Opéra-Comique, le 25 mars 2013
C’était un tube jadis : Le Roi d’Ys d’Édouard Lalo était donné (enfin, vendu) en version de concert ce 25 mars 2013 au profit de l’association ColineOpéra qui fait des trucs mais, après écoute des discours de circonstance, impossible de dire quoi.
L’histoire : pour sauver son peuple, Margared accepte d’épouser Karnac, le chef des ennemis d’Ys. Rozenn, sa sœur, s’en fout : elle aime la vedette des guerriers autochtones, Mylio, lequel rentre précisément la veille du mariage de Margared. Problème : Margared aussi est in love with Mylio (acte I). Margared, jalouse, rejette Karnac, qui provoque la guerre, mais Mylio défonce Karnac. Pour se venger et venger son ex-futur jules, Margared lui conseille d’ouvrir les écluses (acte II). En plein mariage, la tempête envahit donc la ville d’Ys. Mais Mylio bute Karnac, et saint Corentin accepte d’apaiser la colère des flots en échange de la vie de Margared (fin joyeuse de l’acte III).
Le résultat : rarement proposé en spectacle, cet opéra est présenté pour la première fois avec un prologue parlé : l’Orchestre de Montpellier Languedoc-Roussillon, qui officie ce soir avec le Chœur du même nom, prévient qu’il a accepté de jouer mais qu’il boude, car son patron pue du cul (je simplifie). Il assurera néanmoins sa partie avec vaillance, permettant d’apprécier notamment ses bois (flûtes en tête), d’une belle vigilance dans des duos exigeant une grande précision. Il est dirigé par Patrick Davin, que nous avions vu à l’œuvre an avril 2012 dans La Muette de Portici, et le 20 septembre 2012 à la tête de l’Ensemble Intercontemporain, dans un programme Bach – Kurtág – Nodaïra. De nouveau, le chef fait forte impression : précision des indications, sens des nuances, capacité à dynamiser un ensemble qui tend à s’endormir après un prélude joué tambour battant. Par contraste, le chœur paraît très faible ou mal préparé : puissance limitée, attaques imprécises, justesse discutable (les soprani 1 ne sont clairement pas réglées sur le même diapason que le reste de l’équipe). Quant au plateau vocal, il surprend par son caractère hétéroclite.
Honneur aux hommes, pour ainsi dire : Sébastien Guèze, en Mylio, déçoit. Certes, il a fait préciser qu’il était un peu enrhumé ; mais ce genre de partition ne pardonne pas. Très souvent en souffrance, fréquemment en difficulté, parfois dans l’impossibilité de chanter sa partition, il n’est pas à la hauteur. Les seuls à sortir du lot, c’est-à-dire à se faire entendre des plus hauts balcons, sont à la rigueur, petit à petit, un Franck Ferrari (Karnac) qu’on a cru entendre jadis plus puissant et plus musical, et le costaud Nika Guliashvili, dont le minirôle de saint Corentin sonne précis, français, tonique, et fait regretter la brièveté de l’intervention.
Côté filles, deux rôles solistes seulement. D’un côté, le faire-valoir théorique, Rozenn : le rôle est dévolu à Julianna Di Giacomo. C’est la révélation, à nos ouïes, de la soirée. Certes, on se demande physiquement comment Mylio peut la préférer à sa sœur… mais les aigus ne lui posent aucun problème ; les notes sont tenues avec grâce et sûreté ; les sautes de registres sont pipi de chat pour cette interprète formidable ; le phrasé est globalement très intelligible ; et le rôle – un peu niais, à notre aune – est interprété avec fermeté et dignité. C’est d’autant plus impressionnant que Sophie Koch, la soprano vedette française, l’excellente Fricka du Ring parisien, celle qui monopolisera les scènes notamment parisiennes la saison prochaine, est, en gros, plutôt à la rue. Son français est étonnamment imbittable ; et, même si la voix est globalement sûre, certains aigus manquent, plusieurs notes redoutables sont escamotées, et des tenues sont abandonnées avant l’heure. Pour quelqu’un qui a déjà interprété le rôle en version scénique, cette prestation est franchement décevante.
