en support », avec un « r », à l’Olympia, le 17 avril 2025.

 

Remplaçant de la titulaire d’un billet, me voici dans les Folies Bergères pour assister à la première partie du concert d’Alain Chamfort, assumée par Mélissende Letty, dite Mélissende. Son set de sept chansons (sa sept-list, donc) s’articule en forme ABA : début à la guitare, milieu au miniclavier, fin à la guitare. Après avoir évoqué aux Anciens l’Allain Leprest du puissant « Quel con a dit y a rien qui s’passe ? » avec son pourtant lénifiant « Rien ne se passe », voici que la demoiselle fait surgir l’iconique « Tiens-toi droit » d’Anne Sylvestre avec « Tenir droit », posture importante pour « te dire je t’aime ». Même si, en tant que microchanteur, on est a priori solidaire de la nana qui débarque sur scène pendant que les gens bavardent en s’installant vu que ce n’est pas pour elle qu’ils se sont déplacés, impossible de tenir cette posture après

  • deux titres d’une pauvreté musicale abyssale,
  • un interchansons parlé d’une fatuité et d’un conformisme extrêmes (« alors la prochaine chanson, je l’ai écrite il y a longtemps, mais j’aime bien la chanter car elle me rappelle d’où je viens et celle que je veux continuer à être », comme aurait commenté un personnage d’André Roussin à chaque fois que sa belle-mère entre sur scène : « Feu ! »)
  • et une poétique égotique plus que limitée (« je n’ai plus peur d’être moi » sur trois notes et environ un accord, franchement, tu devrais flipper, la miss).

Avec « Que les rêves », la dame arrive au miniclavier où elle bariole et minaude en évoquant un amour perdu qu’elle peut toujours fantasmer en baguenaudant dans ses pensées « si je veux être à tes côtés, wo-o-woh ». Les amateurs de mollesse lancinante et contente d’elle-même se gobergeront

  • de la voix chichiteuse,
  • de la chanson cousue de corde blanche bien usée, et
  • de l’ironie mièvre de la demoiselle estimant que, « comme le dit le fameux dicton, une chanson sur le deuil et ça repart ».

Suit « Petite voix », toujours en bariolage éprouvant sur le miniclavier, dont les paroles sont, peu ou prou : « Cette toute petite voix, ah, ah, ah, oui, c’est bien moi, ouh, haha, ha. » Depuis les parodies citées dans Langelot chez les papous et fomentées par le regretté Vladimir Volkoff, aka Lieutenant X, on n’avait peut-être pas ouï

  • de tels véritables cheffes-d’œuvre,
  • de telles pépites jubilatoires, ni
  • de telles fulgurances de l’émotionnel.

 

 

On tâche de se contenir, de croire que le meilleur est à venir ou que le pire est passé. Hélas, rien ne nous sourit. En effet, l’interchansons parlé a la sexytude d’une huitre périmée (« Je me demande souvent si ce ne serait pas mieux ailleurs, donc la prochaine chanson s’appelle Ailleurs », aïe, heurt).

  • L’accompagnement uniforme et stérile,
  • la voix oscillant entre susurrations mielleuses et envolées nasales pour les moments émotifs,
  • les texte et mélodie plats comme un segment [AB] sur un papier millimétré d’élève de sixième,

on suffoque d’autant plus que l’on voudrait vraiment saluer

  • une singularité,
  • une proposition,
  • une présence.

Las, « L’amour m’a quitté » n’arrange pas notre déchirement entre désir et constat.

  • La diction traînante,
  • la propension à avaler les consonnes,
  • l’impression que la réverb’ et l’écho suffiront à donner de la profondeur à un timbre mielleux, mi-rien,

désamorcent notre sincère volonté de bienveillance. La fin ne nous déçoit pas davantage en bien, comme le préfigure l’interchansons : « Ma dernière chanson s’appelle courage. Je voudrais la dédier à toutes celle et à tous ceux (sic) qui ont besoin de réconfort, ce soir. » En effet, le refrain de la chanson sur le courage qui s’appelle « Courage », dit « Coura-a-age (bis) ». Wow. Quasi spooky.
Un entracte de vingt minutes n’était peut-être pas inutile pour faire la fortune du bar du théâtre et nous aider à oublier ces trente premières minutes qui, il faut bien l’avouer,

  • artistiquement,
  • poétiquement et
  • scéniquement,

nous ont affligé. Il y avait sans doute mille artistes chamfort-compatibles, plus originaux et plus doués pour profiter de cette prestigieuse tribune, c’est

  • sûr,
  • certain et
  • vaguement triste.