Jann Halexander, Théâtre du Gouvernail, 3 novembre 2017
Jann Halexander est un chanteur-pianiste qui festonne textes, musiques et intermèdes parlés théoriquement préparés et en fait spontanés. Non loin de Claudio Zaretti, venu applaudir un estimé collègue, nous sommes allés l’écouter au Théâtre du Gouvernail pour sa première date parisienne. Devant le succès de ses deux dates, complètes, il a accepté d’ajouter un concert, le mardi 12 décembre. C’est le biais de notre article : nous assurerons, autant que possible, yo, la première partie de ce récital. Donc notre article n’a pas de chance de détruire un zozo qui nous propose de sévir dans d’aussi belles conditions (super sièges pour les spectateurs, feux et sons tout à fait pro, vrai piano, pas d’alcoolo te demandant de chanter du Jauni Àlidé, etc.). Pour notre défense toutefois, nous arguerons d’abord que nous avons souventes fois croisé notre route avec celles de cet énergumène, et nous ne l’avons pas vraiment caché ; ensuite, avant qu’il ne nous avance cette flatteuse proposition, nous n’avions pas l’intention de le descendre en flammes ; enfin, je fais ce que je veux ici, c’est mon site, mârde.
Pour contraster avec l’espace impressionnant et un peu froid de la Comédie Nation, Jann Halexander choisit de revenir à Paris pour son « Ah vous dirais-je » Tour dans une salle toute en largeur, chaleureuse (une fois passée l’entrée) et parfaite pour la chanson qui s’adresse aux zozos ne logeant ni leur cerveau ni leur cœur QUE dans leurs chaussettes. La formation qui auréole ce chanteur ce soir-là associe la voix et le piano de la vedette à deux artistes. D’une part, Barbara Felettig, une guitariste-charanguiste d’apparence sympathique mais, à notre goût trop sage, sur laquelle nous maintenons les réserves émises l’an dernier – la contrebasse d’un Claudio Zaretti, puisque l’on en parlait, apporterait sans doute aucun un groove plus utile, le consternant « Il est vraiment phénoménal » entonné par la charanguiste à la fin de sa prestation achevant de nous éloigner de l’esthétique de cette musicienne. D’autre part, Laurence Gastine, une saxophoniste résolument jazzy, que l’on aimerait applaudir avec vivacité malgré son sérieux indéfectible sur scène, à peu près aussi charismatique que l’indifférence collégienne de la guitariste ; pourtant, peut-être en conformité avec un principe de chanson alternative financièrement sur le fil, finit par agacer sa tendance à intervenir de façon inopportune et dissonante en même temps que le chanteur faute de répétitions suffisantes, probablement : le son est chaud, le souffle est engageant et les doigts tricotent utilement, mais plus de précision serait indispensable pour doubler ou unissonner (pfff) le chanteur.
Ces réserves ayant été émises, saluons la spécificité de la prestation. Avec ce spectacle sobre (un piano au centre, un lampadaire tout près, une guitariste à jardin et une saxophoniste à cour), Jann Halexander propose un spectacle intimiste, voire intime avec une double volonté : la mise à nu, puisque l’artiste parle de sujets qui le touchent souvent directement ; et la distance, car l’homme refuse souvent le traitement frontal « des grands sujets, des grands machins » dont parle Anne Sylvestre, référence récurrente du gaillard. Complémentaire de son précédent spectacle à la Comédie Nation, l’an dernier, plus extraverti, prédomine cette fois la volonté de se poser (prenants passages piano-voix, qui appuient sur la relative inutilité d’une guitare redondante ou d’un instrument soliste superfétatoire), d’oser chanter les fêlures sans toujours parler de soi, de se risquer dans des genres différents, de fréquenter l’humour mais pas que, bref, d’offrir aux nombreux spectateurs un large spectre de ses talents musicaux y compris des inédits plaisants (« Les mesquineries »), en valorisant les titres si différents de son intéressant dernier disque. En prime, il démontre que, parfois, avec une équipe ad hoc, un répertoire varié, une volonté chevillée, on peut remplir les jauges parisiennes adaptées sans mégamédia dans sa poche. Na.
– Et sinon, blabla à part, c’est bien ?
– Si tu aimes la chanson intelligente, variée, originale, dissonant de la médiocrité, ça se défend bec et ongles. Sinon, ben, va applaudir Charles Aznavour (mais rends-toi méconnaissable avant de passer pour un gogo en subventionnant cette consternante momie).