Le rganiss est-il une famdeménaj comme une autre ?

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A priori, ce n’était pas le sujet que je souhaitais aborder aujourd’hui, même si le livre est disponible ici. Et pourtant, ce le sera. Na. (Et non « sers le serrano », hélas. Bref.)
Tantôt, j’allai sévir comme remplaçant dans une paroisse sympathique, où quelque instance locale finit par médire d’un collègue musicien « toujours pressé de finir », ce qui est très vrai, « alors que 50 € pour 30′, par rapport à une femme de ménage, pardon ». Éclaircissons les choses : aucun musicien d’église ne considère qu’il travaille 30′. La durée moyenne d’une cérémonie est d’une heure, avec un éventail allant de 45′ à 3 h, en général pour le même tarif. À cela, on ajoutera le quart d’heure de « mise au point » avant la cérémonie, la préparation éventuelle de l’instrument ou de la tenue, enfin la fermeture de l’instrument et les saluts finaux auprès des salariés ou des bénévoles locaux. À cela, on ajoutera aussi la durée de déplacement, qui peut dépasser 1 h 45 aller, donc 1 h 30 retour. Comme il est rare que le musicien ait l’occasion de jouer deux cérémonies à la suite, on peut ainsi estimer, à titre indicatif, qu’une cérémonie représente a minima 1 h de transport aller (1 h 30′ quand je vais à Montmorency, par ex.), 1 h de cérémonie et 1 h de trajet retour. Donc non pas 30′ mais 3 h comme socle indicatif de base.
Revenons à l’autre aspect de la critique. Le musicien serait payé cher, alors même qu’il fait un métier moins épuisant physiquement et plus valorisant socialement, suppose-t-on, que la femme de ménage. Il faut s’arrêter sur cet argument répugnant, car il fait de la femme de ménage l’équivalent du cancer en médecine. Si t’es pas capable de soigner un cancer alors que t’es médecin, t’es de la merde ; si tu gagnes plus en tarif horaire effectif qu’une femme de ménage, t’es un salopard. Puisque je ne guéris pas le cancer, je ne suis candidat qu’à la salopardise, aussi dois-je éclaircir les faits afin d’être, ou non, diplômé « privilégié de la République ».
Comme je l’expliquai dans L’Homme qui jouait de l’orgue, le rganiss liturgique de mon acabit doit être disponible à plein temps, mais n’est bien sûr pas garanti d’être occupé à plein temps. Prenons le jour précédant mon accusation de privilège : pas de convoi. Gain organistique : zéro euro. Le jour de la critique : départ 9 h, cérémonie 10 h, fin de cérémonie 11 h 30, retour 12 h 30, gain 50 € ; redépart 14 h, cérémonie 15 h, fin de cérémonie 16 h 15, retour 17 h 15, gain 50 €. Donc, oui, sur un jour, le rganiss a gagné plus que ne gagnera une famdeménaj en une journée. Sur deux, pas sûr. Surtout, pourquoi ne pas comparer ce musicien à la maquilleuse du Pharaon de la Pensée complexe ?
Moi qui suis nul en ménage, à plus d’un titre, je reconnais qu’il y a plus d’un point de comparaison entre les famdeménaj et les rganiss turjik. Des exemples ? Nous intervenons dans des situations où, peut-être, certains rechigneraient à intervenir (à titre d’exemple, je passe l’essentiel de mon temps rémunéré à jouer pour des cadavres) ; certains nous traitent avec le même mépris ; certains d’entre nous sont des gougnafiers, qui sabotent le travail sans respect des donneurs d’ordre, d’autres essayent de faire le job le mieux possible ; nous sommes, quoi que nous essayions de faire croire à nos « conseillers financiers », payés de la roupie de sansonnet, que nous apprécions notre travail ou pas. Mais la prochaine fois que tu constateras que la poussière et les saletés se sont accumulées pendant que t’étais en vacances, ou quand tu chercheras un gugusse pour jouer du Coldplay à ton mariage parce qu’au grand orgue ça jette, peut-être te diras-tu : « Tiens, si j’augmentais la femme de ménage… et le rganiss, par la même occasion ? »