Falstaff, Philharmonie de Paris, 29 septembre 2017
Un opéra en version de concert : rassurant car pas de mise en scène ridicule à subir ? Falstaff version Philharmonie de Paris 2017 met la question à l’épreuve.
L’histoire : voir ici.
La représentation : le problème d’un concert, qui plus est lyrique, à la Philharmonie, est que l’on n’entend pas la même chose selon l’endroit où l’on est placé. Au second balcon, face à cour, la différence est sensible entre le rang E, où l’acoustique sèche étouffe et les voix et l’orchestre, et le rang G, où l’on entend mieux l’effort que font les voix pour percer. Dans ces deux cas, même s’il vaut clairement mieux être assis au rang G, il est quasi impossible de percevoir des nuances médianes, tout effort musical semblant se dissoudre dans l’air. Seuls les piani finaux de Lisette Oropesa (Nanetta), rêvant d’Andrew Staples (Fenton), permis par une orchestration adaptée, contrastent avec l’obligation faite aux chanteurs de projeter fort et loin.
Le plateau : dans ces conditions difficiles, tous les solistes (dix, dont, bien sûr, pas un Français, ce serait d’un vulgaire !) brillent par leur métier et, pour les plus sollicités, par leur endurance. Ambrogio Maestri, Falstaff jusqu’au bout du bidon, surjoue avec gourmandise son rôle de bouffe, renonçant tout à fait à rendre touchant ce personnage grotesque. Teresa Iervolino (Dame Quickly) n’est pas en reste dans son rôle d’entremetteuse multipliant les « Reverenza » sans faiblir. Barbara Frittoli (Dame Alice Ford) joue soigneusement les allumeuses intouchables, et Christopher Maltman (Ford) incarne les outragés repentis d’une voix idoine. L’orchestre fait le travail avec une précision qui compense une acoustique peu flatteuse ; le chœur, amateurs éhontément exploités, donne vaillamment de la voix dans un petit rôle interprété pour partie par cœur (on regrette pour le principe que certaines choristes soient insuffisamment présentes à leur travail bénévole comme en témoignent des gestes parasites, mais la puissance et la justesse de la phalange séduisent).
La question : interroge la semi-mise en scène qu’incarnent les solistes. Tous chantent de mémoire, mais les voir s’activer dans un espace abstrait (un siège de pianiste figure le paravent, une marche symbolise une cachette…) et des costumes neutres sauf exception (Falstaff osant un T-shirt humoristique à la fin du III) perturbe l’auditeur. Pour un opéra en concert, c’est trop ; pour un concert mis en espace, c’est insatisfaisant. On sent bien que ces acteurs-chanteurs roués auraient préféré un véritable travail scénique avec quelques accessoires bien sentis ; devant l’importance de la spatialisation du jeu, on est d’autant moins convaincu que cette option mitoyenne entre opéra de concert et œuvre mise en jeu soit optimale.
Le bilan : une musique gouleyante, des artistes expérimentés, une bonne maîtrise globale signée Daniel Harding assurent au spectateur une soirée peut-être un brin frustrante, mais assurément agréable.