Étonné, on voulut voir ce qu’en disait l’intéressée après le concert. Pourquoi parlait-elle un français inintelligible ? Malheureusement, les vigiles nous conseillèrent de repasser « dans deux heures au moins, après le banquet ». Il est vrai que, comme pour toute soirée de gala au bénéfice d’une association, les interprètes majeurs étaient invités à festoyer. Y a de la thune, profitons-en, non ?
Le bilan : dans un Opéra-Comique archicomble (il y avait même Roselyne Bachelot, c’est dire), cette représentation imparfaite a malgré tout été l’occasion d’entendre une œuvre rare à Paris, associant l’étonnante déception kochistique au plaisir de découvrir Julianna Di Giacomo. Pour 15 €, on aurait mauvaise grâce de faire la tête.
Droit de réponse offert à Coline Opéra
Les articles de cette page d’accueil n’étant pas toujours amènes – même si je tâche d’expliquer le fondement des critiques -, il arrive que je reçoive des courriels d’insultes. Souvent anonymes, parfois signés de crétines illettrées, ils gagnent une réponse sommaire, un blacklistage et le cyberdoigt d’honneur qu’ils méritent. Au contraire, certaines réponses gagnent à être portées à la connaissance des curieux. C’est le cas de celle-ci.
C’est avec un certain étonnement que je lis votre article ce jour.
Comme vous le constaterez peut être, l’extension de mon adresse mail est « colineopera.org » , je suis la chargée de production et de communication de ce fonds de dotation. Je ne suis pas là pour critiquer votre analyse ou pour émettre un point de vue mais simplement pour vous expliquer qui nous sommes et quels étaient les tenants et aboutissants de cette soirée caritative (car malgré vos doutes c’était bien le cas). ColineOpéra a été conçu dans la continuité de l’association Coline en Ré dont les recettes de plus de 50 concerts de musique classique instrumentale de haut niveau, ajoutée aux dons reçus, ont permis de donner à la Chaîne de l’Espoir (chirurgie cardiaque de l’enfant) l’équivalent de plusieurs centaines d’opérations vitales d’enfants pauvres dans ses hôpitaux.ColineOpéra place l’art lyrique au cœur de son action en mobilisant les plus grands artistes (Sophie Koch est notre marraine, Edita Gruberova, June Anderson, Annick Massis, Michael Spyres, Patrizia Cioffi et tant d’autres), la générosité des Maisons d’Opéra (Montpellier, Nice, Paris, Rouen, Opéra du Rhin…), les donateurs privés et le mécénat d’entreprise. Ainsi, la totalité des recettes de ces concerts et des opéras sont mises à la disposition des organisations efficaces et transparentes dont nous soutenons les actions et dont nous évaluons les résultats.
ColineOpéra, comme Coline en Ré désormais, a choisi de soutenir trois organisations éminentes travaillant au profit de l’enfance en danger, en France et loin de notre pays, dans les domaines essentiels que sont la santé, la protection et l’éducation: la Chaîne de l’Espoir pré-citée, Toutes à l’École pour l’éducation des petites filles au Cambodge et la Fondation française Mouvement Villages d’Enfants, qui s’occupe d’accueillir des frères et sœurs, au sein de villages d’enfants et/ou de foyers, séparés de leurs parents suite à une décision de justice pour cause de maltraitances.
Nous sommes habilités à émettre des reçus fiscaux pour les dons reçus tel que prévu par la loi de finances en vigueur. Ainsi, chacun peut donner en déduisant de ses impôts jusqu’à 75 % de la valeur de son don ce qui explique « le banquet » dont vous parlez. Il s’agit en fait d’un remerciement à nos donateurs: en effet ces personnes à qui nous offrons un cocktail ont payé leur place au prix de 350€ et oui les artistes qui ont pour la plupart fait de gros effort sur leur cachet (voire un abandon total), étaient également conviés.
J’espère que votre regard sur notre association sera un peu adouci et je vous remercie de m’avoir lu.
Bien à vous,
Ludivine Vantourout.